« Nous devons faire mieux que ça », assène Miguel Hurtado Calvo, membre de Be Brave, mouvement de défense des enfants victimes d’actes pédocriminels et coauteur de « Justice sans frontières » avec l’ONG Child Global. Ce rapport, paru ce mercredi 5 novembre, a été présenté en conférence de presse à l’Assemblée nationale dans le cadre de la révision de la directive de 2011 sur la lutte contre les abus sexuels.
Il dresse un constat sans appel : le délai de prescription pour les violences sexuelles sur les enfants diffère d’un pays à l’autre au sein de l’UE. Alors qu’un enfant sur cinq est victime de violences sexuelles en Europe, la justice ne sévit pas de la même façon en fonction de l’endroit où elles sont commises.
Dans certains États membres, les crimes sont devenus imprescriptibles, dans d’autres, les victimes n’ont que quelques années pour agir avant de se heurter « au mur de la prescription », comme le décrit Mié Kohiyama, membre de Be Brave Movement. Ce délai est souvent expiré avant même que les victimes ne puissent parler. Stress post-traumatique, amnésie ou pression familiale : le processus de dénonciation par la victime est un long chemin.
L’âge moyen de divulgation tourne autour de 52 ans. Et comme le souligne Colette Capdevielle, députée socialiste des Pyrénées-Atlantiques, « les préjudices des victimes ne s’arrêtent jamais », contrairement à la possibilité de traduire en justice son agresseur. Les deux ONG, Child Global et Brave Movement, dénoncent la prescription qui impose aux victimes de parler non pas quand elles sont en capacité de le faire, mais dans les délais que la justice détermine.
Un classement médiocre pour la France
Le rapport, rédigé par Miguel Hurtado Calvo, Matthew McVarish et le professeur Marci Hamilton, tous trois membres de Be Brave, établit un classement allant de la lettre A pour les pays sans délai de prescription pénale pour la plupart ou la totalité des crimes, à la lettre F pour les pays où le délai de prescription commence à courir dès la commission du crime.
Parmi les mieux classés figurent l’Irlande, la Belgique, Chypre, le Danemark, la Hongrie et les Pays-Bas. En bas du classement : la Bulgarie, la Finlande, la Lituanie et la Slovaquie. La France se retrouve dans la catégorie C, aux côtés de l’Allemagne et de l’Espagne, avec un délai de prescription prenant fin à 48 ans ou plus tard pour les crimes sexuels les plus graves sur enfants.
Une position « médiocre » pour l’espagnol Miguel Hurtado Calvo, tandis que son collègue Matthew McVarish insiste sur le poids et l’influence de la France au sein de l’UE, laquelle qui doit « prendre ses responsabilités pour tous les enfants européens ».
Si les différents délais de prescription des États membres représentent une inégalité pour les victimes, Be Brave alerte aussi sur le fait qu’en raison de la liberté de circulation, un agresseur peut se réfugier dans un autre pays de l’UE afin d’échapper à la justice.
De plus, sans condamnation, celui-ci n’est pas reconnu comme dangereux et peut être en contact avec des enfants sans aucune protection. « Si la France n’arrête pas ces criminels, ils peuvent aller dans d’autres pays faire de nouvelles victimes », s’inquiète Matthew McVarish.
Une révision européenne décisive
Il existe en France, depuis 2021, un système de prescription glissante. Le délai de prescription peut être allongé si l’auteur d’un viol commet sur un autre mineur, avant l’expiration du délai (de prescription), un nouveau viol ou une agression sexuelle. Une inégalité de plus pour les victimes selon Be Brave, puisqu’il existe des cas « où il n’y a pas d’autres victimes ou certaines qui ne parlent pas ».
Les députés français Colette Capdevielle (PS) et Arnaud Bonnet (EELV), ainsi que les membres de Be Brave, appellent à une « harmonisation des législations nationales en Europe ». Ils espèrent que la France prenne le leadership pour « un accès à un droit fondamental : la justice », insiste Miguel Hurtado Calvo.
En juin 2024, le Parlement européen a voté pour l’imprescriptibilité pénale des violences sexuelles sur mineurs, dans le cadre de la révision de la directive de 2011 sur la lutte contre les abus sexuels. Des négociations entre le Parlement européen, la Commission européenne et les États membres sont prévues. Une réunion d’étape se tient notamment jeudi. Cette révision pourrait marquer un tournant historique.
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