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Contacté par Cyclism’Actu, Alex Carera a détaillé ses propositions pour rééquilibrer le paysage du cyclisme mondial : « Oui. Si la base se fragilise, tout s’effondre. La base du cyclisme professionnel, ce sont les ProTeams. S’il n’en reste que cinq demain, alors il deviendra presque impossible de voir de nouvelles équipes émerger et atteindre le WorldTour un jour. C’est mathématique. Donc dire que c’est “contre UAE” est ridicule. Gagner le Tour de France, l’UAE Tour, Paris-Roubaix, les Mondiaux… c’est essentiel pour une grande équipe. Le nombre total de victoires ne change rien à cela. Le problème, c’est que les grandes équipes prennent aussi les petites courses que les ProTeams devraient pouvoir gagner. Cela nuit à la diversité du cyclisme. »
« On se retrouve avec 5 équipes qui gagnent 250 courses par saison… »
Tu as publié un message sur tes réseaux. Tu y évoques l’avenir du cyclisme. Pourquoi ? Tu es inquiet ?
Je voulais souligner quelque chose d’important. On voit aujourd’hui des équipes ProTeams comme Alpecin-Deceuninck ou Uno-X Mobility qui deviennent WorldTour, et c’est une bonne chose. Dans le futur, des équipes comme Tudor peuvent également monter. Mais pour cela, il faut offrir aux nouveaux sponsors un cadre clair, des garanties, et un calendrier cohérent. Aujourd’hui, une équipe qui débute peut trouver facilement un sponsor à 3, 4 ou 5 millions d’euros pour entrer en ProTeam. Si elle obtient ensuite des résultats, des invitations au Tour, au Giro, à la Vuelta ou à Paris-Roubaix, alors le sponsor peut envisager d’investir davantage. Mais pour cela, il faut que les ProTeams aient des perspectives réelles. Le problème, c’est que seul le calendrier WorldTour est clair. Les ProTeams avancent dans le flou. Il faut leur garantir un parcours sportif lisible, ainsi qu’une vraie possibilité de gagner.
Tu proposes donc de limiter la présence des grandes équipes dans les courses 1.1 et 2.1 ?
Exactement. Si les meilleures équipes du monde peuvent aligner leurs coureurs partout, elles remportent les plus grosses courses… et aussi les 30 autres de moindre niveau. Cela écrase l’écosystème. On se retrouve avec 5 équipes qui gagnent 250 courses par saison. Ce n’est pas sain. Je ne veux pas empêcher les ProTeams de courir Milan-Sanremo ou Paris-Roubaix via wild card. Je veux simplement qu’il y ait aussi des courses où elles peuvent gagner.
Concrètement, quel modèle proposes-tu ?
L’UCI a créé une ligue WorldTour. Elle doit maintenant créer une véritable ligue ProTeam avec son propre calendrier. Chaque équipe aurait ainsi le même nombre de jours de course, ce qui rendrait le classement beaucoup plus réaliste. Les sponsors auraient une vision claire de l’évolution de leur équipe et de leur visibilité. Les ProTeams n’affronteraient plus systématiquement les trois meilleures équipes du monde dans chaque course, ce qui augmenterait leurs chances de gagner et de progresser. Cela permettrait de renforcer l’équilibre du cyclisme professionnel, sans pénaliser les équipes déjà au sommet.
« Dire que c’est ‘contre UAE’ est ridicule »
Selon toi, si l’UCI ne change rien, l’avenir du cyclisme est en danger ?
Oui. Si la base se fragilise, tout s’effondre. La base du cyclisme professionnel, ce sont les ProTeams. S’il n’en reste que cinq demain, alors il deviendra presque impossible de voir de nouvelles équipes émerger et atteindre le WorldTour un jour. C’est mathématique.
Ce n’est donc pas une critique envers UAE Team Emirates ou les équipes dominantes ?
Bien sûr que non. Dire que c’est “contre UAE” est ridicule. Gagner le Tour de France, l’UAE Tour, Paris-Roubaix, les Mondiaux… c’est essentiel pour une grande équipe. Le nombre total de victoires ne change rien à cela. Le problème, c’est que les grandes équipes prennent aussi les petites courses que les ProTeams devraient pouvoir gagner. Cela nuit à la diversité du cyclisme.
Quand serait-il possible de mettre en place ce nouveau modèle ?
Pas en 2026, c’est trop tard. Mais 2027 doit être une année de changement. Il faut commencer à réfléchir maintenant.
Tu t’occupes de Tadej Pogacar. Pourquoi t’inquiéter pour les plus petites équipes ?
Parce que tous les meilleurs ont commencé petits. Pogacar aussi était néo-pro. Personne ne devient champion sans une structure qui permette de grandir. Et puis, personne n’est assuré de rester au sommet. Penser seulement à aujourd’hui est une erreur.
ITW – Bernaudeau : « Le cyclisme ne se résume pas à Pogacar, Evenepoel ou Seixas » #AllezTotalEnergies #Pogacar #Evenepoel #Seixas https://t.co/4Rlv3fjj4X
— Cyclism’Actu (@cyclismactu) November 11, 2025
« On critique ceux qui réussissent… »
Tous les coureurs dont tu t’occupes ont une équipe pour 2026 ?
Oui, sauf un. Il signera normalement dans la semaine.
Concernant Biniam Girmay, doit-on s’inquiéter ?
Non. Il est en Afrique, quand il reviendra en Italie vers le 20 novembre, il va signer son contrat. Son avenir est clair. Il existe beaucoup de rumeurs, mais il est sous contrat. Lorsque tout sera officialisé, je le dirai.
La fusion Intermarché–Lotto qui tarde, l’arrêt du projet Arkéa-B&B Hotels… ça t’inquiète ?
Oui, c’est une année difficile pour les formations WorldTour, car deux équipes se retirent de l’écosystème. Si Arkéa s’arrête, je ne pense pas que ce soit à cause des résultats, mais plutôt un problème entre le manager général (Emmanuel Hubert, ndlr) et son sponsor. Et si les autres équipes françaises restent, c’est bien la preuve que le cyclisme apporte de la visibilité. La vérité est peut-être différente que ce que le manager a dit à la presse… Même si j’espère que Hubert va poursuivre dans le monde du cyclisme, peut-être avec une plus petite équipe.
Tu es parfois critiqué dans le milieu. Cela t’affecte ?
Je sais très bien qu’on critique ceux qui réussissent. Ce n’est pas important. Si tu ne gagne rien, c’est sûr que tu es très sympathique. C’est normal. Mon rôle est de travailler pour les coureurs et pour le cyclisme et je suis content du travail que je fais.