Les héritiers d’un couple juif ayant fui l’Allemagne pendant la guerre estiment que le musée a fermé les yeux sur la provenance d’un tableau, Cueillette des olives. Ils exigent sa restitution par la fondation grecque qui le possède aujourd’hui.
La toile trône au premier étage de la Fondation Goulandris, érigée à Athènes par une famille d’armateurs et collectionneurs. Mais cette Cueillette des olives peinte par Van Gogh à la toute fin de sa courte existence, en 1889, n’y aurait pas sa place, selon une plainte déposée lundi à New York. Des héritiers exigent sa restitution, ainsi que des indemnités du Metropolitan Museum of Art de New York. Les deux établissements, le grec et l’américain, auraient contribué à occulter sa provenance douteuse.
En 1936, ses propriétaires Hedwig et Frederick Stern quittent Munich pour fuir le nazisme, destination les États-Unis. Ils laissent derrière eux plusieurs œuvres, dont le superbe Van Gogh. Selon les avocats des héritiers, l’administration nazie en interdit l’exportation mais en autorise la vente à un marchand d’art, avant d’en détourner les bénéfices. Une forme de spoliation, donc.
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Pendant la guerre, le tableau réapparaît aux États-Unis dans la collection du richissime Vincent Astor, puis dans celle du Metropolitan Museum de New York, qui l’a racheté en 1956 pour 125 000 dollars. Deux décennies plus tard, le Met le met en vente, discrètement. Un aveu de culpabilité selon les héritiers Stern, pour qui le Met aurait cherché à occulter l’origine douteuse du Van Gogh. Le conservateur de l’époque, bon connaisseur des pillages nazis, n’aurait pu ignorer sa provenance.
Fin de non-recevoir
La Fondation Goulandris, dont les fondateurs avaient racheté l’œuvre au Met, est également visée. Elle aurait éclipsé « la propriété du tableau par la famille Stern de 1935 à 1938 », selon la plainte que le New York Times et le Guardian ont consultée. Les héritiers exigent une restitution, ainsi qu’une indemnisation à la hauteur de « la valeur que [le Met] a tirée de la possession du tableau de 1956 à 1972 et pour le produit qu’elle a reçu lors de sa vente ». Une action avait été déjà entreprise en 2022, sans connaître de suites. Le tribunal californien saisi s’était déclaré incompétent.
Le plus grand des musées américains avait défendu à ce moment-là sa bonne foi, tout en se disant ouvert à d’autres examens concernant les circonstances d’achat et de revente. L’origine du tableau « n’a été connue que plusieurs décennies après qu’il a quitté la collection », insistait l’institution, qui précisait s’en être séparé afin de procéder à d’autres acquisitions. Quant à la fondation athénienne, son avocat avait opposé une fin de non-recevoir et dénonçait des « allégations trompeuses et incomplètes ».
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Rien qui ne devrait convaincre les plaignants, qui rapportent que Hedwig Stern, disparue en 1986, avait multiplié les recherches pour récupérer les oliviers de Van Gogh, tremblants dans la chaleur de Saint-Rémy-de-Provence.