La guerre avait débuté six mois auparavant. Les combats, déjà, faisaient rage entre l’Ukraine et la Russie. Le 26 septembre 2022, le gazoduc russe NordStream 2 a été saboté, occasionnant de très grandes fuites de gaz et des émissions de CO2 équivalentes à celles du Danemark sur une année entière. Depuis plus de trois ans, des enquêteurs allemands, basés à Potsdam, tentent de comprendre qui est derrière ce sabotage. Ils sont parvenus à la conclusion qu’il s’agissait d’une action ukrainienne. Et cela pourrait remettre en question l’aide apportée à Kiev par l’Europe, rapporte le Wall Street Journal.

Les enquêteurs ont identifié deux suspects potentiels. Tous deux sont Ukrainiens. L’un est actuellement en Pologne, l’autre en Italie. Pour le moment, les deux pays ont refusé de les extrader vers l’Allemagne pour entamer des procédures judiciaires. En Pologne, le suspect est protégé par le pouvoir. Le Premier ministre Donald Tusk a fait savoir qu’il était contre les investigations autour du sabotage. Le problème, dit-il, n’est pas que le gazoduc ait été détruit, « le problème c’est qu’il ait été construit ».

Un sabotage qui a entraîné une crise en Europe

Si l’Allemagne est particulièrement engagée dans cette enquête, c’est parce que NordStream 2 lui permettait d’acquérir une large partie de son gaz naturel avant 2022. Avec ses quelque 1 220 kilomètres de tuyaux sous la mer Baltique, le gazoduc fournissait une grande partie de l’Europe en énergie, Berlin en premier lieu. Dès l’invasion de l’Ukraine par la Russie, en février 2022, l’Union européenne s’est interrogée sur la place à laisser à ce gazoduc et au pouvoir qu’il conférait à Moscou. Le sabotage de septembre 2022 a clos le débat.

Lors du sabotage, quelques voix se sont élevées pour accuser la Russie. Le Kremlin, lui, a pointé du doigt les États-Unis et le Royaume-Uni. Mais l’enquête allemande semble laisser peu de doutes sur les véritables responsables. Pour les inspecteurs, une unité d’élite ukrainienne, alors dirigée par le commandant général Valeriy Zaluzhniy, est derrière le sabotage.

Comment les Allemands vont-ils accueillir les résultats de l’enquête ?

Pour remonter sur la piste des saboteurs présumés, les enquêteurs allemands ont traqué les plaques d’immatriculation des bateaux utilisés lors de l’attaque et, grâce à des logiciels de reconnaissance faciale, réussi à retrouver certains plongeurs. L’un d’eux, lorsque les Allemands se sont fait trop proches de la vérité, a été conduit en Pologne. Il y est encore aujourd’hui.

Quant au chef de l’opération, selon l’enquête, il a été traqué pendant de nombreux mois – les policiers ne connaissaient que son visage mais pas son vrai nom – avant d’être reconnu par la police aux frontières et d’être arrêté en Italie, alors qu’il était en vacances avec sa femme.

Cet homme, Serhii K., 46 ans, qui clame son innocence, doit passer devant un tribunal italien en décembre, qui décidera ou non de son extradition vers l’Allemagne. Si elle est accordée, cela aura peut-être des répercussions sur le niveau d’acceptation de la population allemande autour de l’aide à l’Ukraine. Berlin est aujourd’hui le plus gros contributeur européen à cette aide. S’il s’avérait que le sabotage de NordStream 2, qui a entraîné une crise énergétique en Allemagne, a été commandité par Kiev, la pilule pourrait avoir du mal à passer.