Les riverains des Chutes-Lavie ont été reçus par le bailleur social de la cité pour demander la réouverture du portail. La barrière avait été soudée en 2019 sur demande des propriétaires qui souhaitaient lutter contre les incivilités.

C’est un obstacle qui tend les habitants de tout un quartier, déterminés à retrouver le chemin de la liberté de circulation. Voilà plus de six ans que les riverains des Chutes-Lavie se battent pour tenter de faire tomber une barrière installée à l’entrée d’une cité par une quarantaine de propriétaires. Un combat qui se heurte à un mur malgré une forte mobilisation.

En 2019, la cité dite des Jardins des Chutes Lavie avait fermé ses portes sur demande de ses habitants, d’anciens locataires devenus propriétaires de leurs logements après la vente de nombreux biens immobiliers par leur bailleur social. «Le portail a été posé en 2010, suite à des problèmes de stationnement. Les gens se garaient dans notre rue et rentraient ensuite tranquillement chez eux», rembobine Lucien Fayolle, arrivé dans le 4e arrondissement de Marseille en 1994 et propriétaire depuis 2014.


Passer la publicité

«À cela s’ajoutaient les déjections canines, les problèmes de squat ainsi que des cambriolages  ou des vols. On a essayé de limiter l’accès à autrui via ce portail. Pendant neuf ans, il a été dégradé et vandalisé. On en a eu marre de payer les réparations et nous l’avons fait verrouiller au terme d’une assemblée générale volontaire», poursuit le sexagénaire, qui assure que la fermeture a été votée «à la majorité».

Réunion avec les locataires

Une décision contestée par de nombreux locataires et riverains des Chutes-Lavies, contraints de réaliser de longs détours pour traverser leur quartier et accéder à certains commerces ou équipements municipaux. «Ce portail sépare tout un quartier. Il y a toute une partie qui n’a plus accès aux commerçants et aux structures publiques comme le jardin ou le centre municipal d’animation», assure Didier Jau, maire écologiste des 4e et 5e arrondissements de Marseille qui soutient les riverains en colère.

Rassemblés autour d’un collectif, ces derniers ont entamé un mouvement de protestation pour faire tomber la barrière et retrouver leur ancienne vie de quartier. Une pétition a recueilli plus de 500 signatures, et le collectif vient même d’être reçu par la présidente du bailleur social Provence Métropole Logement (PML, ex-Habitat Marseille Provence) Solange Biaggi. Contactée par Le Figaro, l’élue n’a pas souhaité répondre à nos questions.

«Dès les premières minutes, nous avons compris que nos arguments seraient écoutés, mais pas entendus. Nous avons rappelé que le seul accès restant, par le boulevard Guigou, est dangereux et trop long, notamment pour les personnes âgées, les parents avec poussettes et les enfants. La réponse reçue a été glaçante : “Oui, c’est le seul accès, il faut l’emprunter. Et sinon, il y a d’autres parcs à Marseille.” Une phrase difficile à accepter lorsqu’il s’agit d’un parc public, entretenu avec 88.000 euros d’argent public en 2023, situé au cœur même de la Cité».

Le portail est verrouillé depuis 2019.
Collection personnelle

D’après le collectif des Chutes-Lavie, la fermeture du passage qui traverse la cité a été engagée «sans concertation avec la mairie, ni les habitants». «Nous avons également signalé que les locataires n’avaient jamais été consultés avant ces fermetures. Nous avons par ailleurs soulevé des doutes sur la régularité de certains procès-verbaux d’assemblées générales, notamment sur le mode de calcul des majorités et la forme juridique employée», indique le collectif dans un communiqué, qui dit avoir vu certains de ses arguments être «balayés» par la direction de PML.


Passer la publicité

De quoi provoquer la colère de nombreux locataires, qui en appellent désormais au maire de Marseille pour faire débloquer la situation. «Nous demandons que la Ville de Marseille, propriétaire des espaces publics situés dans la Cité, soit entendue dans ce dossier». De son côté, Solange Biaggi aurait indiqué aux riverains qu’elle reprendrait contact avec eux dans un délai de quinze jours, «le temps de vérifier juridiquement la situation».

On est dans notre bon droit, nous sommes une copropriété privée et nous disposons de voies privées que nous payons, entretenons et réparons

Lucien Fayolle, propriétaire aux Chutes-Lavie

«Nous ne souhaitons pas empêcher les gens de venir, il reste une entrée en haut de la cité. On est dans notre bon droit, nous sommes une copropriété privée et nous disposons de voies privées que nous payons, entretenons et réparons. On a émis ce projet et cela a été voté à la majorité», tempère Lucien Fayolle, qui a aussi été reçu par PML. «On paye un agent d’entretien qui fait le nettoyage ainsi qu’un jardinier. Ce n’est pas la ville qui fait ça. C’est une voie privée», martèle le propriétaire.

«La fermeture a été réalisée dans le cadre d’une AG légale. Les propriétaires et Habitat Marseille Provence, qui possède une majorité des voix, ont voté la fermeture», confirme une source proche du dossier, comparant avec une pointe d’ironie la barrière au «mur de Berlin». La situation, en réalité très politique, fait subtilement s’opposer les collectivités territoriales phocéennes dans un bras de fer incluant ses propres administrés. «Est-ce que la libre circulation en ville est une affaire politique ? En partie, mais c’est aussi un choix politique d’avoir une ville où on peut circuler», explique Didier Jau.