« Y’a plein de trucs chouettes à Maurepas, il n’y a pas que des fusillades. » Avec enthousiasme, Cathy et Florent évoquent leurs sept années passées comme éducateurs au Relais SEA 35, auprès des jeunes de 10 à 21 ans, à Maurepas, au nord-est Rennes. Un nom forcément associé aux multiples règlements de compte qui y ont eu lieu, ces derniers mois, sur fond de narcotrafic. Ce phénomène, ils le connaissent bien, pour y assister aux premières loges.
Sur les 248 jeunes qui ont été en contact avec l’association cette année, difficile de dire combien participent au deal. « Cela représente peut-être 10 % de notre public. Certains font ça un temps puis arrêtent, recommencent…, estime Florent. Notre but est justement d’éviter qu’ils ne tombent là-dedans, de les aider à en sortir, si c’est encore possible. On est là pour discuter, pour composer avec la réalité. On essaye de tirer les jeunes vers le haut. »
Pas des indics
Dans leur travail au quotidien, les éducateurs vont à la rencontre des jeunes qui occupent l’espace public. Ils commencent par échanger quelques mots pour les connaître. Puis, si le courant passe, ils peuvent leur proposer de participer à des activités de loisirs : futsal, escalade, patinoire. « Ces étapes passées, on peut commencer à co-construire un projet éducatif. On les met en contact avec des associations, on les accompagne pour qu’ils trouvent un stage ou on les aide à rédiger leur CV… Notre but est de construire une relation de confiance d’abord avec eux mais aussi avec leur famille. Leur libre adhésion est un principe fondamental de notre intervention ».
Autres principes : les éducateurs sont compétents sur un territoire et ne sont missionnés par personne. Ni les juges, ni les services sociaux. Et ils ne diffusent aucune information à l’extérieur. « Tout est basé sur la confiance, souffle Cathy. Quand on connaît les parents, qu’on accueille les petits frères, on ne retire pas notre présence. Notre relation avec les jeunes ne se termine pas avec une condamnation judiciaire. Le jeune est puni. Il paye sa dette à la société. On peut aller le visiter en prison. Ça reste un jeune qui a besoin de soutien. Notre stabilité et notre engagement permettent de tisser de réels liens de confiance. »
Pour accomplir leur mission, les éducateurs s’appuient sur la vie du quartier. « Il y a énormément d’associations, c’est très dynamique. » Et les deux professionnels qui appartiennent à une équipe de cinq, de citer : la fête du jeu et de la parentalité, l’espace ressource « le Clair détour » pour les plus de 16 ans, le Sunset pour les plus jeunes, l’implication des Cadets de Bretagne et du Cercle Paul-Bert… Et puis, tout ce que Le Relais organise lui-même.
« Éviter que l’ennui ne les pousse à faire des bêtises »
« On a mis en place, avec nos partenaires, un tournoi d’e-sport qui s’appelle Time to play, on fait des courses de caisses à savon… Aux prochaines vacances de Noël, on emmène un petit groupe de jeunes visiter le marché de Noël et le Parlement européen de Strasbourg… Et puis, il y a les chantiers que l’on propose aux jeunes toute l’année. Contre rémunération, s’ils le souhaitent, ils peuvent faire de la peinture, du jardinage, de la menuiserie. Le but, c’est de leur redonner goût au travail, de leur faire découvrir de nouvelles choses de les raccrocher à des associations, des écoles, des boulots. D’éviter que l’ennui ne les pousse à faire des bêtises. »
Convaincus de leur utilité, les deux éducateurs sourient. Ce jour-là, ils viennent d’accueillir Enzo, un jeune homme de 21 ans, vêtu d’une chemise blanche impeccablement repassée. « On l’a suivi pendant de longues années, se souvient Cathy. Il a eu un parcours migratoire et une vie très difficile mais il a réussi à intégrer l’armée, il y a quelques mois. Il travaille, aujourd’hui, dans le sud de la France. » Sapé comme jamais, resplendissant au bras de sa petite amie, Enzo passe, cet après-midi-là, juste pour saluer ses éducateurs. Leur dire « merci ».