Comment dire oui sans donner l’impression de se renier ? Le président de la République vient de le faire en trois mots lors d’un déplacement au Brésil. Personne n’est dupe pour autant. « Positif mais vigilant », a-t-il dit en évoquant l’accord commercial avec les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay).
Une annonce faite au Brésil et vécue comme un « affront » par Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, syndicat majoritaire chez les agriculteurs. Stéphane Gabais porte-parole de la Confédération parle de son côté d’une « trahison » . La Coordination rurale, troisième syndicat agricole, n’est guère plus tendre.
Le président de la République estime avoir obtenu suffisamment de garanties. C’est le cas des contrôles sanitaires. S’y ajoutent des contingents, moins de 1,5 % de la consommation de l’Union européenne sur les produits les plus sensibles : le bœuf, la volaille et le sucre. Sans oublier le respect des indications géographiques protégées.
La question n’est pas qu’agricole. Dans un contexte de guerre commerciale, l’Union européenne s’ouvre un marché de 270 millions d’habitants. L’Allemagne, en difficulté, a pesé de tout son poids au sein des institutions européennes pour mettre un terme à ces négociations. La France avait-elle le choix ? Paris n’a pas su en effet rallier à sa cause suffisamment de pays.
Derrière l’unanimité de façade, il y a d’ailleurs plus que des nuances au sein du monde agricole. Sans le dire trop haut pour ne pas rompre le front syndical, certaines filières se réjouissent de cet accord commercial. C’est le cas des vins et spiritueux, des industriels laitiers. Les chiffres de l’agroalimentaire plaident plutôt en faveur des accords commerciaux. En quinze ans, l’excédent agroalimentaire de l’Union européenne est passé de 10 à 70 milliards d’euros.
Défaut de compétitivité et rapports déséquilibrés
L’erreur serait de faire du Mercosur un bouc émissaire commode. Les difficultés de l’agriculture française résultent d’abord d’un défaut de compétitivité et de rapports déséquilibrés sur la chaîne alimentaire. Au sein même du marché commun, la France ne cesse de perdre des parts de marché. Et la vraie menace vient aujourd’hui d’une renationalisation des aides de la Politique agricole commune qui pourrait accentuer les distorsions de concurrence entre pays membres de l’Union européenne.
Il faudra surtout suivre de près les conséquences de cet accord sur le plan environnemental. La Commission met en avant l’exigence du respect de l’Accord de Paris et des engagements pris pour lutter contre la déforestation. Un point de vue qui ne réussit pas à convaincre certains experts.
L’histoire ne plaide pas en faveur du Brésil. Le développement massif de la culture de soja s’est fait depuis une trentaine d’années au détriment de la forêt amazonienne et de la biodiversité. Le modèle de l’agrobusiness en Argentine ou au Brésil est tout sauf vertueux et respectueux des communautés locales. On peut aussi s’interroger sur le fait que l’industrie chimique pourra continuer à exporter encore plus facilement des produits pourtant interdits sur le territoire de l’Union européenne.
Cet accord est tout sauf parfait. Il demande des améliorations. Mais l’Europe pouvait-elle pratiquer la politique de la chaise vide dans un contexte de guerre commerciale ? Faire ce choix l’aurait marginalisée un peu plus. Et permis de donner libre cours aux ambitions impériales de la Chine et des États-Unis.