L’auteur de BD américain Matt Furie intervenant dans le documentaire « Feels Good Man » sur Society+.

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L’auteur de BD américain Matt Furie intervenant dans le documentaire « Feels Good Man » sur Society+.

INTERNET – Sorti en 2020, le documentaire Feels Good Man retrace l’histoire de la grenouille la plus célèbre d’Internet à la fin des années 2000, Pepe the Frog. Créée par l’auteur de BD américain Matt Furie comme l’un des personnages d’une série de comics pour fumeurs de weed, Boys Club, cette grenouille va devenir célèbre grâce à une case bien identifiée : quand elle est en train d’uriner aux toilettes, de dos et le pantalon baissé jusqu’au sol. « Feels Good Man » (« C’est bon, mec »), lâche alors une autre grenouille qui assiste à la scène.

Rapidement, le phénomène Pepe the Frog va prendre de l’ampleur sur Internet, partagé et détourné en masse sur les premiers sites communautaires de l’époque : MySpace et surtout 4chan. Il n’en fallait pas plus pour que la tête verte de Pepe devienne un mème, aussi bien utilisé par des anonymes ou des stars, comme la chanteuse Nicki Minaj.

De bonnes histoires, un ton, un regard. Le HuffPost et Society ont en commun l’art du pas de côté et s’associent autour d’un partenariat inédit pour faire découvrir gratuitement aux lecteurs du HuffPost un documentaire sélectionné par la rédaction.

« Feels Good Man », 94 min, d’Arthur Jones, à regarder sur Society+ (gratuitement jusqu’au 15 novembre)

Mais loin de son image initiale tolérante et pacifique, la grenouille se voit aussi récupérée négativement. Par exemple sur 4chan par une communauté de jeunes sans emploi restant cloîtrés en permanence dans leur chambre, qui popularisent un Pepe « sad » (« triste »), comme un miroir de leur vie sans réel avenir.

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Une véritable bascule s’opère quand Pepe the Frog est de plus en plus représentée dans des montages à connotation raciste, mettant en scène le nazisme ou appelant au meurtre et à la haine. L’extrême droite radicale américaine (l’alt-right) en fait sa mascotte et surfe sur la candidature de Donald Trump à l’élection présidentielle de 2016. Le républicain n’hésite pas alors à retweeter une image de Pepe le représentant, coiffée de sa chevelure blonde.

Baignant allègrement dans le milieu suprémaciste blanc, au centre de dérives incontrôlables et des théories du complot, Pepe the Frog en vient même à être officiellement listée comme un « symbole de haine » par l’une des plus importantes organisations de lutte contre l’antisémitisme et le racisme aux États-Unis, la Ligue anti-diffamation (ADL).

Une campagne « Sauvez Pepe » sur Internet

Autour de l’élection présidentielle du 8 novembre 2016, Matt Furie tente de récupérer sa création en lançant une campagne « Sauvez Pepe » sur Internet, pour laquelle il faut dessiner une version pacifiste de la grenouille. En vain, le côté du mal finissant toujours pas rejaillir inévitablement sur les réseaux sociaux. Finalement, face à un problème quasiment insoluble, Matt Furie décide de « tuer » Pepe en 2017, organisant ses funérailles dans une bande dessinée.

Les problèmes ne sont pas terminés pour autant pour l’auteur américain, qui fait face quelques semaines plus tard à la publication d’un livre islamophobe sur Amazon, reprenant l’image de Pepe. La goutte de trop pour le dessinateur, qui part alors en croisade contre l’auteur de cet ouvrage. L’affaire se règle finalement à l’amiable et le livre est retiré de la vente.

Des actions en justice, Matt Furie en connaîtra d’autres, notamment en 2018 contre l’animateur radio Alex Jones qui est derrière le site complotiste InfoWars, pour usage non autorisé du personnage à des fins commerciales. Là encore, un arrangement financier est conclu en faveur de l’auteur de BD.

Finalement, un tournant inattendu intervient en 2019 pour Pepe, quand elle devient la mascotte du mouvement pro-démocratie à Hong Kong. En peluche, dessinée sur des autocollants, des tracts ou des origamis, le célèbre batracien est de toutes les manifestations, coiffé d’un casque jaune. De quoi finir son histoire torturée sur une bonne note. Pour le moment.