Par Alexis Feertchak
Publié
le 25 avril 2025 à 14h30,
mis à jour le 25 avril 2025 à 15h04
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Le premier porte-aéronefs made in India et son groupe aéronaval ont quitté leur port d’attache alors que les tensions montent entre New Delhi et Islamabad après une attaque terroriste meurtrière au Cachemire.
«Jeudi habituel.» C’est par un «understatement» que la marine indienne a publié sur Instagram le 24 avril dans la soirée une image représentant le porte-avions INS Vikrant et son escorte longer la côte indienne en direction de la haute mer. «Flotte en formation, force en action», peut-on lire dans un commentaire succinct. En réalité, il ne s’agit pas tout à fait d’un «jeudi habituel», alors que les tensions grimpent nettement entre New Delhi et Islamabad après une attaque terroriste meurtrière qui a causé, mardi, la mort de 26 civils indiens au Cachemire, région partagée en 1947 entre les deux pays, qui continuent de la revendiquer en intégralité. L’Inde soupçonne le Pakistan de ne pas être étranger à cette attaque qui aurait été commise par le groupe djihadiste Lashkar-e-Taiba (LeT).
Des images satellitaires révèlent que le groupe aéronaval, qui a appareillé depuis la base de Kadamba au sud de Goa, se trouvait dès le 23 avril en mer d’Arabie à seulement 600 ou 700 kilomètres des côtes pakistanaises, relativement enclavées au nord de cette vaste zone maritime bordée à l’est par l’Inde et à l’ouest par la péninsule arabique.
Image du groupe aéronavale publiée par la Marine indienne.
Instagram
La photographie publiée par la marine indienne montre que le porte-aéronefs INS Vikrant est accompagné par au moins quatre frégates et destroyers, un format habituel pour l’escorte de ce navire qui fait la fierté du pays. Admis au service actif en septembre 2022, ce navire de 45.000 tonnes est le premier porte-avions «made in India» de la flotte indienne, qui vient s’ajouter à l’INS Vikramaditya, un ex-porte-aéronefs soviétique de classe Kiev remis au goût du jour par Moscou dans les années 2000 et vendu à New Delhi. La Russie a également livré à l’Inde une quarantaine de chasseurs MiG-29K capables d’être déployés depuis ces deux navires qui ne sont pas de «vrais» porte-avions : s’ils disposent bien de brins d’arrêt automatiques pour l’appontage des avions, ils ne possèdent pas de catapultes pour leur décollage, mais de simples tremplins qui limitent leurs performances.
Signalement stratégique
Malgré tout, le déploiement de l’INS Vikrant à proximité des côtes pakistanaises n’est pas anecdotique. Il ne traduit pas nécessairement l’imminence d’une escalade militaire entre les deux puissances nucléaires, mais constitue une mise en garde sérieuse par New Dehli qui envoie ainsi un signalement stratégique à Islamabad. Un élément de dissuasion qui demeure néanmoins de nature conventionnelle puisque les chasseurs embarqués n’emportent pas d’armes nucléaires, réservés, en Inde, aux missiles intercontinentaux terrestres et aux missiles balistiques tirés depuis des sous-marins lanceurs d’engins. Reste que la marine indienne, forte de deux porte-aéronefs, de 27 frégates et destroyers, et de 20 sous-marins, est beaucoup plus puissante que son équivalente pakistanaise, plus embryonnaire malgré la mise en service récente de quelques navires modernes d’origine turque et chinoise.
Depuis 72 heures, l’Inde exerce une pression maximale sur le Pakistan : suspension d’un traité sur le partage des eaux de l’Indus, cruciale pour l’agriculture du pays, la fermeture du principal poste-frontière terrestre et l’expulsion de diplomates. Islamabad, qui a voté des mesures réciproques, a «rejeté» les accusations «infondées» de l’Inde et «a prévenu» qu’il était «prêt à (se) défendre», à l’issue d’un vote au Sénat.
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Avant l’aube ce vendredi, des échanges de tirs ont eu lieu «de poste à poste dans la vallée de Leepa» au Cachemire sur la ligne de contrôle, qui sépare la partie pakistanaise de la partie indienne, rapporte l’AFP. L’armée indienne a confirmé des tirs brefs à l’arme légère lancés, selon elle, par le Pakistan et auxquels elle a «répondu efficacement». «Nous exhortons les deux gouvernements (…) à la retenue maximale et à s’assurer que la situation ne se détériore pas», a déclaré ce jeudi soir le porte-parole des Nations unies, Stephane Dujarric.
Ces tensions au Cachemire ne sont pas sans précédent : en 2019, une attaque terroriste contre un convoi militaire indien avait causé la mort de plus de 40 soldats indiens. Plus d’une dizaine avaient été tuées en 2016 lors de l’attaque d’une base militaire. Auparavant, en 1947, en 1965 et en 1971, trois guerres ont directement opposé l’Inde et le Pakistan, mais, à l’époque, aucun des deux pays ne disposait de l’arme nucléaire.