Fin 2023, les forces ukrainiennes abattaient un drone Shahed-238 équipé d’un moteur à réaction. Une première du genre. Deux ans plus tard, une enquête du média The Insider révèle, jeudi 30 octobre, que la Russie avait obtenu ces moteurs auprès de la société Swiwin, une entreprise qui fait assembler ses pièces en Chine, mais est d’origine… américaine.
Leurs réacteurs avaient été achetés par la société russe Angar-22, liée à l’oligarque Oleg Deripaska et déjà sous sanctions internationales à l’époque. Selon des données obtenues par le journal auprès des douanes, Moscou aurait importé pour environ 260 000 euros de moteurs Swiwin au total. « En quantité trop faible pour une production de masse », est-il précisé. Ils auraient donc été acquis pour être démontés puis copiés en vue d’une production locale.
Cette hypothèse est appuyée par des documents d’importation qui stipulent qu’ils étaient destinés à « la recherche et au développement, au démontage et à l’étude ».
Utilisés sur des bombes russes
Les modèles achetés, les Swiwin SW400Pro et SW240B, sont normalement utilisés pour les petits avions. Néanmoins, des versions plus puissantes, comme le Swiwin SW800Pro, ont été retrouvées sur les bombes UMPB-5 qui ont frappé la ville ukrainienne de Poltava au début du mois.
L’expert militaire Anatoly Khrapchinsky a détaillé pour The Insider comment il est possible de booster ces petits moteurs : « On peut facilement augmenter la puissance du moteur si la durée de vie n’est pas un problème. Il suffit de changer les réglages de contrôle pour que le moteur fonctionne à pleine puissance, d’augmenter le flux de carburant et de retirer certaines protections. On obtient ainsi une poussée nettement supérieure, mais le moteur s’use très rapidement, en quelques heures seulement. » Selon lui, ce type de système est idéal pour des armes à usage unique comme les drones kamikazes où la performance est primordiale.
« Nous faisons de la soupe wonton »
Aujourd’hui considérée comme stratégique en Russie, Angar-22 a été fondée par le groupe KrasKo, affilié à Oleg Deripaska. Ses filiales sont notamment présentes dans le transport aérien et divers projets industriels soutenus par l’État russe. La société a déjà été sanctionnée par les États-Unis pour l’achat de moteurs chinois Limbach, également utilisés sur des drones Shahed.
De son côté, l’entreprise Swiwin, fondée par l’homme d’affaires américain Andrew Fioretti, doit encore clarifier la confusion entre sa branche américaine et son fabricant chinois. Après la parution des révélations de The Insider, Swiwin a retiré bon nombre d’informations sur ses activités de son site officiel. Sollicitée par le média, la branche américaine a envoyé deux mails énigmatiques à ses journalistes en réponse : « Hé mec, tu ne savais pas que le ciel est en train de tomber ? Ne regarde pas en bas. » Puis un autre message, tout aussi absurde : « Nous faisons de la soupe wonton. »