« Je suis entrée dans cette entreprise pleine d’enthousiasme, avec l’envie de contribuer à un projet qui semblait innovant. Dix-huit mois plus tard, je suis en arrêt maladie, sous antidépresseurs, et je ne sais même plus qui je suis.«  Ces mots, prononcés d’une voix tremblante, sont ceux d’Émilie*, 32 ans, ex-cadre dans une entreprise marseillaise spécialisée dans les technologies vertes. Son récit, recueilli en exclusivité, met en lumière un fléau encore trop souvent tu : le management toxique, cette violence insidieuse qui ronge les salariés de l’intérieur.

Émilie est embauchée en janvier 2023 comme responsable marketing. L’entreprise, qui compte une centaine de collaborateurs, affiche une culture « jeune et dynamique ». Open space lumineux, baby-foot, afterworks… l’image est flatteuse. Mais derrière la façade, la réalité est tout autre.

« Dès le troisième mois, mon manager a commencé à me mettre la pression. Il fixait des objectifs irréalistes, changeait les priorités toutes les semaines sans explication. Si je posais une question, c’était perçu comme une faiblesse. » Les réunions deviennent des arènes : critiques publiques « toute en subtilité », remarques sarcastiques, comparaisons humiliantes avec les collègues. « Il disait devant tout le monde : « Émilie, tu es lente, tu freines l’équipe. Je rentrais chez moi en pleurs. La vie à la maison était devenue insupportable. »

Rapidement, Émilie est submergée. 55 heures par semaine, mails à 23 h, week-ends sacrifiés. « J’ai demandé de l’aide, on m’a répondu : C’est comme ça ici, si tu n’aimes pas, la porte est ouverte. » Son manager, décrit comme charismatique en externe, instaure un climat de peur. « Il isolait les salariés les uns des autres. Si quelqu’un prenait ma défense, il était la cible suivante. »

Les conséquences sur sa santé sont immédiates : insomnies, crises d’angoisse, burn-out diagnostiqué en septembre 2024. « J’ai perdu 8 kilos en trois mois. Mon médecin m’a arrêtée net.« 

Émilie alerte la DRH à plusieurs reprises. Réponse : un simple « On va en parler avec lui ». Rien ne change. « La direction savait. Plusieurs collègues étaient dans le même état. Mais l’entreprise était en levée de fonds, il ne fallait pas faire de vagues. »

Aujourd’hui, Émilie a quitté l’entreprise. Elle suit une thérapie et envisage une reconversion dans le yoga. « Je veux que mon histoire serve. Ce n’est pas une fatalité. Les entreprises doivent former leurs managers, mettre en place des alertes anonymes, sanctionner les comportements toxiques. »

*) Le prénom a été modifié