Par
Jean-Marc Aubert
Publié le
11 nov. 2025 à 17h22
; mis à jour le 11 nov. 2025 à 17h26
La chambre régionale des comptes -CRC- Occitanie a évalué la politique de tarification sociale de la restauration scolaire de la commune de Montpellier entre septembre 2019 et juin 2024. Il s’agit de la deuxième évaluation de politique publique conduite par la chambre Occitanie et de la première menée sur ce domaine d’action publique locale.
L’évaluation des politiques publiques locales est une nouvelle compétence des chambres régionales et territoriales des comptes depuis le 1er janvier 2023. Elle a pour objectif d’analyser l’efficacité, l’efficience, la pertinence d’un dispositif ou d’une politique publique locale. Il s’agit d’une démarche partenariale associant l’organisme évalué, des usagers, des partenaires et des experts.
Un rapport de 60 pages
Que dit ce rapport définitif de 60 pages ? « Le service public facultatif mais essentiel, la restauration scolaire constitue un enjeu majeur pour la commune de Montpellier, marquée par un taux de pauvreté de 28 %. Les 88 restaurants scolaires des écoles maternelles et élémentaires publiques bénéficient d’un budget annuel d’environ 20 M€. Sur l’année scolaire 2023-2024, 1,8 million de repas ont été servis à 18 000 enfants, soit 12 800 repas quotidiens en moyenne. Entre 2021-2022 et 2023- 2024, le nombre de repas consommés par enfant a augmenté de 14 %, passant de 87 à 100 repas annuels », indique la CRC.
Le rapport souligne que, « la ville facture en moyenne 2,50 € par repas aux familles. Les dépenses de restauration scolaire ont connu une progression substantielle sur la période évaluée, liée notamment à l’inflation sur les denrées alimentaires, à l’externalisation de la livraison des repas et au développement des produits biologiques. La ville a choisi de ne pas répercuter l’intégralité de cette hausse sur la facturation aux familles ; la plus grande partie du coût (près de 85 %) est prise en charge par le budget communal ».
La CRC ajoute que, « à travers les réformes tarifaires successives, notamment la création d’un tarif forfaitaire à 50 cts en 2020 (qui bénéficie à environ 2 500 enfants) et la refonte de la grille tarifaire en 2023, la commune s’est fixée un double objectif quantitatif et qualitatif : augmenter la fréquentation de la restauration scolaire et permettre une redistribution plus équitable entre les différentes catégories de familles. Le coût de ces réformes demeure modeste : environ 324 000 € par an, soit 0,18 € par repas ».
Vidéos : en ce moment sur ActuDisparités entre familles modestes
Dans le rapport, on peut lire également que, « la part d’élèves fréquentant la cantine a augmenté de cinq points sur cette période, passant de 80 % à 85 % des effectifs scolarisés, mais les modèles statistiques mobilisés ne permettent pas d’établir une corrélation directe entre les réformes tarifaires et cette hausse globale de fréquentation. Si l’effet redistributif est réel, des disparités persistent entre familles modestes. La réforme tarifaire de janvier 2023 a opéré une redistribution significative entre les différentes catégories de familles. Les six premiers déciles de revenus ont connu une diminution de 10 % du tarif moyen facturé, tandis que les deux déciles supérieurs ont supporté une hausse de 10 % à 20 %. Désormais, 58 % des enfants fréquentant la cantine bénéficient d’un tarif inférieur ou égal à 2 €, contre 46 % en 2019, soit une progression de 12 points ».
De fortes disparités de taux d’effort subsistent entre familles modestes : le prix de la cantine pèse trois fois plus dans le budget d’un couple bénéficiaire du RSA que dans celui d’un parent isolé au RSA, ce dernier bénéficiant du tarif forfaitaire à 50 centimes.
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Des impayés persistants malgré la tarification sociale
Le taux d’impayés demeure stable et significatif, représentant en moyenne 25 % des produits facturés, soit 1,2 M€ concernant environ 7 600 familles. « Cette persistance démontre que la tarification sociale, bien qu’améliorant l’accessibilité, ne résout pas les problèmes structurels de solvabilité », observe la CRC.
Face à ces constats, la chambre régionale des comptes Occitanie formule plusieurs préconisations visant à renforcer l’équité de la tarification, notamment par l’élargissement du tarif forfaitaire à l’ensemble des couples bénéficiaires du RSA, à fiabiliser le pilotage financier du service par la mise en place d’une comptabilité analytique, et à engager des actions de réduction des impayés.
Si les effets directs et immédiats des réformes tarifaires sur la fréquentation restent difficiles à isoler, la chambre conclut que la démarche redistributive engagée par Montpellier contribue néanmoins à une meilleure prise en compte des situations de précarité, même si des marges de progrès demeurent en matière d’équité entre familles modestes. La chambre invite la ville à fiabiliser les coûts de la politique publique de restauration scolaire.
Michaël Delafosse : « Trois piliers »
« La Ville de Montpellier se félicite que le rapport reconnaisse l’effet redistributif réel de la réforme engagée en janvier 2023. En effet, comme le souligne la Chambre, une baisse notable du coût du repas pour les familles les plus modestes a bien été constatée. Elle remercie également la Chambre de relever que la Ville n’a pas répercuté l’inflation sur la hausse des tarifs de la restauration scolaire. Cette évolution confirme la pertinence du cap suivi : faire de la restauration scolaire un levier actif de justice sociale, d’accès aux droits et d’égalité des chances », commente Michaël Delafosse, maire de Montpellier et président de la Métropole.
Il précise que « depuis plusieurs années, Montpellier a fait le choix d’une politique volontariste en matière de restauration scolaire, articulée autour de trois piliers :
L’équité tarifaire, avec la mise en place d’une tarification sociale plus progressive, fondée sur le quotient familial et intégrant des critères de solidarité, notamment pour les familles monoparentales et/ou en situation de handicap.
L’accessibilité effective, avec la simplification des démarches administratives, l’accompagnement individualisé des familles et le développement d’une communication ciblée vers les publics fragiles.
La qualité de l’alimentation, grâce à un engagement renforcé en faveur du bio, du local, du fait maison et de la lutte contre le gaspillage, dans une logique de santé et d’éducation au goût.
La réforme tarifaire intervenue en janvier 2023 s’inscrit pleinement dans cette dynamique. Elle poursuit un double objectif de corriger les inégalités en ajustant l’effort demandé aux familles en fonction de leur quotient familial et de maintenir un niveau global de recettes garantissant l’équilibre financier du service, sans compromis sur sa qualité ».
Massivement favorable aux familles
Pour Michaël Delafosse, « la réforme tarifaire est confirmée comme massivement favorable aux familles. La Ville de Montpellier remercie la CRC pour son analyse sur les impacts de la réforme tarifaire pour les familles. Elle prend acte que, selon la méthode de calcul retenue par la CRC, 60 % des familles bénéficient d’une baisse de tarif, après exclusion des repas facturés à 0,50 €. La Ville rappelle que sa propre analyse, fondée sur l’ensemble des situations des usagers, aboutit à un chiffre de 67 % de familles concernées par une baisse ou une stagnation des tarifs. Dans le contexte actuel d’inflation généralisée, une stagnation équivaut en pratique à une baisse, puisqu’elle préserve le pouvoir d’achat des familles face à l’augmentation des coûts. Ainsi, quelle que soit la méthode de calcul retenue, la réforme tarifaire conduite par la Ville s’avère massivement favorable aux familles et traduit une volonté forte de justice sociale ».
Le maire remercie la Chambre « d’avoir rappelé l’importance de développer des leviers non tarifaires pour favoriser l’accessibilité à la restauration scolaire. Elle souligne que cette démarche est déjà pleinement engagée. Aux côtés de la réforme tarifaire fondée sur le taux d’effort, la collectivité a mis en place des actions complémentaires visant à simplifier l’accès au service : démarches en ligne, guichet unique et en mairies de proximité, encaissements facilités, accompagner les familles par une information renforcée et une réponse personnalisée, mettre à disposition un simulateur de tarif en ligne, afin que chaque usager puisse anticiper le coût de la cantine selon sa situation familiale, améliorer la qualité des repas avec une attention particulière portée aux approvisionnements locaux et aux enjeux nutritionnels et valoriser la dimension éducative et sociale du temps de repas, qui constitue un moment essentiel de la vie scolaire.
Selon le maire, « la hausse de fréquentation observée depuis la réforme tarifaire s’explique ainsi non seulement par une politique de tarification plus équitable, mais également par l’effort constant d’amélioration de la qualité des repas, qui répond aux attentes des familles et renforce l’attractivité du service ».
Michaël Delafosse précise que « l’internalisation totale de la production a été pleinement réalisée dès la rentrée de septembre 2025. Cette étape marque une avancée majeure pour garantir la qualité, la traçabilité et la maîtrise des coûts de la restauration scolaire et préfigure la cité de l’alimentation. Par ailleurs, si le guichet unique physique est effectivement situé à l’Hôtel de Ville, il convient de rappeler que les mairies de proximité offrent également un accueil et des services aux familles, contribuant à un maillage territorial plus large. Ces évolutions témoignent de la volonté de la Ville de consolider une organisation modernisée, accessible et au service de toutes les familles ».
Michaël Delafosse évoque enfin « l’évolution majeure intervenue dans la construction tarifaire. L’abandon du système à sept tranches fixes au profit d’un taux d’effort calculé en fonction du quotient familial (QF) permet désormais à chaque famille de bénéficier d’un tarif individualisé, progressif et sans effet de seuil ».
> LIRE : le rapport intégral de la CRC est ici
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