Pour les huiles de Washington, c’est une journée comme une autre qui commence. Les fonctionnaires et les militaires chargés de la sécurité nationale, à la Maison-Blanche ou au Capitole, prennent leur poste normalement. Les États-Unis sont en Defcon 4, le niveau de sécurité le plus bas, symbolisé par la couleur verte.
Mais l’ambiance va changer lorsque la défense antimissile de Fort Greely, en Alaska, reçoit une alerte : un missile balistique vient d’être tiré depuis le Pacifique. Sans doute un exercice nord-coréen, mais Defcon 2 (orange) est tout de même activé. Mais passe vite en Defcon 1 (rouge) lorsque le tir cible Chicago. L’état-major et le président ont vingt minutes pour réagir, évacuer le « personnel essentiel », contrer la menace et cibler (ou pas) d’autres pays.
Détruire le mythe d’États-Unis tout-puissants
En cinéaste expérimentée, pertinente et maline, Kathryn Bigelow confronte à ses propres failles, encore une fois, la machine d’État américaine. Car le scénario qu’elle a travaillé avec l’ancien grand reporter Noah Oppenheim ne relève pas seulement de la fiction.
Les films de la cinéaste (Démineurs, Zero Dark Thirty, Detroit) sont toujours extrêmement bien documentés, ce qui sans doute dans ce cas ajoutera à l’angoisse du spectateur. Lorsqu’un cadre de la NSA (agence de sécurité nationale) estime que lancer un missile d’interception revient à vouloir « arrêter une balle avec une balle » ou que le ministre de la Défense fulmine, car activer le programme de contre-mesures pour lequel le gouvernement a payé 50 milliards de dollars c’est « tirer à pile ou face », on mesure toute l’étendue du problème : on peut être extrêmement bien préparé et se montrer tout autant démuni.
Dans un monde où la prolifération nucléaire ne s’est en réalité jamais enrayée bien longtemps, Bigelow pose la question qui fâche. Et détruit le mythe d’États-Unis tout-puissants, car finalement à la merci des mêmes armes qu’ils développent. D’ailleurs, l’arme nucléaire ? « Nous n’en parlons plus. Nous n’y pensons plus. Mais nous n’avons fait aucun effort pour réduire le stock nucléaire », déplorait la cinéaste dans un entretien au Figaro le week-end dernier. D’où l’idée, poursuit-elle, d’un missile d’origine inconnue menaçant les États-Unis.
En choisissant de ne pas montrer la décision finale, la réalisatrice laisse la fin ouverte. Comme pour dire au spectateur, notamment cette génération Z qui n’a « aucune idée » de ce dont on parle, qu’il reste encore le choix. Celui de reprendre les mobilisations internationales contre la prolifération nucléaire, peut-être ?
Pour la réalisatrice, c’est en tout cas « l’opportunité de poser les bases d’une discussion ». Pour rappel, le prix Nobel de la paix a été remis en 2017 à l’Ican (Campagne internationale pour le désarmement nucléaire). Or, « à la fin de 2024, le désarmement nucléaire semblait plus difficile à atteindre que jamais depuis la fin de la guerre froide », alertait récemment l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm. De nombreux pays, dont les États-Unis mais aussi la Chine, la Russie ou la France, continuant de renforcer leur arsenal nucléaire.
A House of Dynamite, de Kathryn Bigelow, Netflix
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