Retour sur une soirée d’échanges antimilitaristes

Vendredi 7 novembre, à quelques jours des commémorations la fin de la guerre des tranchées, une soirée antimilitariste avait lieu à Nantes. Le programme était à la fois simple et ambitieux : comment reconstruire un mouvement contre la guerre, alors que le bruit des canons et des bottes se fait entendre partout ?

Malgré la météo tempétueuse de ce long week-end de novembre, plusieurs dizaines de personnes étaient au rendez-vous pour écouter les interventions et échanger. Après une introduction rappelant la course à l’armement mondiale en cours, les agressions impérialistes et la montée en puissance de discours va-t-en guerre en France comme dans de nombreux pays, les intervenants ont traité la question antimilitariste depuis plusieurs perspectives.

Xavier, militant libertaire, a raconté comment il avait refusé le service militaire obligatoire à la fin des années 1970, et assumé une position «d’insoumission totale» vis-à-vis de l’armée. Après une série de rituels d’intimidation au sein de l’institution, il a été jugé devant un TPFA – acronyme de tribunaux permanents des forces armées, une justice militaire chargée de réprimer les déserteurs et les réfractaires, mais aussi utilisés pendant les guerres coloniales. Xavier a été emprisonné, et a entamé une grève de la faim derrière les barreaux, suscitant une large mobilisation de soutien à l’extérieur. Relâché une première fois pour raisons de santé, il a continué à affirmer publiquement son refus du service, et a été ré-emprisonné au début des années 1980 pour purger sa peine. Libéré après les élections de 1981, son engagement, et plus largement le mouvement d’insoumission de l’époque, a permis l’abolition des TPFA et, bien plus tard, du service militaire.

Pierre Douillard-Lefevre, auteur du manuel antimilitariste «Maudite soit la guerre», a proposé une histoire des combats contre l’armée, qui sont aussi anciens que le syndicalisme et les luttes sociales et internationalistes. Il a décrypté l’offensive médiatique et politique en cours : alors que les discours militaristes font leur grand retour, ceux qui s’y opposent n’ont jamais été aussi isolés. Dans les partis de gauche et d’extrême gauche, l’antimilitarisme s’est effacé alors même qu’il est vital de le faire exister dans le débat public. Mais un front contre la guerre se reconstitue, comme en témoigne cette soirée…

Alex, de l’association Survie, a livré un exposé sur la Françafrique à travers une série d’exemples concrets. Il a détaillé les différentes opérations néocoloniales menées par l’armée française en Afrique, sa complicité dans le génocide au Rwanda, mais aussi les partenariats policiers et militaires tissés entre la France et ses anciennes colonies. Avec des chiffres et des exemples précis, il a rappelé que les massacres commis actuellement au Soudan sont permis par l’exportation d’armement français aux Émirats Arabes Unis, pays alliés de la France et grand acheteur d’arme, lui-même fournisseur d’engins de mort aux milices qui commettent des crimes au Soudan. Il a également souligné à quel point il était important de mettre en lumière les chaînes de ventes d’armes et les institutions qui les autorisent : faire connaître cette vérité est déjà un pas important de la lutte, craint par les puissants, comme en témoignent les poursuites contre les journalistes qui enquêtent sur les ventes d’armes.

Enfin, Loïc de Stop Arming Israël a rappelé l’histoire de son organisation : au début du génocide à Gaza, les syndicats palestiniens ont appelé les syndicalistes du monde entier à empêcher l’acheminement d’armes vers Israël. C’est ainsi que Stop Arming Israël s’est créé, produisant un travail impressionnant pour cartographier les usines françaises qui vendent des armes à Israël, sillonnant la France pour distribuer des tracts aux employés de ces entreprises afin de les appeler à désobéir, et soutenant les différentes luttes pour bloquer l’envoi d’armes depuis la France. Le blocage d’une usine de composants électronique à Grenoble, les actions de dockers à Marseille ou une manifestation à l’aéroport de Roissy contre l’envoi d’armes font écho à ce travail mené depuis 2 ans.

Après ces interventions, un débat s’est engagé avec la salle, autour des notions de pacifisme et d’antimilitarisme – qui sont deux idées distinctes : refuser le militarisme ne signifie pas de soutenir quoiqu’il en coûte une «paix» abstraite entre dominants et dominés. Il a été question de la création d’une émission de radio antimilitariste à Nantes, il y a eu le témoignage d’un ancien soldat déserteur, on a parlé de l’offensive de l’armée dans les écoles pour endoctriner les enfants, du rapport de la gauche à l’armée, et d’autres sujets passionnants.

Ces échanges denses se sont conclus par un appel à constituer une Assemblée de Guerre à la guerre dans le grand ouest. Une première liste de personnes intéressées a été constituée.

Guerre à la guerre est une coalition d’une vingtaine d’organisations antiracistes, anticolonialistes et révolutionnaires, née en 2024 pour lutter contre le militarisme, l’économie de guerre et les ventes d’armes. Elle a mené une première action contre le salon de l’armement du Bourget en juin dernier. Cette réunion réussie du 7 novembre à Nantes est l’occasion de lancer une antenne locale de cette coalition, ouverte à toutes et tous.

Pour recevoir des informations sur Guerre à la guerre dans l’ouest de la France et rejoindre la dynamique, vous pouvez écrire à cette adresse : guerrealaguerre.ouest@protonmail.com