Ce mercredi 12 novembre, une ultime audience devant la chambre commerciale du tribunal de Strasbourg avait à étudier les deux offres de reprise du sidérurgiste Novasco France. L’ex-site Ascométal Saint-Etienne dans le Marais, 37 salariés, est concerné. A la lecture des médias nationaux présents sur place et à la suite de notre échange avec un représentant du personnel stéphanois, il semble bien que l’offre de reprise la plus généreuse ne fasse pas le poids, condamnant les postes de trois des quatre sites. Soit de quatre salariés sur cinq dont ceux de Saint-Etienne… La décision sera rendue lundi.

Le site de Novasco, ex Ascométal Saint-Etienne dans le Marais. Capture Google Street View

Mais où sont passés ces 85 M€ ? Le fonds d’investissement britannique Greybull Capital avait repris – in extremis – en juillet 2024 l’entreprise sidérurgique Ascométal mise en vente par son propriétaire Swiss Steel, placée en redressement judiciaire fin mars 2024, et comptant plusieurs sites en France totalisant des centaines de collaborateurs : à Hagondange (Moselle) le principal, Custines (Meurthe-et-Moselle) et Saint-Etienne donc dans le quartier du Marais, 58 salariés alors. Le site stéphanois est spécialisé dans le parachèvement, la transformation à froid. L’entité nouvellement formée avait été nommée « Novasco » associant aussi une usine à Leffrinckoucke près de Dunkerque. Un total de 760 personnes y travaille afin fournir de l’acier français de qualité, de pointe et même décarboné pour ce qui est du process électrifié du navire amiral, Hagondage, 450 employés à lui seul…

Les syndicats n’ont eu de cesse de répéter l’enjeu stratégique de son savoir-faire pour l’industrie française et européenne, en particulier pour fournir l’industrie automobile du vieux continent. Sans Novasco, elle ira, selon eux, probablement passer commande ailleurs. Une fois de plus… Enjeu apparemment compris par l’Etat puisqu’il avait accordé à Greybull Capital dans le cadre de sa reprise 85 M€ « via des (coûteux, 10 % d’intérêt !, Ndlr) prêts du dispositif FDES », indiquait cet été une intersyndicale stéphanoise CFDT – CGT Novasco Le Marais. Dans le « deal » : une promesse d’investissement sur l’appareil industriel de 90 M€ par le fonds britannique. Or, seulement 1,5 M€ a été investi par Greybull, dénonçait la même intersyndicale… Des données confirmées à If par le cabinet du ministre de l’Industrie lors de sa visite fin août à Saint-Etienne chez Verney-Carron pour venir « constater » ce sauvetage-là, effectué lui par Rivolier. Non pas que Greybull a noyé le « pactole » pour autre ussage mais parce qu’il s’est lui-même retrouvé très rapidement en difficulté avec Novacso.

Seulement un salarié sur cinq de Novasco serait repris

Une situation d’ailleurs détaillée cet été par Mediapart dans ses colonnes. Alors, à quoi ont servi ces 85 M€ de l’Etat ? « A payer les dettes, les salaires pendant un an… Nous avons eu l’impression d’être les salariés de l’Etat, explique à If Saint-Etienne Loïc Devis, secrétaire du CSE Novasco Le Marais. Pour être juste, 12 M€ ont été bien utilisés en investissement dans le process pour le site de Dunkerque. C’est ce qui les sauve très probablement aujourd’hui. Pour ce qui est des autres dont Saint-Etienne et donc la plupart des salariés, ça sent désormais très, très mauvais. » Ce mercredi 12 novembre, une ultime audience devant la chambre commerciale du tribunal de Strasbourg avait à étudier les deux offres de reprise. Il rendra sa décision lundi. Mais selon les analyses de nos confrères nationaux confirmant les dires du stéphanois Loïc Devis, qui ne croit pas « une seconde » à un revirement de situation, celle-ci ne laisse pas beaucoup de places au doute.

Nous sommes ici environ 70 % à avoir plus de 50 ans avec 20 ou 30 ans de boite.

Loïc Devis, secrétaire du CSE Novasco Saint-Etienne Le Marais

C’est en effet l’offre la « moins disante » en termes de reprise de sites et salariés, celle d’un consortium mené par les dirigeants de la société Métal Blanc qui a obtenu les avis favorables des mandataires judiciaires comme du procureur. Et cette offre ne reprend que le site de Dunkerque, donc seulement un salarié sur cinq… Hagondange, et ses 450 « collaborateurs », passerait ainsi à la trappe… Drame moindre à l’échelle de leurs départements respectifs mais drame économico-social quand même pour les autres usines dont les 37 salariés du site stéphanois du Marais…. L’offre concurrente, celle d’Europlasma était pourtant beaucoup, beaucoup plus généreuse et avait apporté davantage d’espoir avec la perspective du maintien des quatre sites (et de près de 300 emplois) même si celui d’Hagondage était tout de même saigné à blanc en étant réduit à 75 salariés… Pour ce qui était de Saint-Etienne, il s’agissait de maintenir la majeure partie de l’activité en passant de 37 à 32 salariés…

L’offre la plus généreuse est en fait bancale

Mais, outre des signaux inquiétants depuis la prise de connaissance de cette offre, la prestation peu convaincante à la barre ce mercredi du représentant d’Europlasma, présentant « des faiblesses », a d’ailleurs déclaré à la presse nationale l’un des avocats du Comité central d’entreprise, Laurent Paté, a fait tomber de haut ceux qui y croyaient. Comme Loïc Devis, par exemple, explique-t-il à If ce mercredi sur le chemin du retour de Strasbourg : « Cela a duré plus d’1 h 30, c’était très confus, flou avec des documents manquant en amont, des failles mises en évidence. Ça a tourné au procès. En face, avec Julien Baillon (à la tête de la PME ardennaise Métal Blanc, Ndlr), il y en a eu pour 20 minutes et tout était clair. C’est hélas plié. » C’est une perte de savoir-faire, une réduction de plus au chapitre de la souveraineté industrielle que va subir la France à l’échelle nationale : « Des fournisseurs vont en souffrir, voire ceux que nous fournissons comme Jtekt et son millier de salariés à Irigny (Rhône, Ndlr). »

Quant aux salariés du Marais à Saint-Etienne, Loïc Devis qui est rentré voilà 27 ans, à une époque et a pu le voir décliner, plan après plan, souligne que « nous sommes environ 70 % à avoir plus de 50 ans avec 20 / 30 ans de boite. La suite sera compliquée… » Dur comme fer.