Un chat porte-bonheur venu d’Asie semble braver du regard les lecteurs de Handelsblatt, les sourcils froncés et les bras croisés. “Le piège de Pékin”, titre le journal économique allemand, en une de son édition du 31 octobre. “Matières premières, semi-conducteurs, débouchés commerciaux… par facilité et manque de clairvoyance à long terme, l’Allemagne s’est placée sous le joug de la Chine. Et en paie aujourd’hui le prix. Mais ce n’est pas inéluctable.”
“Pendant des décennies, l’Allemagne a cultivé sa dépendance économique à la Chine”, assure le média de Francfort, dans un long article d’analyse. Un exemple récent le confirme. La semaine dernière, les constructeurs automobiles du pays d’outre-Rhin ont connu d’importantes difficultés, après l’arrêt des livraisons chinoises de certains composants utilisés pour fabriquer des puces électroniques.
Perte d’influence
“Ni Berlin ni Bruxelles, où se décide la politique commerciale de l’Union européenne, n’ont su profiter [de leur relation privilégiée avec la Chine] pour gagner en influence sur la politique de Pékin.” Cela s’est confirmé récemment à Busan, en Corée du Sud, où les dirigeants américain et chinois se sont, certes, entendus sur un accord concernant les échanges commerciaux de terres rares, mais où les Européens n’étaient pas représentés, alors que les intérêts du Vieux Continent étaient également en jeu.
Le ministre des Affaires étrangères allemand Johann Wadephul a quant à lui subi un “affront” personnel. Il y a quelques jours, sa visite en Chine a été tout bonnement annulée. Selon des sources diplomatiques européennes, Pékin aurait fait pression sur le conservateur pour qu’il revienne publiquement sur ses critiques contre l’action du géant asiatique en mer de Chine méridionale. Ce dernier a refusé, mais son voyage avorté montre, selon le titre économique, que l’influence de l’Allemagne ne cesse de se réduire dans un pays qui est pourtant son premier partenaire commercial.
Face à ce constat, le gouvernement de Friedrich Merz a appelé les grandes entreprises d’outre-Rhin à diversifier leurs fournisseurs et à ne pas s’approvisionner uniquement en Chine. Des mains tendues ont aussi été adressées à différents pays riches en matières premières – comme la Turquie ou le Canada. Sur le plan européen, plusieurs initiatives ont par ailleurs été lancées, dont le projet “Resource EU” visant à recycler des terres rares déjà présentes dans les 27 pays de l’UE. Cela suffira-t-il à rendre le Vieux Continent indépendant de la Chine ? Handelsblatt se garde bien de répondre à cette question.