Le doyen des champions olympiques est mort paisiblement à 101 ans, dans son sommeil, jeudi, et sera inhumé vendredi 7 novembre au cimetière de Levallois-Perret. Juste avant de s’éteindre, Charles Coste avait demandé des obsèques discrètes.
« La cohue, il y en a eu beaucoup trop autour de moi ces derniers temps », avait-il expliqué à ses proches quelques jours plus tôt. Et c’est vrai que sa fin de vie, par son éclat médiatique, avait contrasté avec un oubli, vécu comme de l’ingratitude et qui l’avait accompagné près de 75 ans. Mais l’ombre avait fini par céder sa place, l’année de son centenaire, à une incroyable lumière. Celle de la flamme olympique.
Le 26 juillet 2024, lors de la cérémonie d’ouverture, c’est lui qui, sur son fauteuil roulant, avait été l’avant-dernier relayeur. Il avait transmis le flambeau à Marie-José Pérec et Teddy Riner qui avaient allumé la vasque des Tuileries. L’image avait fait le tour du monde. Le vieil homme et la flamme, heureux sous la pluie. Cette pluie d’été qui avait masqué quelques larmes de joie sur un visage buriné mais apaisé. Car cet honneur olympique avait pris son temps. 76 ans d’attente après le premier.
Champion olympique aux Jeux de 1948
Charles Coste, né le 8 février 1924, avait été sacré champion olympique de poursuite par équipes en 1948 aux Jeux de Londres. Des Jeux organisés dans le souvenir encore fumant de la Seconde Guerre mondiale. Avec le plaisir, pour l’époque, de battre les Anglais chez eux en demi-finale puis les Italiens en finale.
Charles Coste, ici en février 2024 à Bois-Colombes (Hauts-de-Seine). Icon Sport/Victor Joly
Sa médaille d’or, on lui avait remis dans une boîte et sans chichis ni Marseillaise. Reçu à l’Élysée avec tous les médaillés français par le président Vincent Auriol, le Varois de naissance décide ensuite de passer professionnel au sein de l’équipe Peugeot. En 1949, il remporte sa plus belle victoire en s’adjugeant le prestigieux Grand Prix des Nations, un contre-la-montre de 142 km.
« J’ai été plus fort que Fausto Coppi sur une journée »
« Ce jour-là, j’ai pris le meilleur sur Fausto Coppi, qui avait pourtant gagné deux fois cette épreuve. Eh oui, j’ai été plus fort que Coppi sur une journée ! L’année suivante, il m’a battu à Paris-Roubaix. Il était sympa, ce gars, je m’entendais bien avec lui. »
Il disputera deux Tours de France et trois Tours d’Italie avant de raccrocher son vélo en 1959. « Je suis ensuite devenu inspecteur général au sein de la Blanchisserie de Grenelle, avant de prendre ma retraite en 1987. »
Trente ans plus tard, nous l’avions retrouvé dans son appartement de Bois-Colombes (Hauts-de-Seine). C’est là, presque gêné, qu’il avait confié ce poids silencieux sur sa poitrine : il aurait aimé qu’on y accroche une Légion d’honneur comme à tous les champions olympiques français. Mais cette tradition ne remonte qu’aux Jeux de 1952. Lui avait été sacré quatre ans trop tôt. Cette reconnaissance, il la voulait surtout pour ses trois copains de l’équipe de France décédés avant lui.
C’est notre journal qui avait permis sa décoration. Mais il avait fallu cinq ans d’attente, de nombreux coups de fil et de portes fermées avant qu’un homme ne soit touché par son histoire : Tony Estanguet, le patron du Cojo (Comité d’organisation des Jeux olympiques). En 2022, il lui remettra lui-même son ruban rouge devant de nombreux sportifs.
« J’étais le pape des Jeux »
La presse du monde entier a défilé dans son petit appartement pour entendre l’histoire du patient français. Mais Estanguet avait décidé de lui offrir un plus bel écrin. Un soleil sous la pluie.
« Un mois avant la cérémonie, Tony Estanguet, m’a appelé et m’a dit : Prépare-toi à une surprise pour la cérémonie », racontait-il. « Une voiture m’a emmené au Louvre et là, j’ai appris que je serai le dernier à transmettre la flamme. Je ne pensais pas recevoir un tel honneur. »
La suite était gravée dans une mémoire que l’âge n’avait pas érodée. « On m’a habillé aux couleurs des Jeux et ensuite, avec tous les autres champions, on nous a mis dans une grande salle pour regarder la cérémonie. Puis à un moment, il a fallu aller aux Tuileries. Les autres y sont allés à pied et moi dans une papamobile. Cette voiturette transparente. J’étais le pape des Jeux. Et voir ensuite cette flamme s’élever a été une des plus belles choses de ma longue vie. »
Tony Estanguet n’avait pas coupé le lien après les JO. Au contraire, il était d’ailleurs passé le voir il y a quelques semaines et avait compris que le temps des adieux s’approchait.
Aujourd’hui et pour longtemps, il restera l’image de ce vieil homme, heureux en survêtement au milieu des autres champions olympiques français. Une des plus belles des Jeux. Croyant, il avait dit qu’à sa mort, il rejoindrait au ciel ses trois coéquipiers de la poursuite sur piste des Jeux de 1948. « Je leur dirai : Les gars, on ne nous a pas oubliés. »