Pas forcément prévus dans le plan de succession initial, Enzo Serieyssol et Mathias Jean ont réussi à se faire une place au soleil à Agen. Ils sont régulièrement sollicités par Mauricio Reggiardo alors que leur avenir dans le rugby professionnel semblait compromis il y a quelques mois de cela.

Entre deux cours, Enzo Serieyssol décroche son téléphone. « Je reprends à 14h ma formation à Bajamont », informe le jeune troisième ligne. Il est étudiant et joueur de rugby dans le même temps. « C’est compliqué d’allier les semaines de cours aux entraînements. Mais on essaie de s’arranger pour que je puisse m’entraîner au maximum. Je loupe quelques séances, même quand je joue le vendredi », poursuit-il. Il a la tête bien faite et c’est tant mieux car le jeune homme de 21 ans a bien failli voir son rêve de devenir rugbyman professionnel partir en fumée il y a quelques mois. « C’était en avril ou mai dernier, je ne sais plus. Les dirigeants du centre de formation m’ont dit que ça serait un peu juste pour moi de franchir le cap du professionnalisme. Au regard de l’effectif en place, cela semblait un peu bouché pour moi et je ne devais pas être gardé. »

Enzo Serieyssol comprend que son aventure au SUA va prendre fin et qu’il doit rebondir. Sauf qu’il ne s’attend pas à ce retournement de situation. « Un beau jour on me dit que je suis quand même un jeune du centre de formation et qu’on ne veut plus me laisser partir. Cette opportunité s’est présentée à moi et mon agent m’a très vite conseillé d’accepter », rembobine-t-il. Malgré cette seconde chance, le troisième ligne ne pense clairement pas être sollicité si vite par Mauricio Reggiardo. « Au départ, je visais une feuille de match cette saison. Puis, une deuxième. Et tout s’est enchaîné très vite donc c’est que du bonus au regard de mon point de départ. »

Le management de Reggiardo se basant sur la méritocratie, Serieyssol a donc su aller chercher sa place à l’entraînement. Il n’est pas le seul à avoir eu sa chance. « Ce que l’on se dit avec Andréa Lucchini et Mathias Jean, c’est que c’est un signe du destin. Démarrer ensemble à la même période alors que l’on se suit depuis des années, c’est génial. Déjà quand Mathias a fait sa première feuille, toute notre génération était aux anges. Mais quand est venu mon tour, je ne pouvais pas rêver mieux… » Ses six feuilles de match depuis le début de la saison ont permis au flanker de signer un contrat espoir jusqu’en juin 2027. « Nous serons prioritaires pour lui faire signer son premier contrat professionnel », note au passage le manager argentin.

Mathias Jean, la révélation

Le parcours de son copain, Mathias Jean, est d’autant plus bluffant. Avec son énième maillot d’homme du match sur les épaules dercerné par l’ensemble du groupe, il vient saluer les supporters en fin d’entraînement, et raconte avec émotion les derniers mois qui ont changé sa vie. « Je n’en ai pas conscience mais oui ma vie a changé. Je garde cependant les pieds sur Terre et je prends cela avec beaucoup d’humilité. » Il est le seul lot-et-garonnais à avoir pris part à tous les matchs du Sporting depuis le début de la saison. En outre, l’arrière est le septième joueur de Pro D2 le plus utilisé. « Quand je vois ma situation l’an passé, c’est vrai que je n’y aurais pas crû du tout. » Ouvreur de formation, Jean est basculé à l’arrière, « car on me dit que c’est à ce poste que l’on pourrait avoir besoin de moi ». Tout de suite, il y prend goût : « De base je jouais dix ou centre. Mais j’ai de suite accroché. Lors de mon premier match à ce poste chez les espoirs, je me suis régalé. Derrière, quand je m’entraînais chez les pros, on me fixait aussi à ce poste. Ça me va très bien. »

Profitant de la blessure de Louis Dupichot en début d’exercice, Mathias Jean en profite pour éclore : « Quand j’étais un espoir, je venais voir les matchs à Armandie et je me disais qu’un jour, ça serait peut-être à mon tour. Mais voilà, en fin de saison dernière, on ne savait pas trop si on allait me garder et je comprenais entre les lignes que je n’entrais pas vraiment dans le plan de succession. Je n’avais rien derrière, je n’avais pas recherché de club car Agen n’avait pas été clair sur ma situation. J’ai attendu et j’ai bien fait. »

Aujourd’hui, Mathias Jean est indispensable au sein du dispositif lot-et-garonnais où son pied gauche offre une alternative intéressante à la gestion de Craig Willis. Aussi, il se propose de plus en plus dans la ligne et casse les défenses, comme ce fut le cas à Biarritz. « Cela faisait trois ans que je galérais en dix. Je pense que je ne progressais plus et je pense que ce repositionnement a créé un déclic chez moi. Je me lâche plus, je prends plus d’intervalles et je vois que je gagne en assurance. »

Ses coéquipiers lui font confiance alors que ses parents traversent la France tous les week-ends pour le voir jouer : « C’est important pour moi de les avoir avec moi et qu’ils me suivent autant. » Ce n’est pas près de s’arrêter puisque vendredi, leur fiston portera encore le numéro 15 du SU Agen. Une habitude désormais.