À partir de 1989, Christy Martin s’imposa comme une pionnière de la boxe féminine. Or, pendant qu’elle multipliait les victoires et qu’elle voyait sa renommée s’accroître dans l’industrie, elle faisait face, dans sa vie privée, à de terribles épreuves. Cachant son homosexualité dans l’espoir, vain, de plaire à sa mère, qui prône le conservatisme, Christy en vint à épouser à 22 ans son entraîneur, pour sa part âgé de 47 ans. Violent, manipulateur, et bien pire, ce dernier la tint sous son joug des années durant. Dans le drame biographique Christy (V.F.), Sydney Sweeney saute dans le ring pour incarner la championne : une métamorphose. On lui a parlé, à elle ainsi qu’à son modèle et au cinéaste David Michôd.

« Honnêtement, je ne connaissais pas Christy quand j’ai lu le scénario : je n’avais jamais entendu parler d’elle », avoue d’emblée Sydney Sweeney, vedette de la série Euphoria et des films Immaculate (Immaculée) et Anyone But You (N’importe qui sauf toi).

« Et vous savez quoi ? J’en ai été choquée. Choquée de ne pas avoir grandi en sachant qui elle est. Je me souviens d’avoir pensé : “Je veux que toutes les femmes et toutes les jeunes filles sachent qui est Christy Martin, car elle est une personne inspirante et un modèle formidable.” J’espère contribuer à ce que beaucoup plus de gens la découvrent. »

Même son de cloche du côté de David Michôd (Animal Kingdom ; The King), réalisateur du film et coscénariste avec sa conjointe, Mirrah Foulkes (Judy and Punch).

« C’est pourtant une athlète d’une importance capitale pour cette époque, souligne le cinéaste. Pas seulement une athlète talentueuse : elle était la meilleure dans sa discipline. Et puis, il y avait tout ce qui lui arrivait en dehors du ring, que je voulais explorer. Elle subissait presque une prise d’otage : c’est comme ça que fonctionnent les relations d’emprise. »

Une métamorphose

Biographiques ou fictifs, les films de boxe sont légion, et, au fil du temps, le public est devenu plus exigeant en matière de scènes de combat : le réalisme de celles-ci, leur dynamisme, bref, leur force de frappe, sans mauvais jeu de mots. Sur ce plan, David Michôd tenait à ce qu’on ne sente pas les — nécessaires dans un contexte de tournage — chorégraphies.

« J’ai regardé beaucoup de matchs de boxe. Ensuite, j’ai travaillé en étroite collaboration avec notre formidable coordinateur de cascades et chorégraphe de combats, Walter Garcia. Il est franchement excellent. Il a tout de suite compris ce que j’avais en tête. Car je ne voulais pas de simples exercices esthétiques. Je voulais que ces combats soient chaotiques et épuisants, qu’on insiste sur les corps à corps, les coups manqués et la brutalité de ces affrontements. Wally a su traduire cette intensité. Et pour capter celle-ci, j’avais mon directeur photo, Germain McMicking, que je considère comme l’un des meilleurs opérateurs de caméra à l’épaule au monde. On était tous bien préparés. »

Cela valut aussi pour Sydney Sweeney. De fait, afin d’incarner la pugiliste, l’actrice s’astreignit à une discipline de fer.

« J’ai eu environ deux mois et demi pour me préparer. J’avais un entraîneur de boxe et un entraîneur pour les poids qui était aussi mon nutritionniste. Je faisais une heure de musculation le matin, puis trois heures de boxe, et encore une heure de musculation le soir. Je faisais ça tous les jours, en enchaînant les shakes protéinés et en mangeant énormément : je devais absorber une quantité incroyable de calories afin de prendre 30 livres pour le rôle. Et j’ai continué cet entraînement pendant le tournage, c’est-à-dire que je m’entraînais avant et après les prises. »

Une métamorphose qui impressionna la vraie Christy Martin. Cela étant, c’est l’ensemble de la performance de Sydney Sweeney qui toucha celle qui est à présent analyste sportive et conférencière.

« Quand je suis arrivée sur le plateau, elle avait fait ses devoirs. Elle était tellement moi, c’était comme si elle lisait dans mes pensées. Elle m’avait complètement cernée, ce qui est un peu déstabilisant. Donc là, pendant que je vous parle, je sais que je suis assise à côté de quelqu’un qui me comprend réellement, en profondeur. »

Des paroles qui vont droit au cœur de l’interprète. « J’ai toujours dit que la seule opinion qui compte à mes yeux est celle de Christy. Peu m’importe ce que disent les autres. Son soutien compte énormément pour moi. »

Des montagnes russes

Depuis quelques mois déjà, les rumeurs d’une possible nomination à l’Oscar de la meilleure actrice pour Sydney Sweeney vont bon train. Ce serait mérité.

Son partenaire de jeu, Ben Foster (Hell or High Water / Hors-la-loi ; Leave No Trace / Sans laisser de trace), l’antagoniste du film, n’est toutefois pas en reste : il est terrifiant. Christy Martin elle-même en fut, de son propre aveu, troublée. Sauf que c’est son histoire à elle, et pas celle de son ex-mari.

« Étant donné à quel point ce qui est arrivé à Christy est inimaginable, la fin de ce film ne pouvait être qu’une expérience profondément émouvante », note à ce propos David Michôd.

Pour Christy Martin, c’est le film tout entier, une fois qu’elle le vit, qui s’avéra « une expérience profondément émouvante ».

« Ça a été de véritables montagnes russes émotionnelles, confie-t-elle. Parce qu’on passe par des moments grisants lors de ces scènes de combat, qui me rendent si heureuse, car j’en suis très fière, et puis on voit la violence conjugale… On voit ma relation avec ma mère concernant ma sexualité… Des montagnes russes. Mais le film se termine sur une note positive, là où ma vie m’a menée aujourd’hui, et c’est une période heureuse et bénie. Donc, le film vous fait passer par toutes ces émotions, mais se termine sur une note positive. »

Une note positive, oui. Et c’est, à bien des égards, la victoire ultime de Christy Martin.

Le film Christy prend l’affiche le 7 novembre.