Dans la cour du commissariat, des préfabriqués accueilleront bientôt des personnes en situation irrégulière, avant leur expulsion ou transfert en CRA. Cette initiative fait débat au sein même de la police.
Des préfabriqués siègent depuis bientôt deux mois dans la cour d’honneur du commissariat central de Nantes. Semblables à des mobile-homes, ces bâtiments devraient ouvrir leurs portes le 1er décembre. Financés par l’État, ils pourront héberger jusqu’à quatre hommes en tant que local de rétention administrative (LRA).
Placé sous l’autorité du ministère de l’Intérieur qui a annoncé une augmentation des places dans de telles structures, cet ensemble est «destiné à accueillir temporairement, pour une courte durée, des personnes étrangères en situation irrégulière, dans l’attente d’un transfert à brève échéance vers un centre de rétention administrative (CRA) ou d’un éloignement direct du territoire», explique au Figaro la préfecture de Loire-Atlantique. Contrairement au CRA où les individus faisant l’objet d’une mesure de renvoi peuvent résider jusqu’à 90 jours, la durée de maintien dans un LRA est de «96 heures maximum», sauf cas particulier relatif à l’attente d’une décision d’un juge.
Déplacements chronophages des équipages
Aujourd’hui, lorsqu’un individu sous OQTF fait l’objet d’un placement en CRA en vue de son expulsion, les policiers nantais l’acheminent au plus proche à Rennes, mais doivent parfois se déplacer jusqu’à Oissel (près de Rouen), Bordeaux ou encore Hendaye (dans le Pays basque) selon les places disponibles. «La présence d’un LRA dans l’hôtel de police de Nantes, comme cela a déjà existé par le passé, va créer une charge de travail supplémentaire pour les policiers nantais. Mais l’avantage est que cela permettra d’attendre qu’une place se libère sur le CRA le plus proche, et éviter des transferts sur de très longues distances», observe Thierry Audouin, secrétaire départemental pour Alternative Police-CFDT en Loire-Atlantique. «Cela permettra d’éviter que des patrouilles de police s’absentent trop longtemps de Nantes. On ne peut pas réclamer plus de présence policière dans la ville et accepter que des policiers s’absentent longuement», ajoute-t-il, voyant plutôt cette mesure d’un bon œil.
«Ce LRA servira de transit. À l’issue, il y aura toujours des transferts de ces personnes vers les différents CRA. Ça va au contraire s’accentuer», pense plutôt Michaël Le Cunff, secrétaire départemental adjoint d’Alliance 44. «Cela va impacter l’organisation des missions des collègues, sachant qu’aujourd’hui on est en sous-effectif», redoute-t-il, craignant une surcharge de travail et une désorganisation des services. «Ils auraient pu agrandir celui de Rennes», songe en coulisses une source policière, également dubitative.
Mi-septembre, le syndicat Alliance Police National avait déjà alerté localement sur ce LRA, en critiquant l’emplacement retenu. Les bâtiments se situent dans la cour d’honneur, sous les yeux des policiers et près de leurs véhicules, mais surtout juste devant une plaque commémorative des policiers morts pour la France en service. «Une honte pour la mémoire des policiers qui ont sacrifié leurs vies pour défendre les nôtres et les couleurs de la France», écrivait dans un communiqué Alliance mi-septembre, réclamant qu’il soit déplacé. Selon nos informations, une nouvelle plaque a été commandée et apposée à un endroit plus visible.
L’opposition de l’ordre des avocats
D’autres voix d’opposition plus habituelles se sont élevées face à ce LRA dont l’ouverture avait un temps été envisagée mi-octobre. Le collectif «Colère Nantes, CRA ni ici, ni ailleurs», composé d’organisations associatives, syndicales et politiques de gauche, est venu manifester sous les fenêtres de l’hôtel de police. Le conseil de l’ordre des avocats au barreau de Nantes a exprimé de son côté «sa stupeur et sa désapprobation en l’absence d’information préalable de la Préfecture de la Loire-Atlantique» dans une motion. Dans ce texte, il rappelle son opposition à «l’enfermement des personnes étrangères» et «réaffirme, en toute hypothèse, avec force la présence des avocats aux côtés des personnes retenues dans la défense de leurs droits».
«Des espaces seront réservés pour les avocats, les autorités consulaires et les associations chargées d’apporter une aide juridique et sociale aux personnes retenues. L’espace dédié au médecin sera mutualisé avec celui existant au sein du commissariat», indique la préfecture. Et ajoute : «Ce LRA est un dispositif temporaire, activable uniquement lorsqu’il y aura des nécessités de placement.»
Si ce LRA fait parler, nul doute que la construction prévue d’un CRA à Nantes suscitera à son tour des controverses. Outre les manifestations qui ont déjà eu lieu, la maire socialiste Johanna Rolland a affirmé récemment son opposition à titre personnel. L’établissement reste en revanche très attendu des policiers. Implanté à proximité du centre pénitentiaire de Nantes-Carquefou, il devrait voir le jour «en fin d’année 2027-début 2028», et non plus «à l’horizon 2027» comme prévu initialement.