Le lien entre intestin et cerveau passionne de plus en plus la communauté scientifique. Une étude récente menée par l’équipe de Mary Ni Lochlainn au King’s College London révèle que l’alimentation ciblée du microbiote intestinal peut considérablement améliorer les capacités cognitives des personnes âgées. Cette recherche, publiée dans Nature Communications, confirme comment des suppléments prébiotiques bon marché renforcent la mémoire et pourraient prévenir l’apparition de troubles neurodégénératifs.
L’axe intestin-cerveau au cœur de la santé cognitive
Les scientifiques mappent désormais avec précision la communication bidirectionnelle entre le microbiote intestinal et le système nerveux central. Cette interconnexion s’établit par trois voies principales : immunitaire, neurale et hormonale. L’ensemble forme un axe intestin-cerveau qui influence directement nos capacités cognitives tout au long de la vie.
Le vieillissement modifie naturellement la composition microbienne intestinale et affaiblit les barrières qui contrôlent l’inflammation. Ces changements se répercutent sur les circuits cérébraux responsables de l’attention, de la vitesse de traitement et de la consolidation mnésique. Les fibres fermentescibles comme l’inuline favorisent la croissance de bactéries bénéfiques telles que Bifidobacterium, productrices de métabolites liés à la plasticité synaptique.

Le lien entre intestin et cerveau passionne de plus en plus la communauté scientifique. © Coldsnowstorm, iStock
Une étude révolutionnaire sur des jumeaux âgés
L’équipe londonienne a mis au point un protocole d‘étude particulièrement rigoureux impliquant 36 paires de jumeaux de plus de 60 ans. Cette approche géniale élimine les variables génétiques et environnementales précoces, rendant les différences observées directement attribuables au traitement testé.
Pendant douze semaines, un jumeau de chaque paire a reçu quotidiennement un mélange d’inuline et de fructo-oligosaccharides, tandis que son frère ou sa sœur prenait un placebo. Tous les participants suivaient simultanément le même programme : supplémentation protéique aux acides aminés branchés et exercices de résistance simples réalisables à domicile.
L’étude s’est déroulée entièrement à distance grâce à des visites vidéo, des questionnaires en ligne et des kits de test cognitif envoyés par courrier. Cette approche innovante supprime les obstacles liés aux déplacements pour les volontaires âgés tout en maintenant la rigueur scientifique.
Des résultats probants sur la fonction mnésique
Les participants traités ont obtenu des scores significativement supérieurs au test PAL (Paired Associates Learning), une évaluation particulièrement sensible aux changements précoces liés à la maladie d’Alzheimer. Cette tâche d’association visuelle mesure la capacité à former de nouvelles connexions entre emplacements et motifs, fonction centrale qui s’érode rapidement dans les troubles neurodégénératifs.
Les bénéfices observés incluent :
- Amélioration du facteur cognitif global.
- Réduction significative des erreurs au test PAL.
- Augmentation des populations de Bifidobacterium intestinal.
- Tolérance excellente avec effets secondaires minimes.
Remarquablement, ces améliorations cognitives sont survenues sans modification des paramètres musculaires. Les douze semaines d’intervention se sont avérées suffisantes pour influencer les fonctions cérébrales mais trop courtes pour remodeler la masse musculaire, confirmant la spécificité de l’action sur l’axe intestin-cerveau.
Implications thérapeutiques et perspectives
Claire Steves, auteure senior de l’étude, souligne l’accessibilité remarquable de ces fibres végétales disponibles sans ordonnance à prix modique. Cette découverte revêt une importance capitale dans le contexte économique actuel, offrant une stratégie préventive abordable contre le déclin cognitif.
Les prochaines étapes de recherche devront comparer différents types de fibres, posologies et durées d’intervention. Les scientifiques s’interrogent également sur la persistance des bénéfices à six ou douze mois et leur traduction en améliorations fonctionnelles quotidiennes. Des études mécanistiques permettront d’identifier précisément quels métabolites augmentent avec la supplémentation et quels réseaux cérébraux répondent.
Cette recherche transforme notre compréhension de la prévention de la démence en proposant une intervention simple, sûre et accessible pour optimiser la communication intestin-cerveau et préserver les capacités cognitives avec l’âge.