S’il en existe encore, mais « de quartier » – Michelet Cœur de Ville, dans la rue éponyme, est un récent exemple –, voilà 2 ans que Saint-Etienne est privée d’une association commerçante d’ensemble. Depuis le « crash » de Côté Saint-Etienne. Pas au meilleur moment pour un commerce physique de centre-ville en souffrance. Certes, ici comme ailleurs et qui continue à se battre. CCI et CMA sont liées au lancement tout frais de « l’ACAPS » qui ambitionne de prendre le relais. Soutien articulé avec l’ambition d’élaborer un « plan » d’actions collectif effectif en 2026.
Les représentants de la CCI et de la CMA au sein de la Maison Thomas ce matin à Saint-Etienne : son dirigeant Tristan Thomas (2e en partant de la gauche) est le président de la nouvelle association des commerçants. ©If Saint-Etienne / XA
C’est tout frais. « Les statuts ont été déposés il y a 2 semaines. Nous n’en sommes qu’au tout début : alors, oui, il n’y a pas encore d’autres membres que les fondateurs, soit une dizaine de personnes », explique le président Tristan Thomas, de la Maison Thomas, la confiserie des Arcades implanté sous l’Hôtel de ville de Saint-Etienne aux origines remontant aux années 1950. « Mais l’idée est bien sûr d’ouvrir les portes à tous et d’être l’association représentant l’ensemble des commerçants, des artisans, des bars, hôtels et bien sûr restaurants de tout Saint-Etienne. Un interlocuteur d’ensemble vis-à-vis des chambres consulaires, de la municipalité et du public. »
Son nom ? L’ACAPS pour « Association des commerçants, artisans et prestataires de Saint-Etienne », acronyme temporaire amené à être remplacé le plus vite possible par une appellation plus séduisante. En attendant, cette association ambitionne de reprendre le flambeau et donc le rôle de Côté Saint-Etienne, en situation de crash depuis l’automne 2023, et qui comptait, avant cela, environ 200 membres. Depuis, Ville de Saint-Etienne et chambres consulaires n’ont plus d’interlocutrice officielle pour l’ensemble de la cité. Et la vie commerçante de cette dernière, sa vie tout court du coup, est privée des éléments de base portés par ce type de structure, celles qui continuent à fonctionner, souligne Tristan Thomas – malgré la tendance terrible du « tout en ligne »* – pour attirer du monde en centre-ville. A savoir des cartes cadeaux collectives ou encore des animations coordonnées et régulières.
Et le collectif du printemps ?
La délégation Loire de la CCI métropolitaine et la CMA 42 ne sont pas étrangères à cette « réanimation ». La première ayant d’ailleurs organisé les premières Assises du commerce et de l’artisanat – qui va donner lieu à la sortie imminente d’un livre blanc – dans la Loire au printemps dernier à la sortie d’un second opus de la « Semaine du commerce » dans le département qu’elle avait souhaité amplifier à défaut d’en être à l’origine (ce sont des unions commerciales locales qui l’ont créée en 2023). Mais à propos de renouveau associatif à Saint-Etienne, on s’attendait davantage à une initiative issue du collectif découlant, à l’origine, par le coup de gueule de Laurent Pelletier, à la tête de Lo’Beau Bar et du Parci Parla en mars dernier sur la situation du commerce stéphanois. Pour rappel, ce collectif, exprimant le sentiment de manque d’écoute de la part des pouvoirs publics, avait soudé environ 150 commerces de la ville.
Puis obtenu rapidement de la mairie des mesures « d’urgence » qui ont depuis, semble-t-il tourner à la permanence, au moins jusqu’à un nouvel ordre : retour à un éclairage public estimé sécurisant plus long, plus étendu, d’un budget « carte blanche » de 100 000 € pour des animations et enfin de facilités de stationnement – élargissement des jours et horaires de gratuité – pour les consommateurs potentiels. Dans la foulée, la création d’une association commerçante issue du collectif était très logiquement attendue. Laurent Pelletier nous avait d’ailleurs confirmé que celle-ci était en réflexion tout en précisant bien qu’il ne souhaitait pas en être président. Mais la gestation de l’ACAPS, suscitée donc entre autres par la CCI et la CMA était alors déjà en route, avant même la constitution de collectif : « Sa concrétisation ayant été retardé pour éviter une confusion avec la démarche du collectif du printemps dernier », explique à If la CCI.
« Nous avons besoin d’être davantage écoutés »
Et si la nouvelle association annonce vouloir, bien sûr, travailler avec les membres issus du collectif, leur adhésion ne sera pas pour autant une évidence à en croire Laurent Pelletier. Ce dernier expliquait en effet cet après-midi à If Saint-Etienne que les choses avaient été, à ses yeux, faites à l’envers : « Ce n’est pas une question d’égo, de pouvoir : je l’ai déjà dit, personnellement, je ne veux pas diriger ! C’est juste que quand on veut faire une association commerçante soudant tout le monde, on réunit en amont les gens en question, à propos de l’initiative, ses tenants et aboutissants, comme nous l’avons fait en mars. Et pas à partir d’un fait accompli, avec un bureau déjà constitué en amont. » Reste que l’absence d’une association commerçante pèse au-delà de problématiques économico-sociales valables dans tout le pays** et pas qu’à Saint-Etienne : pouvoir d’achat, pertes des « locomotives » nationales périclitant ou fuyant les centres-villes, concurrence déloyale et mortifère du web…
Comment lutter contre le tout en ligne mortifère ? La vie commerçante participe aussi largement au lien social d’une cité. ©If Saint-Etienne / XA
Pour revenir à Saint-Etienne, « oui, les mesures prises en mars vont dans le bon sens et ont eu de l’effet sur l’activité. Chez moi, en tout cas, cela s’est vérifiée, observe Leslie Engel, à la tête de trois boutiques à Saint-Etienne dont Lisa Calvo (prêt-à-porter féminin) dans le quartier Saint-Jacques, visitée ce vendredi matin par les représentants de la CCI. Nous continuons encore et toujours à souffrir des mêmes problématiques tenaces : insécurité, incivilités, manque persistant de propreté, d’accès rapides et efficaces à du stationnement en centre-ville ou encore la multiplication de ces fast foods dans les cellules vides qui ont tendance à attirer une clientèle qui ne se comporte pas toujours bien et fait fuir les autres. Mais il y a encore plein de commerçants de bonne volonté, motivés, qui aiment cette ville. Il faut le valoriser. Or, nous avons besoin d’être davantage écoutés, davantage accompagnés, aidés et ce qui peut exister allant dans ce sens n’est pas toujours bien communiqué. Il faut donc une association pour faire l’intermédiaire. Une association capable d’avoir des référents selon le type de commerce et des secteurs de la ville : nous ne faisons pas tous les métiers et n’avons donc pas les mêmes problèmes. »
Un plan transversal
S’ajoute d’ailleurs aussi au panier, le prix délirant de certains loyers sur les axes les plus prestigieux de la part de propriétaires trop gourmands, déconnectés du contexte stéphanois, estiment bon nombre de commerçants, à commencer par celle-ci. La délégation de la CCI Loire ne la contredit pas – si ce n’est, en revanche, sur le sujet épineux du captage de clientèle par Steel… – et l’informe, du coup, ce matin même de la création de l’ACAPS. Celle-ci envisage justement de disposer de référents géographiques et thématiques. C’est en effet une petite tournée médiatisée sur Saint-Etienne de quelques commerces qu’effectuait la CCI et la CMA ce matin. Des tournées qui ont cours, sans forcément que des journalistes soient présents, ailleurs dans la Loire qu’à Saint-Etienne ainsi que dans le Rhône (la CCI est métropolitaine et mutualise sa démarche de soutien) depuis le début de l’automne.
Celle de ce vendredi en avait quatre au programme pour point de départ donc, La Confiserie des Arcades. Avant « Lisa Calvo » puis « Don Juan » place Dorian et enfin, « Art & Photo » place Jean-Jaurès. Pascal Calamand, président de la Chambre des métiers et de l’artisanat (CMA) Loire, partenaire, donc, sur cette problématique était présent dans la première boutique. Afin d’appuyer sur l’idée que les chambres consulaires ne doivent pas travailler en silo : bon nombre de commerçants sont en effet aussi artisans. Et l’attractivité commerciale d’un centre-ville ou d’un centre bourg est de toute façon, aussi celle de ses « purs » ressortissants. Eux-mêmes respectivement commerçant et restaurateur, le Lyonnais Régis Poly, vice-président la CCI métropolitaine et le Stéphanois Antoine Martinez, vice-président à la commission commerce étaient de cette visite de terrain ce matin. Et c’est dans la même logique que CPME 42 et Medef Loire sont aussi associés à leur « plan ».
Un plan adapté et adaptable
Alors que la CCI va coordonner le passage au printemps de la « Semaine » à une « Quinzaine » commerciale dans la Loire, l’objectif entre ces échanges de terrain, les Assises du printemps dernier et ce prochain livre blanc, le tout allié, enfin, à un questionnaire envoyé à 1 300 commerçants des deux départements dont les retours sont actuellement analysés est en effet, d’élaborer un « plan » d’actions général dès 2026. De quoi jouer pleinement le rôle des consulaires tels qui le définissent : des « aidants ». S’il est trop tôt pour en connaître ses dispositifs, il est annoncé « adapté » aux problématiques des différents bassins de vies. Les différents contextes roannais, montbrisonnais, lyonnais, stéphanois, ceux des zones rurales, périurbaines, ou encore des autres villes, quelle que soit leur taille, ne peuvent pas donner lieu à des réponses standardisées.
« Ce plan est appelé à être annuel mais nous serons en mesure de l’adapter empiriquement, régulièrement, en cours d’année. La réponse ne peut pas rester figée, effectivement », précise à If Antoine Martinez. Bien qu’entre raisons nationales et purement locales, désigner les causes exactes ne coule pas d’évidence, bien qu’il y ait des entrepreneurs dynamiques prêts à se battre, la situation l’exige, indéniablement car l’érosion commerciale du centre-ville n’est, semble-t-il, pas pour autant un fantasme. Parmi les fondateurs de la nouvelle association de commerçants de Saint-Etienne, une membre du CA a déjà été dans l’obligation de jeter l’éponge : et pour cause, son commerce vient d’être contraint de fermer…
* La CCI rappelle à propos de cette tendance les résultats de sa dernière enquête Consommateurs sur le Rhône et la Loire :
- Montée en puissance de l’e-commerce non alimentaire : 22 %, soit 1,6 Md€ de dépenses sur Internet (Loire : 447 M€ de dépenses sur Internet, Rhône : près de 1,2 Md€). En 5 ans, ce taux a presque doublé, au détriment des formats physiques traditionnels.
- Un commerce physique en perte d’attractivité relative : les enseignes du territoire génèrent 14,5 Md€ de CA, en hausse de + 5 % dans le Rhône depuis 2018, et de + 4% dans la Loire. Mais la progression reste inférieure au potentiel de consommation local (+ 9% et + 4%), illustrant le transfert de clientèle vers le digital.
- Une consommation responsable bien ancrée localement :environ 8 ménages sur 10 achètent des produits bio, 1 sur 2 consomme davantage de produits locaux, et 1 sur 4 se tourne vers la seconde main.
** Elle souligne aussi, l’aspect national de la progression de la vacance commerciale : en 2024, le taux de vacance commerciale en France a atteint 14 %, contre 6 % en 2010, un niveau jugé critique. La fréquentation des points de vente est aussi en baisse : en juin, elle a reculé de – 4,3 % et le chiffre d’affaires de – 3,2 % (source Procos). Dans la Loire et le Rhône, trois secteurs concentrent les plus fortes difficultés : les cafés-restaurants, en tête (745 défaillances en trois ans dans le Rhône et 343 dans la Loire), suivis des services à vitrines (pressings, salons de coiffure, petites boutiques) et de l’équipement de la personne (habillement, chaussures), particulièrement affectés par la baisse de fréquentation et la concurrence du e-commerce et de la seconde main.