À chaque chantier emblématique son engin totem. Le métro B avait son tunnelier Elaine, la démolition du parking Vilaine aura sa « grignoteuse flottante ». Un système, mis au point par l’entreprise Charier, qui permet de limiter l’impact sur la circulation. Après une première ouverture de la dalle de 25 mètres cette semaine du 3 novembre, la machine de près de 50 tonnes doit être descendue sur un ponton flottant la semaine suivante.
C’est elle qui va « grignoter » petit à petit le parking sur 250 mètres à l’aide d’une pince hydraulique, soit 6 000 tonnes de béton. Les gravats seront transportés sur des barges via la Vilaine, jusqu’au site de l’entreprise Charier situé dans la zone d’activités ouest. Ses mâchoires, en revanche, ne dévoreront pas le reste de la dalle située en face du Palais du commerce, qui date quant à elle de 1912. Au contraire, celle-ci sera renforcée pour recevoir un vaste espace gazonné. Cette autre phase du chantier, prévue pour durer quatorze mois, qui doit quant à elle démarrer au printemps 2026.
Une démolition sur l’eau
« Mettre une pelleteuse sur un ponton, c’est une technique que nous utilisons depuis longtemps pour réaliser des travaux fluviaux, » détaille Étienne Turmeau directeur de travaux chez Charier. Créée en 1897, l’entreprise possède deux agences de génie civil, près de Nantes et de Paris. La première est spécialisée dans les travaux maritimes le long des côtes françaises, et la seconde dans les travaux fluviaux (écluses, barrages, quais…).
« Ici, ce qui est atypique, c’est la démolition sur l’eau, poursuit Étienne Trumeau. Au départ, la technique envisagée était le sciage de la dalle, ce qui génère énormément de bruit. Là, ça ne sera pas le cas. Ensuite, toute la démolition tombera sur le ponton puis sera chargée sur la barge. Les morceaux seront évacués par voie fluviale, concassés et revalorisés. Ce type de chantier, surtout en milieu urbain, ça se voit en général dans de plus grandes agglomérations que Rennes. »
La Vilaine renoue avec son passé
À l’occasion de ce chantier, la Vilaine va renouer avec son passé. Pendant des siècles, le fleuve qui traverse la ville a servi au transport de marchandises venues du monde entier. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le développement de l’automobile supplante les bateaux. Et, de fait, désormais, les gravats des chantiers sont évacués par camions. Jusqu’à ce que la particularité de la démolition du parking fasse renouer le cours d’eau avec le transport par barge… Du moins temporairement.
Comme une revanche sur cette chape qui a emprisonné la Vilaine pendant 65 ans, la bouche qui l’engloutira surgira du fleuve lui-même. Fermé le 31 août 2025, ce parc de stationnement aura disparu l’année prochaine pour redonner sa place au cours d’eau qui coule en dessous. Entre le printemps 2026 et l’été 2028, un autre chantier d’envergure aura lieu à République, visant à renforcer la dalle et réorganiser l’espace autour de l’eau, grâce notamment à des pontons. L’ensemble du projet, qui comprend également le réaménagement de la place, est chiffré à 29 M€.