Comment résister ? Comment gagner ce bras de fer contre la toute-puissante industrie agroalimentaire ? Présidée par Hubert Attenont, la Conférence Régionale de la Santé et de l’Autonomie (CRSA) Grand Est, organe autonome de la région qui défend les intérêts des usagers et contribue à l’élaboration des politiques publiques de santé auprès de l’Agence régionale de santé (ARS), a proposé un débat public (Le Sucre dans nos vies) sur l’ingestion de sucre démentielle de nos sociétés et son impact sur la santé. Au cœur de cette journée organisée à Nancy ce mardi 4 novembre, la présentation des manipulations dont nous faisons l’objet par la Pr Chantal Julia, médecin spécialiste de l’évaluation des politiques publiques en nutrition. Face à des marques internationales capables que nous faire avaler un idéal de vie saine en nous faisant engloutir des kilos de sucres et de graisse, que faire ?

Des cibles privilégiées

Car les poids lourds de l’obésité nous vendent du rêve avant de nous vendre des céréales, des graisses saturées, du sucre transformé et du soda calorique. Exemples à l’appui, Chantal Julia a démontré que, non seulement le rapport de force était déséquilibré, mais, qu’il l’était, en plus, au désavantage des classes populaires et moyennes. Plus exposées au matraquage marketing et plus sensibles aux messages martelés, elles sont les cibles privilégiées d’une industrie qui a compris depuis les années 70 que la présentation ouvre l’appétit. Les fabricants ont décorrélé graduellement leurs produits de la qualité nutritionnelle attendue, créant de toutes pièces une alimentation juste désirable et addictive à base de sucres, de sel et de gras. « Ils proposent des produits associés à des valeurs qui n’ont à rien à voir avec la qualité nutritionnelle, a expliqué Chantal Julia. Le but est de renforcer les associations positives avec une marque. »

Autre stratégie mise en œuvre pour nous faire consommer toujours plus, augmenter la taille de nos assiettes, de nos verres, de nos rations. Particulièrement vraie aux États-Unis, cette tactique a eu des effets délétères sur les populations les plus vulnérables. Outre-atlantique, le cocktail bon marché glucides-protéines-lipides absorbé à hautes doses a fait exploser l’obésité. Couplé à une sédentarité croissante, il a entraîné une catastrophe sanitaire. Selon les données des Centers for Disease Control and Prevention (CDC), la prévalence de l’obésité chez les adultes atteignait 40 % en 2023. En France, pas mieux. En 2024, d’après l’étude OFEO (Observatoire Français d’Épidémiologie de l’Obésité) de la Ligue nationale Contre l’Obésité, 48,8 % de la population adulte était en situation de surpoids ou d’obésité. Soit, 26,497 millions de personnes.

Sous emprise

Une épidémie qui n’est pas le simple fait d’errements individuels, mais provient beaucoup du milieu où nous évoluons , a insisté Chantal Julia qui a travaillé sur le Nutri-score et ses vertus : « Il y a l’influence des environnements proches, de l’environnement géographique dans laquelle nous nous situons, de l’environnement urbain (est-ce que je peux me déplacer tranquillement chez moi ? Est-ce que j’ai accès à autre chose que des fast-foods ?), mais aussi un certain nombre d’environnements qui sont beaucoup plus distants, qui sont sociétaux. Des éléments qui sont d’ordre politique. Les prix des denrées alimentaires, par exemple, dépendent de politiques publiques et des marchés qui sont souvent extrêmement distants finalement de notre capacité de contrôle individuel. »

Dans les stratégies de prévention, l’idée, selon la chercheuse, est donc d’intégrer « ces éléments-là pour ensuite développer des actions adaptées. » Pour Chantal Julia, une « plus forte consommation de produits gras, salés et sucrés et une moindre activité physique » sont des comportements, certes, liés à des facteurs individuels et de préférences individuelles, mais ils sont « aussi et surtout, liés à des facteurs environnementaux : offre alimentaire, marketing, prix, accessibilité… ». « On peut avoir toutes les connaissances nutritionnelles du monde, ce qui est le cas de 95 % de la population, si notre environnement est défavorable, on ne va pas pouvoir aller vers une alimentation favorable à la santé. » Pour la sédentarité, Chantal Julia a démontré qu’il fallait aussi créer les conditions de la marche. « Une ville qui n’a pas de trottoir, pas d’éclairage public, peu de commerces de proximité, exclut le marcheur. » Ce qu’il faut donc retenir, c’est que « l’environnement favorise des comportements défavorables à la santé. »