Sous pression du Parlement européen, Ursula von der Leyen a dû faire des concessions. La présidente de la Commission européenne a proposé lundi une série d’accommodements en faveur de l’agriculture, dans le cadre des négociations sur le projet de budget pluriannuel de l’Union européenne pour 2028-2034.
Concrètement, la cheffe des Vingt-Sept propose de « garantir le rôle des régions, renforcer l’identité de la politique agricole commune (PAC) et améliorer la gouvernance », a-t-elle déclaré sur le réseau social X. Elle se dit également favorable à ce qu’au moins 10 % des fonds gérés par les États membres soient fléchés vers le développement rural, détaille-t-elle dans une lettre datant de dimanche, consultée par le média Euractiv.
Un budget qui fait débat
Ce rétropédalage n’est pas vraiment une surprise. Des propositions de modification du projet de budget étaient en effet attendues depuis mercredi dernier, quand le commissaire européen au budget, Piotr Serafin, avait reconnu la nécessité de « réfléchir à des modifications juridiques » du texte, après une réunion avec les principaux eurodéputés, comme l’indiquait le média Politico.
Il faut dire que, depuis sa présentation en juillet, le projet de budget – colossale enveloppe de quelque 2 000 milliards d’euros fixant le cap des priorités politico-économiques du bloc européen – ne fait pas l’unanimité. Parmi les points de tension, la refonte de la PAC, le mécanisme qui sert notamment à verser des aides directes aux agriculteurs. Bruxelles veut l’intégrer à un grand fonds de « partenariat régional et national », où il serait fusionné avec des subventions agricoles et régionales. Le processus d’allocation de ces ressources serait en outre négocié entre la Commission européenne et les États membres, excluant de fait les régions et le Parlement européen.
De nombreux eurodéputés, mais aussi des agriculteurs et plusieurs pays, dont la France, y voient une réduction du budget de la PAC, sachant qu’il est déjà prévu qu’il soit réduit – passant de 387 milliards d’euros sur la période 2021-2027 à 300 milliards entre 2028 et 2034. Ils fustigent également la reprise en main d’une partie de ces fonds par les États.
Menace de rejet
Les eurodéputés de quatre groupes dits pro-européens se sont même lancés dans une campagne pour faire plier Bruxelles. Le Parti populaire européen (PPE) de centre-droit, le groupe de centre-gauche Socialistes et Démocrates (S&D), le groupe libéral Renew Europe et les Verts ont ainsi récemment menacé la Commission européenne de présenter une résolution rejetant la partie du budget relative à ce sujet controversé. « Cela bloquerait les négociations avec les gouvernements de l’UE, qui examinent actuellement la proposition de la Commission », prévenait la semaine dernière Euractiv.
Le temps presse pour Ursula von der Leyen : la plénière du Parlement européen débute ce mercredi 12 novembre. Ce geste suffira-t-il pour sauver son budget ? Difficile à dire pour l’heure. Ursula von der Leyen a en tout cas joué le tout pour le tout, rencontrant son homologue au Parlement ce lundi. À la sortie de cette réunion formelle, Roberta Metsola a salué une « discussion constructive » et un « pas en avant » de la dirigeante de l’exécutif européen.
Un avis que ne partage pas le think tank Farm Europe, qui regroupe plusieurs syndicats agricoles.. Ce groupe de réflexion a déploré des « concessions minimales » sans « aucune modification formelle ». « Cette suggestion ne résout en rien l’équation budgétaire pour les mesures fondamentales de la PAC », estime-t-il.
Von der Leyen lâchée par ses alliés
Si les débats et tensions politiques sont légion dans les périodes, comme actuellement, où un projet de budget est négocié, Ursula von der Leyen est cette fois mise en difficulté par les eurodéputés de son propre camp. La dirigeante est en effet issue du PPE, parti qui forme, avec S&D et Renew, la coalition qui la soutient.
Les eurodéputés s’affichent mécontents depuis la présentation du projet de budget en juillet, estimant avoir été tenus à l’écart de la conception du texte. Une fronde que la dirigeante de l’exécutif européen a tout intérêt à calmer, d’autres partis rêvant de la faire tomber – elle a échappé en octobre à deux motions de censure, à une large majorité cependant.
Ces trois premiers mois de négociations autour du budget donnent en tout cas un aperçu de ce que pourraient être les prochains. Une version finale du texte n’est pas attendue avant début 2027, ce qui laisse le temps à de nouveaux rebondissements.