D’après des révélations du média Axios, les États-Unis ont présenté aux membres du Conseil de sécurité de l’ONU, lundi 3 novembre, une résolution au sujet de la mise en place d’une force d’occupation à Gaza. D’après le document, la résolution donnerait un mandat au Conseil de la paix, dirigé par Trump, pour gouverner la bande jusqu’en 2027 et y déployer une force d’occupation.

Une « force d’imposition de la paix » au service d’Israël

D’après le document, la force aurait pour mission de « stabiliser l’environnement sécuritaire à Gaza en veillant au processus de démilitarisation de la bande de Gaza, y compris la destruction et l’empêchement de la reconstruction des infrastructures militaires, terroristes et offensives, ainsi que le désarmement permanent des groupes armés non étatiques ». En d’autres termes : désarmer les factions palestiniennes et détruire les infrastructures souterraines. Une nouvelle étape du plan Trump, alors qu’Israël menace de reprendre le génocide et que les négociations sur la phase 2 du plan sont plus qu’incertaines.

En sécurisant la « frontière » entre Gaza et Israël, la force d’occupation se substituerait ainsi à l’armée israélienne pour accomplir à sa place ses propres buts de guerre, que deux ans de guerre génocidaire n’ont pas suffi à réaliser. D’après le mandat demandé par les États-Unis, cette force d’intervention ne serait pas « une force de maintien de la paix », composée de Casques bleus, mais « une force d’imposition de la paix », qui aurait en conséquence la capacité de mener des opérations offensives. C’est sous cette catégorie que l’ONU avait déployé des forces au Kosovo ou en ex-Yougoslavie.

Les objectifs fixés par le projet de résolution font d’ailleurs écho aux objectifs de la FORPRONU, la force déployée pendant les guerres de Yougoslavie, qui a œuvré à la démilitarisation de plusieurs enclaves bosniaques, encerclées par les forces serbes, pour faciliter la partition « ethnique » du territoire, privilégiée par les impérialistes et qui allait être actée par les accords de Dayton en décembre 1995. Les forces de l’ONU, sous l’égide du général français Philippe Morillon, ont ainsi désarmé les habitants de Srebrenica en 1993 avant d’abandonner leurs positions, permettant aux forces serbes de massacrer les habitants de la ville en juillet 1995, lors du dernier génocide commis sur le territoire européen.

Alors que les États-Unis espèrent que la Turquie, l’Égypte, l’Indonésie ou le Kazakhstan déploieront des troupes à Gaza, la présence de cette force d’imposition de la paix, sous le commandement de l’impérialisme étasunien, meilleur allié d’Israël, pourrait voir ce scénario se répéter. Dans l’hypothèse où elle verrait le jour – un scénario encore improbable au regard des réticences des régimes arabes –, elle pourrait ouvrir la voie à une campagne de nettoyage ethnique, pendant son déploiement ou après son retrait, parachevant ainsi les buts de guerre de l’État d’Israël.

Pour l’heure, cette tentative de légitimer l’occupation de Gaza, grâce à un mandat du Conseil de sécurité, se heurte aux craintes des États arabes, alors que le déploiement de leurs soldats à Gaza constitue un symbole dévastateur de leur complicité avec l’État génocidaire, qui pourrait susciter, au sein de leurs populations, des réactions sur le terrain de la lutte des classes. Dans tous les cas, cette nouvelle résolution, qui ne manquera pas d’être soutenue par la plupart des puissances impérialistes qui siègent au Conseil de sécurité, après le soutien unanime des dirigeants européens au plan Trump, témoigne de l’hypocrisie profonde du droit international.

L’ONU contre le peuple palestinien

Dans les faits, l’ONU est un ennemi du peuple palestinien. En louant le plan Trump, António Guterres avait balayé les alternatives pro-coloniales de la France et de l’Arabie saoudite, tout en évacuant les décisions progressistes de la Cour internationale de justice, qui jugeait, en juillet 2024, que l’occupation israélienne des territoires palestiniens conquis après 1967 était désormais « illégale », en raison de son caractère trop prolongé. En appuyant cette résolution présentée par les États-Unis, l’ONU reconnaîtrait ainsi la légitimité d’une nouvelle occupation de Gaza, rétablissant, sous une forme aggravée, le statu quo colonial que l’institution n’a eu de cesse de défendre depuis 1947.

En effet, en 1947, l’Assemblée validait, par la résolution 181, la partition de la Palestine et confiait aux colons sionistes, soutenus par les Britanniques, qui représentaient 30 % de la population, 55 % de la Palestine. Les 45 % restants furent attribués aux Palestiniens, soit 70 % de la population. Avec la résolution 273, en 1949, l’ONU acceptait la conquête de 78 % du territoire par l’État d’Israël et, en l’admettant comme État membre, justifiait rétrospectivement la Nakba comme de la légitime défense. En 1967, le Conseil de sécurité validait le principe de l’occupation coloniale en imposant seulement à Israël de rendre « certains territoires » occupés, et non l’ensemble des territoires conquis, ouvrant la voie à une occupation permanente de Gaza et de la Cisjordanie.

Alors que le plan Trump a suscité un unanimisme génocidaire sidérant, le droit international ne sauvera pas la Palestine. Dans l’hypothèse même où ces institutions adopteraient des positions progressistes, elles ne seront jamais appliquées : parce qu’il défend en définitive les intérêts des puissances impérialistes, tout dépend, en définitive, du rapport de force. Alors que l’impérialisme étasunien s’apprête à jouer le rôle d’une tierce partie, l’importance stratégique d’Israël pour ses intérêts réactionnaires au Moyen-Orient ne laisse aucun doute possible quant au bénéficiaire réel d’une telle occupation : Israël et ses ambitions coloniales et génocidaires.

Il y a près d’un siècle, le juriste Evgeny Pashukanis le rappelait : « Le droit international bourgeois reconnaît en principe l’égalité des droits entre les États, mais en réalité, ils sont inégaux quant à leur importance et à leur puissance. Par exemple, chaque État est formellement libre de choisir les moyens qu’il juge nécessaires en cas d’atteinte à ses droits : toutefois, lorsqu’un grand État fait savoir qu’il répondra à une atteinte par la menace ou l’usage direct de la force, un petit État ne peut qu’opposer une résistance passive ou se voit contraint de céder. Ces avantages douteux de l’égalité formelle ne profitent pas aux nations qui n’ont pas développé la civilisation capitaliste et qui participent aux relations internationales non comme des sujets, mais comme des objets de la politique coloniale des États impérialistes ».

Face à l’État génocidaire, nous ne pouvons avoir d’illusions sur les pays impérialistes qui malgré leurs nuances soutiennent le statu-quo colonial en Palestine, mais sur nos propre force, comme le montre l’exemple des dockers de Gênes et du mouvement ouvrier italien. C’est seulement sur le terrain de lutte de classes que l’on pourra mettre fin au génocide : en paralysant les livraisons d’armes, en clouant à quai les navires et les avions et en mettant à genoux, par la grève et les méthodes de la lutte des classes, l’économie des pays qui soutiennent le génocide.