Par

Brian Le Goff

Publié le

11 nov. 2025 à 16h56

Écouteurs sans fil aux oreilles, sac à dos sur les épaules et caissettes de légumes en main, nous rencontrons Romain Joly un lundi matin dans la cuisine de son restaurant. « Là, c’est exceptionnel. Le week-end a été intense et je ne me fais livrer que demain par mon maraîcher et j’irai au marché mercredi. Il fallait un peu de réassort pour tenir les deux prochains services », explique le chef, qui a commencé sa journée à 6h. « Il faut arriver tôt pour prémâcher tout le travail », ajoute-t-il immédiatement. Ancien photographe de presse, il est aujourd’hui à la tête d’Origines, la table installée au cœur de l’Hôtel-Dieu à Rennes, en pleine réhabilitation. Sa passion pour la cuisine s’accompagne de valeurs fortes et d’un engagement pour le collectif.

« Hors de question d’acheter de la merde »

À peine quelques mots échangés, Romain Joly enfile sa tenue de travail et file vers le labo pâtisserie pour mettre au four les cookies et roulés à la cannelle proposés aux clients du coffee-shop attenant à la salle d’escalade The Roof, partie prenante du lieu hybride avec Origines. « Avec Maud et Sarah, on prépare les pâtisseries deux ou trois heures par semaine. Tout est fait en avance, conservé au froid et cuit au four pour rester frais chaque jour », détaille-t-il.


Dans le labo dédié de la cuisine, Romain Joly prépare aussi les pâtisseries du coffee-shop. (© Brian Le Goff / actu Rennes)

Et il veille au grain pour que le résultat soit à la hauteur. (© Brian Le Goff / actu Rennes)

Du restaurant au coffee-shop, en passant par le service traiteur, il supervise chaque détail : « On organise des cocktails et buffets pour des groupes, que ce soit un pot de thèse ou un rendez-vous professionnel, avec la même qualité que dans le restaurant. »

Il est hors de question d’acheter de la merde (sic.), que ce soit pour les clients du restaurant ou ceux d’un cocktail.

Romain Joly
Chef cuisinier du restaurant Origines

Pour le chef, connaître l’origine de chaque ingrédient est essentiel, et autant que possible, ceux qui les cultivent localement. « Il y a seulement deux choses que l’on n’achète pas auprès de notre soixantaine de producteurs locaux. Ce sont les agrumes et le cacao. Pour le cacao, on s’est posé la question de continuer à en utiliser. Après, on a aussi envie de cette gastronomie bistrotière voyageuse. » Pour le gingembre frais, il a trouvé un producteur à Goven ; la citronnelle vient d’un autre producteur « à une vingtaine de bornes » (sic.) de Rennes.

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« Que ce soit sain, bon, accessible et inclusif »

Romain Joly tient à ce que l’enveloppe des achats de denrées soit réintroduite dans une économie locale et durable. Il y consacre 25 % du chiffre d’affaires. « Chaque mois, ça représente 30 à 40 factures à gérer, contre quelques-unes si on se fournissait auprès de grossistes. »

On ne fait pas le choix de la simplicité, mais de valeurs fortes que nous essayons de porter : que ce soit sain, bon, accessible et inclusif ! Quand je commande une demi-carcasse de viande, je sais que la vache vit à Saint-Aubin-du-Cormier et je connais ses conditions de vie.

Romain Joly
Chef cuisinier d’Origines

Cet engagement nécessite aussi d’acquérir des savoirs. Le chef comme toute l’équipe qui l’épaule ont donc appris souvent sur le tas, « en remettant le savoir-faire au centre de [leur] métier ». Quant à la mention « fait maison » sur la carte, il a choisi de l’abandonner. « Ça ne veut plus rien dire. Avec notre cuisine ouverte, les clients voient nos préparations, il n’y a pas de doute. »

« Quand je suis venu à Rennes, j’ai tout de suite aimé l’énergie qu’il y avait »

En ce début du mois d’octobre, le chef cesse difficilement de parler de son métier. C’est un domaine qui l’anime, mais qu’il n’a pas choisi dès le départ. « Dans ma famille, il y avait beaucoup de photos et de cuisine. » Il s’est ainsi dirigé d’abord vers la photo pour occuper son quotidien : « Mes parents avaient un super boîtier. »

Après un bac sciences économiques et sociales, un bac pro photo, puis un BTS photo, Romain Joly a suivi un DUT Infocom à l’IUT de Lannion. En 2004, avec plusieurs amis, il fonde Scrib, maison d’édition du Mensuel du Golfe du Morbihan. En 2009, ils créent Le Mensuel de Rennes. « Quand je suis venu à Rennes, j’ai eu un coup de cœur. J’ai tout de suite aimé l’énergie qu’il y avait. »

Dès 2005, le rêve du restaurant

Même si la photographie a d’abord occupé ses journées, l’envie de créer et d’accueillir a toujours été présente : déjà en 2005, il imaginait ouvrir son propre restaurant. « Je me souviens avoir dit à mes collègues lors d’un repas : un jour, j’aurai le mien. »

Accueillir et faire quelque chose de mes mains m’importait beaucoup. Quand on présente la carte à l’équipe de la salle et qu’elle nous dit qu’elle va venir manger cette semaine, on se dit que l’on a gagné. Ce sont elles les traductrices de ce que nous faisons en cuisine pour les clients. Elles sont donc essentielles.

Romain Joly
Chef cuisinier du restaurant Origines

La convivialité est au cœur de sa façon de travailler. « À un moment donné, je me suis rendu compte que j’aimais être entouré de gens qui ont les bonnes compétences et sont prêts à continuer d’apprendre. »

Arsouille, la Cantine des Ateliers du vent, Origines…

C’est donc en 2014 que le Rennais d’adoption fait le grand saut. « J’ai adoré travailler avec mes potes de promo. Ils m’ont laissé l’opportunité de partir dans de bonnes conditions aussi. » Il obtient un certificat de qualification professionnelle en cuisine à la Faculté des métiers de Ker Lann et est passé par le bistrot Arsouille et la cantine des Ateliers du vent.

Quelques années plus tard, Romain Joly rencontre « Manu » et « Oliv » qui portaient le projet d’un lieu éphémère au sein de l’ancien Hôtel-Dieu avant qu’il n’entame sa mue. « On a ouvert en septembre 2019, six mois avant le premier confinement. » Initialement prévu pour trois ans, ça a duré cinq ans jusqu’à ce que The Roof-Origines ferme quelques mois pour rouvrir dans des locaux rénovés, toujours au sein de l’Hôtel-Dieu, en juin dernier.

Depuis, Romain Joly et son équipe ont possession de leur nouvel écrin. Une adresse avec les fourneaux ouverts sur la salle, « qui correspond en tout point avec les envies » de gastronomie de l’équipe. Les clients peuvent s’attabler au bar et discuter avec les cuisiniers. « Si je prépare une recette que ces clients n’ont pas commandée, je peux leur faire goûter. C’est ce lien direct que je recherche. »

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