Pour une fois, c’est une belle histoire. Du genre qu’on aime se rappeler quand les batteries militantes sont à plat. Cette histoire, c’est celle de la mobilisation d’un quartier du nord de Paris, la Goutte-d’Or, au cœur de Barbès. Un coin qui, selon la chercheuse Hajer Ben Boubaker, autrice d’une somme sur le sujet (1), a été à partir des années 1950 la «maison-mère des luttes de l’immigration», entre caches d’armes pour le FLN algérien et cafés communautaires où se tramaient des réunions politiques.
Rue Léon, au 14, se trouve l’épicentre : le restaurant les Trois Frères, tenu pendant trente ans par les frères Arab, réputé pour son couscous gratuit du jeudi soir qui a nourri pendant des décennies le tout-Paris estudiantin et fauché. Au-dessus du restaurant, un hôtel à la façade blanche, aux garde-corps ouvragés et aux balconnets art déco. Cinq étages, quarante chambres, dont beaucoup occupées par des travailleurs à l’année, venus pour la plupart d’Afrique du Nord à partir des années 1970. Parfois sans titre de séjour, souvent sans le réseau et les garanties nécessaires pour se loger autrement, la chambre à l’hôtel des Trois Frères est devenue pour plusieurs d’entre eux une adresse défi