Par
Inès Cussac
Publié le
5 nov. 2025 à 6h50
Dans dix jours sonneront les dix ans des attentats du 13 novembre 2015. Alors que les Parisiens s’apprêtent à commémorer l’un des jours les plus sombres de l’histoire de la capitale, une question reste en suspens : où est la « jeune fille triste » de Banksy ? L’œuvre du street artiste britannique réalisée sur l’une des portes du Bataclan en hommage aux victimes avait été volée en 2019. Finalement retrouvée en Italie, elle avait ensuite fait l’objet d’une longue bataille judiciaire entre la Ville de Paris et la famille propriétaire des murs.
« [Avec les ex-otages], on est tous sur la même ligne. On était triste quand elle a disparu et soulagée quand elle a été retrouvée », se souvient Arthur Dénouveaux, le président de l’association « Paris For Life » et rescapé du Bataclan. Malgré la trouvaille du pochoir de Banksy et son rapatriement dans l’Hexagone, il n’a pas été remis à sa place ni rendu visible au public. « Cette œuvre est un symbole malheureusement elle est toujours inaccessible », regrette Arthur Dénouveaux.
La porte retrouvée en Italie
Pour comprendre la situation, il faut rembobiner. Nous sommes à la fin du mois de juin 2018. Dix œuvres du street artiste britannique Banksy viennent d’être repérées ici et là, aux quatre coins de Paris. Pour sa première incursion dans la capitale, le célèbre graffeur a utilisé ses pochoirs pour dénoncer, faire rire et rendre hommage. Ainsi, la politique migratoire de la France est pointée du doigt, des petits rats raillent les Parisiens et une fillette fantomatique à la tête baissée et au mouchoir en main rend hommage aux victimes du 13-Novembre. Mais les œuvres sont rapidement détériorées, recouvertes de peinture ou arrachées. Comme une prédiction de l’événement à suivre : dans la nuit du 25 au 26 janvier 2019, la « jeune fille triste » qui gardait l’issue de secours du Bataclan est volée mais finalement retrouvée un an et demi plus tard en Italie.
Durant les années qui ont suivi, la mairie de Paris s’est opposée à la famille propriétaire de la salle de concert en tant qu’actionnaire majoritaire de la société exploitant le Bataclan. Pour la Ville, la peinture de Banksy était devenue une œuvre d’utilité publique à protéger. Notamment pour ne pas « priver les victimes du Bataclan d’un morceau de leur mémoire ». Plusieurs d’entre elles avaient emprunté cette porte pour quitter les lieux au moment de la fusillade. Mais en mars 2024, la Cour de cassation a finalement tranché en faveur des propriétaires de l’immeuble. La municipalité disposait alors de dix jours pour faire appel de la décision. En dépassant le délai de 24 heures, la Ville de Paris a ainsi loupé l’ultime occasion de s’approprier l’œuvre, risquant ainsi sa mise en vente.
Rendre l’œuvre au public
Dix ans après les attentats de Paris, ayant fait 130 morts et 413 blessés, l’œuvre mémorielle de Banksy n’a jamais été remise à sa place. « Je ne suis pas Banksy mais enfin, il me semble qu’il voulait quand même rendre hommage aux victimes dans un espace public, où du moins un espace accessible au public », souligne Arthur Dénouveaux qui propose d’exposer cette œuvre dans un musée afin que tout le monde puisse en profiter. « Au Musée-mémorial du terrorisme, au musée Carnavalet… Il faut qu’elle soit montrée », liste l’auteur de « Vivre après de Bataclan (aux Editions du Cerf).
Bien sûr, Arthur Dénouveaux reconnaît la vulnérabilité d’une œuvre de street art. « Mais c’est aussi initialement un bien commun », rappelle-t-il. « La justice a décidé qu’elle avait un propriétaire mais je ne pense que ce soit suffisant. Il faudrait qu’elle soit exposée dans un établissement, que quelqu’un s’en empare pour la rendre au public », propose-t-il.
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