Rarement, on aura autant aimé la pluie et c’est une pluie que tout l’Ouest va envier à Nantes… Cette pluie qui s’abat depuis ce vendredi sur le musée d’arts de la cité des ducs dans un déluge de chefs-d’œuvre.
Ici, L’orage de Maxime Maufra, là, une Pluie à Belle Île de Monet, Un grain d’Eugène Boudin, ou encore cette si délicate Averse d’avril de Martin Johnson Heade…
Étonnamment, ce n’est qu’avec les peintres de plein air et les impressionnistes que la pluie arrive dans la peinture. « Jusqu’à la fin du XVIIIe, la pluie est représentée de façon symbolique, explique Marie-Anne du Boullay, commissaire de l’exposition Sous la pluie. Peindre, vivre et rêver. La pluie n’existe pas : élément dramaturgique, elle nourrit l’œuvre et le récit. À partir du XIXe, elle devient un « motif », c’est-à-dire le sujet de l’œuvre elle-même. »
Il pleut sur la ville
Avec cette question : « Comment représenter cet élément translucide et incolore qui voile les paysages et les transforme. »
La pluie devient un voile, un flou, un halo… Ou carrément des traits, à l’instar des ukiyo-e, ces estampes japonaises, qui fascinent et inspirent. Dans une coursive du musée où certaines sont présentées, leur répondent des estampes et eaux-fortes d’Emile Laboureur, Henri Rivière et Félix Vallotton. Ou encore Rain de 1973 de David Hockney où l’eau de pluie qui tombe sur la peinture, devient une coulure qui en déborde !
Dans la deuxième partie du XIXe, les impressionnistes s’emparent des villes en mutation et la pluie y devient un révélateur. Pièce maîtresse de l’exposition, une esquisse préparatoire à la célébrissime Rue de Paris, temps de pluie de Caillebotte (1877) concentre ceci : « On n’y voit pas la pluie, commente Marie-Anne du Boullay, mais ses effets : le pavé qui brille, une effervescence continue et des parapluies ».
Le XIXe peint à l’envi ces parapluies. Pour ses courbes et pour ce qu’il raconte de celui qui le porte, marqueur social selon qu’il soit en soie, en coton, damasquiné…
Puis, avec le post impressionnisme et la photographie du XXe, de sociétale, la ville magnifiée par la pluie se fait « songe », empruntant à la météorologie des sentiments résumée par le fameux vers de Verlaine : Il pleure dans mon cœur comme il pleut sur la ville…
Expérience sensible et sensorielle comme la pluie, la déambulation résonne d’une installation sonore d’Anne-Laure Lejosne Sotin. Appuyée par des extraits de films allant de Buster Keaton aux Parapluies de Cherbourg, lumineuse malgré le thème, Sous la pluie, gagne son pari d’être « un réenchantement de la pluie à un moment où ses excès et son manque peuvent être cruels ».
Ceux-ci ne pouvaient être évincés. Une vidéo coup de poing de Julius von Bismarck nous projette au ralenti au cœur du cyclone Irma qui balaya la Floride en 2017. Foudroyant.
Musée d’arts de Nantes, jusqu’au 1er mars 2026, sauf le mardi. 4/9 €, gratuit – 18 ans. Réservation de créneaux en ligne. Week-end d’inauguration gratuit et festif ce 8 et 9 novembre.