Arrivée au Japon en train, bus, ferry, par fidélité à ses convictions écologiques ( DNA du 10/12/2024), Valentine Schmitt-Ortscheid y a voyagé de la même manière, s’obligeant à 25 heures de ferry pour rejoindre l’archipel d’Okinawa ! Après un premier séjour en 2018 dans le cadre de ses études à la Neoma Business School, elle voulait découvrir le Japon rural et être proche de ses habitants. Elle a donc alterné, une année durant, les périodes de travail et les voyages sac au dos.

Un Japon bien différent de celui des films

Pour alléger son budget et partager le quotidien des Japonais, elle opte pour le wwoofing , qui permet de travailler en échange du gîte et du couvert. Elle consacre d’abord un mois à la rénovation d’une vieille demeure en mauvais état qu’un couple franco-japonais entend transformer en maison d’hôtes. Gros boulot ! À l’arrivée de Valentine en novembre/décembre 2024, le thermomètre affiche 8°C à l’intérieur, le sol est en terre battue ! S’ajoutent la participation aux travaux des champs, la récolte du riz…

Le deuxième wwoofing de deux semaines la plonge dans le Japon de la désertification rurale : maisons abandonnées, ruines, villages qui se meurent… L’Alsacienne aide à la redynamisation d’une communauté villageoise d’une vingtaine de foyers, des seniors surtout : ramassage de déchets en forêt, préparation d’un repas collectif, séchage des radis avec une paysanne de 88 ans qui continue à travailler aux champs, comme toute sa vie durant ! L’inconfort linguistique grandit : les cours de japonais du premier séjour ne suffisent plus, la population parlant un dialecte local. Valentine s’adapte.

La troisième expérience de quinze jours est citadine, dans un faubourg d’Okinawa. La voilà jeune femme au pair, en charge de quatre garçons entre 3 et 7 ans avant et après l’école, pour soulager leur mère fraîchement divorcée. Vraies boules d’énergie, en bisbille avec la discipline, ils lui donnent bien du fil à retordre.

Voyager pour changer d’idées

Quand Valentine voyage, c’est en mode routard, sac à dos de 20 kg, bus de nuit, auberges de jeunesse, « dans un inconfort permanent où je peux, malgré tout, me sentir bien ». Elle est animée d’une appétence perpétuelle à découvrir d’autres territoires, d’autres personnes. Elle privilégie maintenant la qualité, l’approfondissement des rencontres plutôt que leur multiplication, car « on ne pourra jamais tout voir ». La jeune femme sait aussi modifier son planning et sauter sur les opportunités. Elle se forme par exemple à la technique des célèbres céramiques de Bizen, pendant un mois, à raison de six heures par jour, pour la modeste somme de 250€. « Ce n’était pas prévu. »

Ce long séjour l’a-t-il changée ? « Oui » répond-elle. Elle a eu des moments difficiles, un Noël solitaire, un empoisonnement pour avoir confondu une plante toxique avec un oignon, avec refus de prise en charge à l’hôpital… Par contre, « j’ai vu que j’étais capable de faire un tel voyage, hors de ma bulle de confort, j’ai gagné en confiance en moi ». L’approche des autres lui semble maintenant facile. Elle se connaît mieux, a compris que le mouvement, le changement de lieu peut être bénéfique en matière de baisse du stress. Elle a « envie d’oser plus, d’aller vers des choses qui me paraissaient impossibles ». Enfin, elle a davantage pris conscience de la beauté des paysages alsaciens. On pourrait rappeler la phrase d’Hippolyte Taine : « On voyage pour changer non de lieu, mais d’idées. »

Le retour prévu pour décembre par la route de la soie s’est transformé en vol long-courrier. Valentine est rentrée d’urgence à cause du décès de sa grand-mère. Repartir ? Sûrement, mais pas tout de suite ! D’abord, trouver un emploi, finir le livre commencé en 2019. Devinez où se passe l’histoire…