Martin Parr (né en 1952) en bref

Photographe britannique contemporain, Martin Parr a le souci du détail. Connu pour ses photographies documentaires en grand format, très en couleurs, il capture les travers d’une société contemporaine malade de la surconsommation. Son regard curieux ressemble à celui d’un zoologiste observant une drôle d’espèces : les humains. Esthétiques, picturales, acerbes sans être cruelles, les photographies de Martin Parr, réalisées en série et généralement publiées sous forme de livres, sont à la fois pleines d’humour et d’observations critiques sur le monde contemporain.

Martin Parr, Autoportrait (détail), Benidorm, Espagne

Martin Parr, Autoportrait (détail), Benidorm, Espagne, 1997

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Martin Parr Collection • © Martin Parr / MAGNUM PHOTOS

Il a dit

« J’ai réalisé assez tôt que la controverse ne vous faisait pas de mal. »

La vie de Martin Parr en quelques datesUne vocation précoce

Né en 1952, Martin Parr grandit dans la banlieue londonienne. Ses parents sont issus de la petite bourgeoisie. Peu intéressé par les études, Martin Parr a rencontré très tôt sa vocation. Elle est probablement liée à son grand-père, George, amateur éclairé de photographie. Avec ses encouragements, Martin Parr réalise, à l’âge de 16 ans, sa première série consacrée à une boutique de fish and chips dans le Yorkshire. Le jeune Martin Parr est aussi un collectionneur passionné de photographies contemporaines.

Des débuts à Manchester

En 1970, Martin Parr intègre l’École polytechnique de Manchester. Il y étudie la photographie, un domaine artistique qui est un peu en sommeil à cette époque en Angleterre. Le jeune homme est fasciné par l’observation de la vie contemporaine et se familiarise avec l’histoire de la photographie. L’une de ses principales sources d’influence est le travail de l’Anglais Tony Ray-Jones dont les clichés mettent en scène le quotidien des Américains et Anglais, avec une certaine dose de cocasserie. Comme lui, Martin Parr veut se saisir du monde réel, banal, quotidien. À Manchester, ville industrielle, il choisit des sujets locaux en prise avec la sous-culture prolétarienne.

Passage par l’Irlande et premiers ouvrages

Diplômé, Martin Parr s’installe dans le Yorkshire. Il débute ses premières séries d’importance, centrées sur cette vie locale, encore traditionnelle mais marquée par la fin d’un certain mode de vie. Le photographe se saisit ainsi d’us et coutumes en passe de disparaître, comme les pratiques méthodistes. Son œil est toujours acéré, parfois ironique, mais jamais cruel. En 1980, Martin Parr et son épouse partent vivre en Irlande. En 1982, son premier ouvrage est publié sous le titre Bad Weather, un sujet à la fois terriblement banal et totalement présent dans la sociabilité britannique. Deux ans plus tard, paraît un deuxième livre : A Fair Day.

Couleurs et grand-angle

En 1982, Martin Parr s’installe à Liverpool. Il adopte la couleur, choix d’importance qui constitue un tournant dans son travail. Équipé d’un objectif grand angle, il élargit son regard et s’intéresse à l’émergence d’une culture et d’une économie de masse, puissamment capitalistes, sous le gouvernement de Margaret Thatcher. Ces bouleversements intéressent le photographe qui immortalise les comportements presque obscènes de la consommation populaire mais aussi les dérives de ce tournant sociétal. Son travail souligne les écarts grandissants entre les classes sociales. En 1987, Parr déménage à Bristol. En 1991, ses clichés sont présentés dans l’exposition « British Photography from the Thatcher Years » organisée au MoMA de New York.

Un succès mondial

Martin Parr collabore avec le réalisateur Nicholas Barker au début des années 1990. Il poursuit également son travail d’observation de la culture de masse et de la mondialisation en voyageant à travers l’Europe, puis le monde. Le temps des loisirs, et plus largement l’économie du tourisme, sont des thèmes récurrents dans son œuvre. Certains clichés témoignent d’une forme d’absurdité de la marche du monde. L’esthétique, ou l’inesthétique, alimentaire le passionne également car la nourriture, et la manière de la consommer, sont aussi des marqueurs sociaux. Plusieurs de ses ouvrages sont consacrés à cette thématique.

Les honneurs de Magnum et des Rencontres d’Arles

En 1994, malgré la contestation de certains photographes, Martin Parr rejoint l’agence française Magnum et poursuit son travail de photographie documentaire sociale. En 2004, le Britannique désormais adulé dans le monde entier est commissaire des Rencontres de la photographie d’Arles. Son travail est régulièrement présenté à l’international, en galeries comme dans des expositions muséales. En 2025, celui qui est aussi collectionneur compulsif (de livres de photographie mais aussi de souvenirs touristiques absurdes) fait l’objet d’un premier documentaire réalisé par Lee Shulman, « I am Martin Parr, le photographe so British » et publie sa première autobiographie, chez Michel Lafon, « Complètement paresseux et étourdi ».

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Ses œuvres clésNew Brighton. Extrait de « The Last Resort », 1983–1985

Martin Parr, New Brighton. Extrait de « The Last Resort »

Martin Parr, New Brighton. Extrait de « The Last Resort », 1983–1985

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© Martin Parr / Magnum Photos

Cette série a pour sujet une station balnéaire ouvrière située dans le Merseyside, au nord-ouest de l’Angleterre. Les images, toujours merveilleusement cadrées, nettes et percutantes, témoignent des loisirs de la classe moyenne et ouvrière anglaise dans un univers plus paupérisé et bétonné qu’idyllique. Davantage compatissant que cruel, l’œil de Martin Parr navigue entre objectivité et voyeurisme, capturant des vacanciers déjeunant ou se baignant parmi les déchets, se ruant sur la malbouffe, ou attendant simplement de passer le temps entre chiens et poussettes.

Extrait de « British Food », 1995

Martin Parr, Série « British Food »

Martin Parr, Série « British Food », 1995

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© Martin Parr / Magnum Photos

À l’aide d’un objectif macro, doté d’un flash, tel qu’on en utilise dans le milieu médical, Martin Parr examine dans cette série des aliments typiques de la culture alimentaires britannique contemporaine. Ses images ne sont pas sans susciter un certain haut-le-cœur, voire le dégoût. La nourriture semble dépouillée de ses attraits pour livrer ce qu’elle a de plus rebutant, de plus industrielle, de plus artificielle. Les images sont, ici, à l’opposé des photographies publicitaires qui mettent en valeur des denrées alléchantes et sublimées.

Extrait de la série « Life’s a Beach », 2012

Martin Parr, Série « Life’s a Beach »

Martin Parr, Série « Life’s a Beach », 2012

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© Martin Parr / Magnum Photos

Pour réaliser cette série au long cours, Martin Parr a sillonné les plages du monde entier. Elles sont, selon lui, un point d’observation intéressant sur les sociétés, les cultures, le rapport au temps. Le photographe témoigne abondamment du tourisme de masse et des absurdités qu’il engendre, à l’image de ces milliers de Japonais agglutinés sur une plage artificielle à l’intérieur du Ocean Dome, à Miyazaki. Cette photographie, prise en 1996, est sans doute l’un de ses plus célèbres clichés.

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