Le couperet est tombé pour Andrew. Après avoir renoncé de lui-même mi-octobre à son titre de duc d’York, le 3e fils de la reine Elizabeth vient de se voir retirer celui de prince, une décision historique prise par son frère le roi Charles III, jeudi soir. Dans la foulée, Andrew devra également quitter sa résidence de Royal Lodge près de Windsor pour vivre dans le Norfolk, à près de 200 km de Londres.
Une disgrâce spectaculaire qui vient couronner des années de scandales pour Andrew, mis en cause depuis 2011 pour ses liens avec le défunt financier et pédocriminel américain Jeffrey Epstein. Des accusations que ce membre de la famille royale a toujours démenties.
Jugée quelque peu tardive pour certains, la décision de Charles III a été saluée par des personnalités britanniques. « C’est vraiment un pas courageux, important et juste de la part du roi », a notamment réagi la secrétaire d’Etat à la Culture Lisa Nandy, rapporte l’AFP. Une situation inédite que Maud Garmy, reporter pour le magazine Point de vue, décrypte pour 20 Minutes.
Cette décision catégorique de la part du roi Charles III surprend-elle outre-Manche ?
C’était devenu inévitable. Au cœur du sujet, il y a le scandale sur l’affaire Epstein, et d’autant plus depuis la publication, la semaine dernière, des mémoires posthumes de Virginia Giuffre, la principale accusatrice. Mais il y a aussi d’autres volets, dont celui financier. Quand il était membre actif de la couronne, Andrew était le représentant spécial du Royaume-Uni pour le commerce. Il a eu des connexions financières un peu partout et il existe des soupçons sur des prises d’intérêts personnels. C’est un autre volet qui risque d’éclater à son tour et pour l’institution, ce n’est absolument pas possible que cela devienne un scandale d’État qui entache de nouveau la monarchie. Dans l’opinion publique, près de 80 % des Britanniques étaient pour le retrait des titres d’Andrew. Tout cela devenait intenable, Charles était acculé… Il a tranché, là où la reine Elizabeth n’avait pas réussi de façon complètement définitive parce que c’était une mère et qu’Andrew était un peu son favori.
En quoi cette annonce est-elle retentissante ?
On ne s’attendait pas à ce que ce soit fait de façon aussi rapide. En temps normal, pour retirer le titre de prince, il faudrait un acte du Parlement. Or, Charles a trouvé une manœuvre différente. Il a fait en sorte que ce soit géré via ce qu’on appelle un Royal Warrant, une prérogative qui émane du souverain. Il l’a envoyé au Lord Chancelier, le responsable de ce qu’on appelle en Angleterre le Roll of the Peerage, un registre des pairies et titres nobiliaires. Aujourd’hui, Andrew est retiré de cette liste, il n’est plus indiqué comme le duc d’York. C’est acté. Charles a fait en sorte qu’il y ait un effet immédiat. Un passage au Parlement se serait accompagné de semaines de débats et d’un déballage public potentiel.
Les médias britanniques laissent entendre une certaine influence du prince William dans cette décision. Est-ce envisageable ?
William a toujours eu une position en off. Sur ce sujet, il pensait qu’il fallait être plus radical que ce qui avait été fait. William avait cette idée persistante que tous les scandales qui allaient sortir à propos d’Andrew entacheraient l’institution, quoi qu’il arrive. Néanmoins, le Palais a fait savoir que c’était la décision de Charles, le monarque. Le roi a consulté ses conseillers, sa famille élargie et le prince William, son héritier, mais on ne peut pas dire que c’est sa décision. Toutefois, d’autres éléments ont pu jouer, comme le déménagement prochain de William et sa famille près du Royal Lodge, le grand manoir à Windsor où vivait Andrew. Il va être envoyé dans le Norfolk, à Sandringham, un domaine privé. Il ira à la campagne, il y aura moins de paparazzi, il sera moins traqué. En revanche, c’est Charles qui payera pour ça sur ses deniers privés. On ne pourra plus dire que le domaine de la couronne, qui alimente aussi les finances publiques, loge Andrew.
Hormis cet isolement, Andrew ne pourra donc plus du tout représenter la couronne ?
Il ne le pouvait déjà plus. En 2019, quand l’affaire explose et qu’il fait son interview catastrophe à la BBC, il accepte de se retirer de la vie publique. En 2021, Virginia Giuffre porte plainte. L’année suivante, la reine enlève à Andrew ses honneurs militaires. A partir de ce moment-là, il ne pouvait plus utiliser non plus son prédicat d’Altesse Royale. Si on devait l’annoncer officiellement quelque part, on ne disait plus « son Altesse Royale le prince Andrew ». C’était juste le prince Andrew, duc d’York. Il y a eu une gradation.
Notre dossier sur le roi Charles IIILes filles d’Andrew conserveront-elles leurs titres ?
Le Palais a confirmé qu’Eugenie et Beatrice garderont leur titre de princesses. C’est lié aux lettres patentes de 1917. Il y est attesté que tous les petits-enfants nés d’un fils de souverain – donc logiquement les enfants de Charles, Andrew et Edward-, avaient droit aux titres de princes et princesses à la naissance. Andrew, qui a toujours voulu le meilleur pour ses filles et qui avait beaucoup d’ambition pour elles, tenait énormément à ces titres. Son retrait, c’est aussi une façon de les protéger aujourd’hui. Par ailleurs, Charles a fait savoir qu’elles n’ont pas à être tenues pour responsables des frasques de leurs parents.