Dans un entretien à l’agence publique RIA Novosti, publié dimanche 9 novembre sur le site du ministère russe des Affaires étrangères, Sergei Lavrov a démenti les rumeurs l’écartant de la faveur de M. Vladimir Poutine et réaffirmé sa disponibilité à rencontrer le secrétaire d’État américain Marco Rubio « pour parler de l’Ukraine et d’autres sujets bilatéraux » et qu’ils étaient conscients de l’importance d’une communication régulière.
M. Lavrov toujours le confident de Poutine ?
La déclaration de Sergueï Lavrov intervient alors que plusieurs médias internationaux et un canal Telegram russe ont affirmé ces derniers jours qu’il serait tombé en disgrâce auprès de M. Poutine. Le Financial Times avait fait état d’un refroidissement de leurs relations dans un article le 31 octobre, citant des sources anonymes. La rumeur évoquée dans le quotidien britannique, relayée par de nombreux organes de presse, a conduit Moscou à réagir. Le porte‑parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a qualifié le 7 novembre ces allégations de « fausses » et ajouté : « Indéniablement, M. Lavrov exerce ses fonctions de ministre des Affaires étrangères. Bien sûr. »
Sergueï Lavrov tenu responsable de l’annulation d’un sommet ?
Le 20 octobre, M. Lavrov et M. Rubio s’étaient entretenus par téléphone pour préparer un sommet entre leurs présidents, prévu à Budapest. Deux jours plus tard, le président américain Donald Trump a annulé la rencontre et annoncé des sanctions contre l’industrie pétrolière russe.
Selon certains comptes rendus, M. Lavrov n’aurait pas participé en tant que membre permanent à une réunion du Conseil de sécurité russe. Le Moscow Times, publié à Amsterdam, a rapporté le 7 novembre que M. Lavrov ne dirigerait pas non plus la délégation russe au prochain sommet du G20 en Afrique du Sud, tâche attribuée à M. Maxim Oreschkin, adjoint du chef de l’administration présidentielle. Certains médias en ont conclu que M. Poutine aurait écarté son chef de la diplomatie.
Ces rumeurs ont été alimentées en Russie même. Le canal Telegram « Nezygar », considéré comme proche du pouvoir et suivi par 400.000 abonnés, a cité des sources anonymes du Kremlin selon lesquelles M. Poutine aurait eu un « entretien sérieux » avec M. Lavrov après son appel avec M. Rubio. Sergueï « Lavrov n’aurait pas été préparé à cet entretien et l’aurait mené dans une atmosphère extrêmement tendue, refusant de discuter de quoi que ce soit avec le ministre [américain] », a rapporté « Nezygar », estimant que M. Lavrov aurait suivi les directives du Kremlin « trop à la lettre ».
Les éclaircissements de Sergueï Lavrov
Indépendamment de la véracité de ces déclarations et des spéculations relayées par de nombreux médias, il n’en demeure pas moins que les rumeurs peuvent influencer la politique. Il convient d’en tenir compte, surtout lorsqu’une réponse officielle est apportée, a souligné M. Lavrov. « Nous restons en contact par téléphone et sommes prêts à nous rencontrer en personne si nécessaire », a déclaré le ministre russe à RIA Novosti le 9 novembre, au sujet de ses relations avec le secrétaire d’État américain Rubio.
Interrogé sur le calendrier et le lieu d’un éventuel rendez‑vous et sur la possibilité d’une rencontre avec M. Marco Rubio, il a estimé : « Il existe en effet de nombreux points de friction dans les relations russo‑américaines, la plupart hérités de l’administration précédente. Il faudra du temps pour résoudre ces questions. » Depuis l’arrivée au pouvoir de la présidence de M. Trump, la Russie aurait toutefois « constaté une certaine volonté de reprendre le dialogue », qui « est en cours, même si ce n’est pas aussi rapide que nous le souhaiterions », a‑t‑il déploré.
Position sur l’influence européenne auprès des États‑Unis
Sur l’avancement des négociations en vue d’une solution de paix pour l’Ukraine, M. Lavrov a déclaré que, lors du sommet entre M. Poutine et M. Trump le 15 août à Anchorage, les États‑Unis se seraient engagés à faire en sorte que « [M. Volodymyr] Zelensky ne bloque pas les efforts de paix ».
Il a toutefois accusé l’Union européenne et le gouvernement britannique de tenter de persuader Washington d’abandonner l’option politique et diplomatique au profit d’un renforcement de la pression militaire contre la Russie, qualifiant cela d’adhésion définitive à la « partie belligérante ». La Russie attendrait « à présent une confirmation des États‑Unis que les accords d’Anchorage restent valides », a‑t‑il déclaré.
Interrogé sur la réaction russe si des avoirs gelés en Occident étaient utilisés pour financer l’Ukraine, M. Lavrov a répondu avec virulence : « Il n’est plus surprenant de voir avec quel cynisme la Commission européenne interprète la Charte des Nations unies et d’autres normes du droit international, y compris les dispositions relatives à l’immunité souveraine et à l’inviolabilité des avoirs des banques centrales. De telles actions équivalent […] à un vol. » Il a toutefois indiqué espérer que « Bruxelles et d’autres capitales occidentales reviennent à la raison et abandonnent ce projet inconsidéré ».
Prolongation du traité de désarmement START
M. Poutine a annoncé que la Russie était prête à respecter, dès février 2026, le traité russo‑américain de limitation des armes nucléaires START pour une année supplémentaire. M. Lavrov a précisé : « La seule chose requise est la réciprocité de la part des États‑Unis. Nous respecterons volontairement les limitations, mais seulement si et tant que l’autre partie en fait de même. » À ce jour, « il n’y a eu aucune réaction substantielle de Washington », a‑t‑il ajouté, se déclarant convaincu que cette démarche servait « les intérêts des deux parties et de la communauté internationale » et exprimant son espoir d’un résultat positif.