Avec une moyenne de 115 millions d’euros investis chaque année à Bordeaux, la majorité écologiste de Pierre Hurmic devrait achever son mandat avec une dette 447,2 millions d’euros, soit une hausse de 77% depuis 2019.
Une ville a l’interdiction de présenter un taux de désendettement supérieur à 12 ans. Un seuil critique que la ville de Bordeaux devrait atteindre dès 2028, avec un taux de désendettement à 11,7 ans, d’après le rapport d’orientations budgétaires (Rob) présentée par la majorité écologiste en conseil municipal, ce mardi. «Nous avons investi en moyenne 115 millions d’euros par an pour inscrire la ville dans l’avenir, entretenir son patrimoine et faciliter la vie de nos concitoyens. Nous pouvons être fiers», défend Claudine Bichet, adjointe aux finances. «La ville de Bordeaux n’est pas hors sol, poursuit le maire écologiste sortant Pierre Hurmic. Nos soucis sont rencontrés par toutes les grandes municipalités qui souffrent des baisses de dotations de l’État qui nous mettent à rude épreuve. Dans le projet de loi de finances 2026, les coupes pour Bordeaux sont estimées entre 7,8 et 11 millions d’euros.» Et la collectivité a déjà essuyé une baisse des dotations étatiques de 20 millions d’euros en 2020 (crise covid), de 30 millions d’euros en 2023 (crise énergétique et inflation liées à la guerre en Ukraine) et de 13 millions d’euros en 2024 (crise immobilière et inflation).
Des explications toutefois loin de satisfaire l’opposition. «Monsieur Hurmic, la vérité c’est que vous êtes le maire qui a fait exploser la dette. Arrêtez de vous défausser sur le contexte national», a taclé Fabien Robert (Modem), le coprésident du groupe d’opposition majoritaire, Bordeaux Ensemble, lors du conseil municipal. Tandis que Marik Fethouh, le président de la commission des finances, insistait : «Nous sommes très inquiets pour les capacités d’investissement de vos successeurs, qui seront extrêmement faibles.» Et pour cause : en 2019*, un an avant l’arrivée au pouvoir des écologistes à Bordeaux, la dette était de 252,15 millions d’euros, la capacité de désendettement de la collectivité territoriale de 3,9 ans et l’épargne nette s’élevait à 31,3 millions d’euros. Si la pandémie du Covid-19 a naturellement plombé les finances locales bordelaises, ce sont ces deux dernières années que les courbes se sont affolées. Après 142 millions d’euros d’investissements en 2024, la dette s’établit en 2025 à 409,1 millions d’euros, soit une hausse de 62,21% depuis 2019, selon les chiffres présentés par la mairie de Bordeaux. Un bilan qui devrait encore se dégrader d’ici la fin du mandat en 2026 pour atteindre 447,2 millions d’euros de déficit. En 2028, les décisions prises par Pierre Hurmic devraient ainsi conduire la ville à présenter le bilan financier suivant : 512,4 millions d’euros de dette, une incapacité à emprunter en raison du seuil critique de la capacité de désendettement (11,8 ans) et 6,8 millions d’euros d’épargne nette pour voir l’avenir.
«Catastrophique»
«La dette écologique se paie comptant et doit se traduire par des choix assumés. Ce n’est pas de l’argent gaspillé quand il est dépensé pour faire avancer l’avenir», s’est défendu l’écologiste Pierre Hurmic. Au cœur des dépenses réalisé par son équipe : 51 millions d’euros pour la création de jardins et plantations d’arbres en ville, 20,55 millions d’euros pour réhabiliter le musée des arts décoratifs et du design, 11, 6 millions d’euros pour rénover la basilique Saint-Michel ou encore 8,5 millions d’euros déboursés pour construire des cours buissonnières dans les écoles et les crèches.
Une liste à la Prévert qui n’a pas suffi à calmer les élus d’opposition. Ces derniers sont d’autant plus énervés, que contrairement aux us appliqués jusqu’en 2023, ils n’ont pas eu accès au plan pluriannuel d’investissements détaillé cette année. Le groupe Bordeaux Ensemble, qui le demande depuis des mois, a déposé un recours auprès du tribunal administratif en février. «Vous engagez des dépenses, sans transparence ni débat. Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup», a accusé Magali Fronzes. «Vous nous rapprochez dangereusement de la ligne rouge et malgré ses investissements massifs, où sont les résultats ?», s’est offusquée la sénatrice Nathalie Delattre.
À l’heure où l’austérité des finances publiques nationales annonce des jours difficiles pour les collectivités locales, l’ancien ministre des comptes publics et député Thomas Cazenave sonne le tocsin. «Six années supplémentaires sous la direction de Pierre Hurmic seraient une catastrophe. Il n’est pas trop tard, mais nous devrons faire des choix et stopper des projets, à commencer par la rénovation des allées de Tourny qui doit nous coûter 15 millions d’euros.» Des débats que pourront trancher les Bordelais dans les urnes en mars 2026.
*Pour limiter les effets de la crise du Covid, qui a débuté en 2020, sur les comparaisons entre les chiffres, l’année précédant le mandat a été choisie comme année de référence.