Publié le
8 nov. 2025 à 13h02
Implanté à Pezens dans l’Aude depuis fin 2020, Stéphane Arnal, 43 ans, a repris, seul, le domaine de la Périnade. C’est un changement de vie assumé. Jusqu’à cette date, il a occupé des fonctions stratégiques dans une grande firme française, avec une vie très sereine à Levallois-Perret avec femme et enfants.
Moins de 6 ans plus tard, il est parvenu à placer 3000 de ses bouteilles de rosé sur les tables du prestigieux Crazy Horse dans les beaux quartiers de Paris. Là-bas, il a même remplacé un domaine proposé aux clients du cabaret, implanté près de Saint-Tropez et propriété de la multinationale LVMH.
Cliquez ici pour visualiser le contenu
Domaine familial
Épanoui dans ce monde sans pitié de la finance, Stéphane Arnal est pourtant fils et petit-fils de vigneron, responsables de ce fameux site viticole, créé en 1830.
« En quelques mois, nous sommes passés de Paris à la banlieue résidentielle de Carcassonne (Aude). Pour ma femme, Californienne, cela a été un choc. Moi, je n’ai pas eu le temps de cogiter. Il y avait tout à faire et à relancer », se souvient ce quadragénaire.
J’ai repris ce lieu en 2020. Et à l’époque, on ne va pas se mentir. C’était du gros vin rouge proposé quotidiennement à la vente. Rien ne prédestinait ce lieu à finir au Crazy, et avec du vin rosé de surcroît.
Stéphane Arnal
Cogérant du domaine La Périnade
C’est sans regret qu’il a quitté l’Île-de-France. Pour un sacré défi.
Votre région, votre actu !
Recevez chaque jour les infos qui comptent pour vous.
S’incrire
Une révélation
« Avant de vendre, il faut vendanger. Avant de vendanger, il faut produire et pour ça, il faut savoir ce que l’on veut. Alors, j’ai testé un peu tout ce que l’on pouvait faire. Puis, après dégustation, j’ai eu une révélation. Sur cette parcelle de 2,25 hectares, j’ai vite su qu’un vin rosé de dingue était à portée de main », s’exclame le cogérant, n’oubliant pas de préciser que dans ce métier, il a « vraiment tout appris sur le tas, au fur et à mesure, sans les tutos de YouTube ».
Il en a la certitude. Le domaine La Périnade vivra grâce à ce terrain. Sinon, l’avenir s’annonce maussade pour le château comme pour la famille.
Un travail nocturne exténuant
C’est décidé. Stéphane Arnal se lance dans le vin rosé et y met toute son énergie.
Les vendanges, chez nous pour le rosé, ont lieu de nuit. On commence à 2h du matin environ. C’est un impératif.
Stéphane Arnal
Cogérant du domaine de La Périnade
« Entre la veille à faire chez les concurrents qui sont les caves expertes du rosé, le travail de la terre, la conception de nos propres bouteilles et ainsi de suite. Je n’ai jamais arrêté », poursuit le jeune papa, se rappelant aussi « qu’à l’époque, j’ai regardé régulièrement ce que faisait le Château Esclans près de Saint-Tropez car c’est un site reconnu et très bien réputé ». Heureux présage.

Arrivé comme jeune viticulteur en 2020 près de Carcassonne (Aude), Stéphane Arnal voit son travail aujourd’hui largement récompensé. (©Stéphane Arnal)
Mais, l’une des principales différences entre la préparation d’un vin rosé et celle d’un vin rouge intervient au moment des vendanges. « Pour ce produit, tout se passe de nuit. Il faut commencer à la fraîche, donc la nuit. On vendange dès 2 h du matin et sans compter nos heures », répète à l’envi Stéphane Arnal.
Une dégustation décisive
Convaincu de détenir « un joyau absolu » sur ses terres, ce passionné de motocross fonce. Il ne relâche jamais ses efforts et se fixe toujours des objectifs aussi précis que très élevés pour son futur rosé.
« Le rosé est le vin le plus dur, le plus épuisant à produire. Il faut vendanger aux mêmes heures. Il ne faut rien laisser au hasard. Il faut surveiller constamment les vignes, la météo. C’est comme de l’orfèvre. C’est franchement épuisant à faire », assure aujourd’hui celui qui savoure le plaisir de voir déjà à l’époque ses premières bouteilles saluées par des professionnels francophones de la viticulture.
L’œil d’Amandine Chaignot, travaillant aux côtés de Yannick Alléno dans les cuisines du Ritz de Londres a tout changé. Elle a repéré notre vin rosé. Elle a commencé à en parler autour d’elle et devient, un peu, l’ambassadrice autoproclamée de notre nouveau vin.
Stéphane Arnal
Cogérant du domaine La Périnade
Quelques semaines plus tard, après une dégustation entre amis à Pezens, le photographe français Pierre-Élie de Pibrac tombe sous le charme de cette nouvelle proposition. De lui-même, sans prévenir Stéphane Arnal, l’artiste glisse le nom du domaine carcassonnais à l’état-major du Crazy Horse.
Un coup de pouce très opportun
Dès que le nom de La Périnade circule dans les locaux d’un des cabarets les plus connus de la planète, l’histoire du site audois va s’accélérer.
Cela a été un premier choc. Moi, le Parisien de naissance, je rentre dans ce lieu mythique avec toute son histoire, ses stars venues il y a fort longtemps. La première fois, j’ai été très intimidé. Mais les affaires ont vite repris le dessus.
Stéphane Arnal
Cogérant du Domaine La Périnade
En début d’année 2023, le chef d’entreprise est sollicité par la directrice artistique de l’époque et une rencontre à Paris est organisée à la hâte. « Il avait été évoqué par téléphone d’avoir quelques bouteilles là-bas mais sans certitude, ni négociations clairement entamées. Je n’avais pas pris seul la décision d’aller les voir », assure le viticulteur.

En 2025, Stéphane Arnal, responsable du domaine viticole de la Périnade à Pezens (Aude), a pu vendre 3000 de ses bouteilles de vin rosé sur les tables du prestigieux Crazy Horse à Paris. (©Stéphane Arnal)
Une fois sur place, le quadragénaire n’est pas seul face à la directrice artistique. Loin de là. « Face à moi, ils étaient 22 voire 23. J’avais face à moi outre la directrice artistique, un des patrons, deux danseuses, plusieurs chefs de rang, des directeurs techniques, un ingénieur du son entre autres. Je n’avais pas été informé de toutes ces venues », s’amuse aujourd’hui l’ancien financier.
22 fois
Il sait très bien les raisons de sa présence, même s’il n’a apporté aucune bouteille.
« On m’a rapidement fait comprendre que c’était le moment de convaincre. Comment ? En présentant tout oralement, en pitchant comme disent les trentenaires ! Je me suis retrouvé à répéter à chacun, la même histoire. Ce qui fait 22 pitchs en 4 petites heures dans la même pièce, avec la même conviction », se souvient le jeune père de famille.
J’ai vite compris que face à nous, c’était un solide concurrent, un des fers de lance, propriété du puissant groupe LVMH. C’était le château Esclans à Saint-Tropez qui était jusqu’alors proposé aux clients du cabaret.
Stéphane Arnal
Cogérant du domaine La Périnade
De 25 à 3000 !
Tout s’est joué dans ces instants-là. En début de soirée, un vote à bulletin secret a lieu au sein du cabaret. Le résultat ne se fait pas attendre. « Andrée Desseinberg, la responsable de l’époque, m’a appelé pour me dire que j’avais renversé LVMH et qu’il fallait concrètement discuter pour la première commande », se souvient, encore ému aujourd’hui, le viticulteur.
On a réussi à sortir LVMH du Crazy Horse et ce n’est pas rien pour un domaine comme celui que je représente.
Stéphane Arnal
Cogérant du domaine La Périnade
Quelques semaines plus tard, il prend un malin plaisir à apporter personnellement ses 25 bouteilles au célèbre site touristique depuis l’entrepôt de Rungis où il en a stocké quelques dizaines. D’autres suivront très vite.
Exportation en cours
Aujourd’hui, les discussions sont plus simples. Les deux entités sont en parfaite osmose à un tel point qu’une bouteille conçue ensemble a vu le jour. « Des cols comme celui-là, j’en place 3000 au Crazy Horse depuis plusieurs années et ça va continuer en 2026. L’accord est signé », se réjouit le patron.
Nous sommes de plus en plus présents au sein des Duty-Free et c’est un honneur. C’est une autre voie de développement à travailler, tout en conservant le Crazy Horse.
Stéphane Arnal
Cogérant du domaine La Périnade
Mieux, grâce à de nouveaux contacts professionnels sur lesquels il souhaite rester discret, il a pu nouer des contacts à l’international. « On a commencé à exporter ce même vin au Royaume-Uni, dans d’autres pays et aussi grâce à un businessman rencontré par hasard, en Lituanie. Et, cela fonctionne très très bien », certifie l’homme d’affaires.
Mais il ne compte pas s’arrêter là. Sans se fixer la moindre limite de temps, l’homme commence à se renseigner pour exporter sa production aux USA comme en Arabie saoudite. Pour Stéphane Arnal, une chose est sûre. Son avenir, comme celui de son domaine, s’écrit définitivement en rosé.
Domaine de la Périnade. Lieu-dit La Périnade à Pezens (Aude). Dirigé par Stéphane Arnal. Tél. 06 61 99 93 77. Plus d’informations à retrouver ici.
Personnalisez votre actualité en ajoutant vos villes et médias en favori avec Mon Actu.