Par
Laure Gentil
Publié le
12 nov. 2025 à 17h59
Impossible de rater la petite voiture sans permis recouverte de ruban adhésif. Elle semble tomber en morceaux. Pourtant, c’est là que Marc, un Nantais de 61 ans, dort et vit. Cet homme, qui a travaillé 15 ans à la Poste, huit ans dans une imprimerie à Carquefou et deux ans en tant que gardien de gymnase pour la mairie n’a plus rien, à part ce véhicule gris et minuscule qu’il a garé dans un parking de Saint-Herblain, à quelques rues de la maison qu’il partageait autrefois avec ses parents. Marc se sent abandonné par la mairie et la préfecture. « Ça fait quatre ans que je vis dans ma voiture », admet-il avec un sourire las à actu Nantes.
Un rat dans le moteur
« Ma vie elle a basculé un petit peu », nous dit-il simplement. Après trois divorces, le décès de sa mère en 2021 est le point de bascule. « Je vivais avec elle dans sa maison parce qu’elle avait du mal à vivre seule », raconte Marc. « Elle souffrait de la maladie d’Alzheimer. » La succession se passe mal entre lui et ses cinq frères : « chacun voulait sa part ». La maison est vendue, il ne lui reste plus suffisamment d’économies pour trouver un appartement et il doit vivre plusieurs mois dans des chambres d’hôtel. Retrouver du travail est impossible pour le sexagénaire.
Je ne peux plus travailler, j’ai des œdèmes, j’ai de l’arthrose et j’ai la prostate qui déconne.
Marc
Il ne lui reste donc que sa voiture et une couverture. Se reposer devient un parcours du combattant. « J’ai peur de dormir la nuit et d’être agressé parce que la voiture ne ferme pas », confie l’homme, les traits fatigués. Alors, Marc dort le jour. Il se contorsionne comme il peut dans le petit espace de son véhicule et se repose à moitié assis, à moitié coucher. Le sexagénaire se retrouve aujourd’hui coupé de tout lien social et surtout sans toit, alors même que l’hiver est là. Sa seule compagnie est le rat qui vient se réfugier dans le moteur tous les soirs. Parfois des amis ou ses nièces viennent le voir.

La voiture sans permis de Marc ne fonctionne plus. Du ruban adhésif colmate les brèches. ©Laure GENTIL
Marc essaye de prendre soin de lui-même et va de temps en temps dans un gymnase ou prend une chambre d’hôtel pour une nuit : « Comme ça, je peux me doucher ». Le RSA et les dons des habitants des habitants de Saint-Herblain lui permettent de manger. Mais aller jusqu’au supermarché à pied lui fait mal.
Pour Pierrick Guisnel, président de l’association Les Habitants ont la parole, Marc a été oublié par l’État et la mairie. « On a découvert l’affaire il y a à peu près deux mois. On est tombés de haut évidemment », indique-t-il à actu Nantes.
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« Il est tombé dans un oubli total »
Selon Pierrick Guisnel, Marc « est tombé dans un oubli total ». Son dossier n’aurait été actualisé qu’en août 2021 sans suivi ou réactualisation de sa demande de logement. Le président d’association assure avoir envoyé un courrier à la mairie de Saint-Herblain. La demande de logement a été mise à jour en octobre dernier. Pierrick Guisnel assure avoir aussi contacté la préfecture. « Il va falloir qu’à un moment quelqu’un se décide », s’agace-t-il.
Du côté de la mairie de Saint-Herblain, sollicitée par actu Nantes, celle-ci reconnaît que Marc est « connu des services municipaux » et dénonce une « instrumentalisation politique de cette situation individuelle via les réseaux sociaux par une association clairement affiliée depuis sa création au candidat de droite déclaré depuis trois élections municipales ».
Il est domicilié au CCAS de Saint-Herblain depuis trois ans (auquel il rend très peu visite, même pour retirer son courrier, ce qui est un motif de radiation non appliqué), mais avec une interruption de quatre mois due au fait qu’il n’avait pas fait de demande de renouvellement. Il bénéficie d’un accompagnement social par une association professionnelle dans le cadre du RSA. L’an dernier, alors qu’il stationnait déjà sur un parking municipal, la Ville avait activé plusieurs leviers – toujours actifs – avec ses partenaires dont des maraudes du Samu social (veille sanitaire, accompagnement aux démarches) et le suivi par l’EDS Espace des solidarités du Département. Enfin, la police municipale passe également le voir.
Ville de Saint-Herblain
Marc est « inscrit comme demandeur de logement social depuis cinq ans » bien que selon la Ville, le profil de Marc ne le qualifie pas « pour le logement social mais pour un hébergement ». Le sexagénaire a été orienté en 2024 vers un « dispositif d’hébergement, qu’il a quitté de sa propre initiative. » Marc explique être parti suite à des menaces de la part d’autres résidents.
Aujourd’hui, ce Nantais souhaite juste passer l’hiver au chaud : « J’en ai marre de la rue ».
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