Sept ans après le mouvement des Gilets Jaunes, le cinéaste Thomas Khruitof parvient à en rendre compte avec justesse et à lui rendre justice, en suivant le parcours d’un couple uni mais différemment investi, incarné par les formidables Virgine Efira et Ariel Worthalter.
Aussi bizarre que cela puisse paraître, le mouvement des Gilets jaunes n’est guère apparu sur grand écran. À l’exception notable du documentaire Un pays qui se tient sage de David Dufresne en 2020 et de la fiction La fracture de Catherine Corsini en 2021. Qu’un fait social aussi majeur, sensible et passionnant ait été ainsi négligé ne laisse pas d’interroger. Plutôt que se hasarder à en tirer quelque conclusion, on préfère se réjouir de voir s’y intéresser un cinéaste comme Thomas Kruithof dont le précédent film, Les promesses, en 2021, était marqué par la justesse de son regard sur l’engagement en politique.
Pour évoquer cette fois un engagement citoyen qu’au fur et à mesure des week-ends de 2018/2019, nombre de médias avaient résumé de plus en plus à des statistiques (nombre de manifestants, dégâts, interpellations, blessés…), le réalisateur choisit la seule hauteur décente : la taille humaine.
Les braises brosse ainsi le portrait d’un couple ordinaire, amoureux, deux enfants, aux prises avec le réel français de l’automne 2018 : Karine (Virginie Efira, très sobre), ouvrière dans une usine agroalimentaire, et Jimmy (Arieh Worthalter, intense), patron d’une petite entreprise de transport routier. Elle voit les cadences toujours s’intensifier tandis que lui est à la merci des exigences de ses clients. Elle rejoint vite le mouvement de protestation contre la hausse des carburants quand lui, compréhensif mais plus circonspect, préfère redoubler d’efforts dans son travail.
Un regard plein d’empathie
Thomas Kruithof maintient ainsi un point d’équilibre et de respect entre ces deux réactions différentes mais audibles face aux difficultés du quotidien, de même qu’il ne sépare pas l’intime du collectif, et signifie par là que le politique se joue à tous les endroits. Il montre la solidarité et la chaleur dans le mouvement, la joie d’agir, le plaisir de débattre, la griserie d’exister. Il n’élude pas l’emportement, l’égarement peut-être, ni la fermeté de la réponse, la répression. Il n’oublie pas le contrechamp de la galère, et de la crise qui, indifférente, suit son cours.
Bref, un regard remarquablement nuancé sur les “gilets jaunes” qu’il faut se garder d’estimer neutre : Les braises, qui, en plus de maintenir sa parfaite hauteur de vue, a trouvé la bonne distance, porte un message clair, et éclairé. Jusque dans son titre.