Par
Maréva Laville
Publié le
5 nov. 2025 à 7h12
Même les plus gros deviennent frileux. Et la conjoncture économique comme l’instabilité politique n’arrangent en rien leurs affaires. À l’aube de clore l’année 2025, la présidente de l’Observatoire toulousain de l’immobilier d’entreprise et directrice de la CBRE de Toulouse, Élodie Moine, a présenté, en compagnie de Mathieu Galy, directeur de l’investissement de cette agence immobilière d’entreprise, l’état du marché de bureaux et entreprise dans l’aire urbaine de Toulouse. Et il ne brille pas par sa santé, bien que le marché soit encore très porté par l’aéronautique et d’autres secteurs d’activité « qui gagnent de l’épaisseur » à Toulouse, comme le New space, le spatial ou encore la santé et la Live science « avec l’émergence de start-ups qui cherchent à s’implanter ». Explications.
Les transactions en baisse
« Ce qui est inquiétant, c’est la baisse du nombre de transactions (105 en 2025 contre 177 l’an passé, NDLR) », s’alarme plutôt la présidente de l’Observatoire.
En 2024, on chiffrait 128 000 m² de demande placée (recherche de biens/investissements ayant abouti, NDLR). Ces neuf derniers mois de 2025, on en dénombre 90 000 m² – dont 45 % sont concentrés par le Technocentre de Toulouse Métropole dans le quartier d’Atlanta et Sopra Steria à Blagnac -.
L’offre de bureau augmente, sans acquéreurs
Conséquence, l’aire urbaine de Toulouse se retrouve avec 4,2 % de bureaux vacants contre 3,9 % l’an passé. Rien d’alarmant. « C’est l’un des plus bas de France », rassure Mathieu Galy, directeur de l’investissement chez CBRE. Mais le mur pourrait-il approcher trop vite ?
Soit, on va vers un marché qui reprend du poil de la bête avec de la demande plus importante pour influencer les propriétaires à faire des travaux. Soit, on va devoir scanner, et c’est ce que l’on fait déjà, toutes les opportunités pour revaloriser les bureaux vacants en poursuite d’usage ou pour tendre vers du changement de destination.
Elodie Moine
Présidente de l’Observatoire de l’immobilier d’entreprise de Toulouse
Des prix à augmenter pour attirer les investisseurs
Encore faut-il que les valeurs locatives sur l’ancien augmentent et se remettent à niveau pour absorber les travaux escomptés. Aujourd’hui, à Toulouse, le loyer moyen HT sur l’ancien va de 95€ le m2/an dans le quartier le moins cher, Bordelongue, à 205€ le m2/an en centre-ville, contre 160€ dans le neuf à Labège, pour le moins cher, et 270 € en périphérie.
Des prix déjà dérisoires puisque sortir un immeuble de terre pour un loyer de 160€ aujourd’hui, entre les taux de rendement et les coûts de production, « c’est presque impossible ».
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La quête du neuf avant tout
Nœud du problème. Car les entreprises qui souhaitent installer leurs locaux à Toulouse recherchent du neuf, et boudent l’ancien qui ne répond pas aux nouveaux standards (hauteur sous plafond, espaces collaboratifs…). Cette année, sur les 207 000 m2 vacances, l’offre de neuf disponible s’affaiblit, et le stock de bureaux anciens gonfle.
« Il est en hypertrophie sur le nord-ouest », dans la zone aéroportuaire, souligne Élodie Moine. Même le centre-ville, où, historiquement, les vieux bureaux ont toujours trouvé acquéreur avant même la date du déménagement, connaît une période difficile.
Les utilisateurs préfèrent construire du neuf plutôt que d’utiliser des immeubles qui ne correspondent pas aux standards.
Elodie Moine
Des locaux d’entreprise trop vieux
Dans le très offrant quart nord-ouest de Toulouse, pas moins de 85 000 m² ne trouvent plus preneurs en partie pour cette raison. « Alors que certains immeubles pourraient faire l’objet de transformation », assure la présidente de l’Observatoire. Mais c’est du cas par cas et c’est loin d’être une formule magique.

Les secteurs concentrant l’offre vacante à Toulouse. (©Capture d’écran / CBRE)Le cercle vicieux des travaux dans l’ancien
La réussite de ces projets de transformation de l’ancien pour, soit répondre aux nouvelles attentes des entreprises, soit réorienter la location de bureau vers du logement ou une autre formule, n’est pas aisée. « Elle dépend de la localisation (attractive ou non), de l’approbation des maires encore nombreux à ne pas voir d’un bon œil la transformation de l’outil productif en logement, et du volet financier », assure la directrice de CBRE.
Transformer l’ancien nécessite des investissements conséquents. Un immeuble de bureau, large de 18 mètres, est difficilement configurable, en pièces de vie confortables. Le tout génère une dégradation de la valeur financière d’origine des immeubles.
La meilleure façon, sous-entendue la plus rentable, est de changer de propriétaire. Mais « les coûts de travaux pour les promoteurs reviennent à quasiment aussi cher que construire un immeuble neuf », étaye Mathieu Galy, professionnel de l’investissement.
De moins en moins de neuf à venir
Oui, mais voilà. Le neuf n’a pas non plus un bel avenir. Si avant le Covid, les investisseurs n’hésitaient pas à prendre des risques, depuis, il est hors de question de construire si le taux de pré-commercialisation n’est pas élevé et si le taux de rendement de 6 % n’est pas assuré. Le déjà construit attire davantage, pour louer au plus vite. « C’est problématique pour l’avenir du neuf », alerte Mathieu Galy.
Investir dans l’immobilier ne vaut plus de l’or comme avant, comparé aux taux de prêts à l’État (valeur de référence dans l’investissement, NDLR).
20 % de l’offre vacante est obsolète à Toulouse
L’enjeu du recyclage urbain pour les immeubles des années 80-90 arrivant à obsolescence est donc fort. « Sur les 165 000 m² de bureaux anciens vacants en 2024 dans l’aire urbaine de Toulouse, ça représente environ 20 %. » Certains tentent déjà des opérations. Du côté de Blagnac, l’ancien site d’Airbus Periport a pour projet de concilier coliving et coworking. Mais le projet demeure bloqué par la mairie et la réticence des riverains proches.
L’exemple parfait se trouve non loin. La société aéronautique Sopra Steria, à Blagnac, a optimisé et refait à neuf son bâtiment vieux d’une trentaine d’années. Idem pour l’immeuble La Galaxia, près de l’aéroport, qui a été réhabilité avec un espace hybride café-réunion, etc.
« Les grandes entreprises ont les moyens de s’adapter et de s’organiser en situation de crise. Elles ont l’agilité de bouger pour répondre aux enjeux. » Les autres comptent sur une évolution du marché de l’investissement qui leur serait plus favorable. Et l’arrivée de la nouvelle ligne C de métro, en 2028, pour occuper les bureaux vacants notamment de la ZAC Enova Labège et Parc Canal.
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