Guillaume Annoye a bien fait de faire le déplacement à Middelkerke, au dernier Championnat d’Europe de cyclo-cross, pour encourager ses coureurs d’AS Bike Racing-France Literie. Le dimanche après-midi, le manager de la structure française a assisté aux médailles de ses Espoirs Femmes, à savoir l’argent pour Célia Gery et le bronze pour Amandine Muller. Interrogé par DirectVelo à cette occasion, Guillaume Annoye a fait le point sur le développement de sa structure, les plans pour ses protégés et l’avenir.
DirectVelo : Tu as vécu un dimanche particulier avec deux médailles chez les Espoirs Femmes !
Guillaume Annoye : Oui, c’est beau ! Notre équipe a débloqué le compteur pour l’équipe de France aussi. Déjà samedi, ça s’est joué sur des détails. On a Romain (Debord) qui finit 4e. On n’est pas loin du podium également. Lucie Elizalde fait son premier Championnat d’Europe et finit 7e. Jules Simon fait 17e. Et là, effectivement, on était venu pour la gagne avec Célia (Géry) et le podium pour Amandine (Muller). Pour Célia, ça a été un peu plus compliqué. Elle a de gros problèmes au niveau du dos. Elle a couru blessée. Sa 2e place, c’est comme si c’était une victoire pour nous. Amandine monte en pression. Elle arrive tout doucement. Là, on peut se dire qu’on a deux filles sur le podium. On commence tout doucement à s’installer au niveau national et international surtout. On est en train de voir que notre accompagnement dès les jeunes catégories est en train de payer. Il a fallu sept ans. Aujourd’hui, déjà, on nous reconnaît. C’est assez particulier. On nous regarde un petit peu du coin de l’œil. On reçoit énormément de messages aussi de Belgique et tout ça pour nous féliciter. Donc on est en train de passer un cap. Mais on continue à rester à notre place.
Cette année, l’équipe était sur l’ouverture de la Coupe de France, à Albi… Était-ce un choix par rapport à ce début de saison ?
C’est un choix parce qu’aujourd’hui, on voit un peu ce qui se passe. C’est compliqué pour toutes les équipes au niveau financier, et c’est compliqué aussi pour les organisateurs. On est une équipe française. On est allés à Albi parce que c’est aussi une bonne préparation. Il y a moins de pression également. On voit Célia et Amandine qui font 1 et 2 et qui confirment au Championnat d’Europe. On est passé très près de l’exploit avec Célia au Koppenberg. On veut courir en France aussi. Maintenant, à partir de Quelneuc, Célia ne sera pas présente. Il y a également le retour de Lise Revol qui est Championne du Monde. Il y a aussi pour nous une fierté de montrer ce maillot sur le sol français. Maintenant, je pense qu’à partir de l’année prochaine, il y aura peut-être d’autres choix à faire. Si on veut continuer à évoluer, il va falloir se battre tous les week-ends avec les meilleurs. Ce sont des choix aussi personnels. Pour moi, sur la Coupe de France Juniors et Espoirs, il faut être présent. Maintenant, sur les Elites, il y a des décisions à prendre. Il faut que les jeunes se fassent les dents déjà au niveau national, et ne pas prendre des casquettes tous les 15 jours.
« ON VÉHICULE UNE IMAGE, DISONS PROFESSIONNELLE, MAIS RELAX »
Il y a un vrai plan de développement avec ces jeunes ?
Je pense que, déjà, ces jeunes, quand ils arrivent dans une équipe, il faut leur apprendre un métier. Le métier, ce n’est pas pédaler. Tu ne fais pas que ça. Il faut que tu saches te coucher à l’heure, respecter tes plans d’entraînement, avoir une hygiène de vie, mais également faire attention aux réseaux sociaux, à ne pas perdre d’énergie avec des gens qui vont parler, etc. Nous, on est là, on les protège, on leur apprend le job. Après, l’objectif de tout ça, c’est de dire que tu fais les années Juniors chez nous. Quand tu rentres en Espoir, pareil, pas de pression. J’ai envoyé un message tout simple à chaque athlète, que c’était le premier objectif personnel au Championnat d’Europe, qu’on était fiers d’eux parce qu’ils ont fait ce qu’il fallait. On est là pour les accompagner et les couvrir, parce qu’il y a beaucoup de sollicitations extérieures.
Surtout avec la progression de l’équipe…
Oui. On est aussi en train de se rendre compte qu’on peut vivre du cyclo-cross. Aujourd’hui, on a une grosse logistique. On a de plus en plus de gens qui veulent rentrer dans l’équipe. On est en train de réussir et ça, c’est vraiment une fierté. Quand on a créé l’équipe, j’avais toujours dit, sur la première interview de DirectVelo, que mon idée était d’un jour faire rêver les Français à venir dans une équipe française. On est en train de se rendre compte d’un engouement autour de nous. On véhicule une image, disons professionnelle, mais relax. Il faut être sérieux au bon moment et savoir rigoler, il faut savoir passer du bon temps ensemble. Et c’est quelque chose qu’on continue à travailler d’année en année. C’est notre septième année, on a quatorze titres de Champion de France, deux Europe, deux Monde, on a gagné je ne sais plus même plus combien de fois en Coupe de France. On a gagné à Namur avec Célia. Là, on est là sur les podiums aux Europe. Le travail paie, mais attention à ne pas s’enflammer.
« IL Y A DES PÉRIODES DIFFICILES »
C’est-à-dire ?
On continue à avancer. On passe ce cap parce qu’on s’adapte à leur projet sportif individuel. On rêve tous de l’Europe, du Monde et de la France. Chacun a ses objectifs. Il y en a qui vont venir également avec des attentes différentes. Il y en a qui vont être plus en forme que d’autres à certains moments. Mais quand on fait des briefings, je leur dis toujours qu’on gagne ensemble et on perd ensemble. Quand ça ne va pas pour l’un, il y a toujours quelqu’un qui va le tirer vers le haut. On sent que la cohésion est bien cimentée, que tout le monde se soutient. Il y a des périodes difficiles. On sait que Célia est blessée, très clairement, alors Amandine et tous les autres de l’équipe vont être là pour l’accompagner. Loris (Rouiller) n’est pas au Championnat d’Europe parce qu’il a des problèmes de dos également. On a trouvé ce qu’il avait. Il ne supporte plus la douleur dans son dos. Je lui ai dit « maintenant, tu t’arrêtes ». Ce sont aussi les prises de décision qui vont faire évoluer chaque athlète.
Lise Revol, en tant que Championne du Monde, doit avoir comme grand objectif de défendre son titre…
Oui, je pense. Son planning commence la semaine prochaine. Elle revient à Quelneuc. Elle va rejoindre Lucie. Je pense que ce duo-là, c’est un énorme duo qu’on est en train de créer. Elles s’entendent bien, etc. On est mieux à deux que toute seule dans son coin. Lise a fait les deux Championnats du Monde, elle est tombée malade au Rwanda, il fallait qu’elle coupe. Même si elle avait envie de courir, ça a été une décision d’équipe avec son entraîneur et elle. Elle a bien compris. Maintenant, elle a repris les entraînements depuis trois semaines. Elle a fait le stage avec l’équipe de France dans le sable à côté de Montpellier. Elle m’a appelé et m’a dit qu’elle avait envie de courir, de porter son maillot. Elle est prête pour les deux manches à Quelneuc. Puis elle attaquera Tabor, Flamanville, toutes les manches de Coupe du Monde. Elle ira également à Ouistreham. L’idée, c’est qu’elle conserve son titre de Championne de France. Mais je pense qu’elle veut défendre son titre de Championne du Monde. On a aussi une petite fierté de porter le maillot, car Célia n’avait pas pu le faire avec son changement de catégorie. Pour les partenaires, c’est important. C’est une récompense et une fierté de la saison passée. Lise est hyper reconnaissante. Elle a reçu deux magnifiques vélos. À chaque fois qu’il y a un titre national ou international, on offre le vélo au coureur pour dire merci. C’est une reconnaissance, il y a un échange.
« CHACUN A SA COMPÉTITION »
Ce n’était que la première échéance internationale, il y a encore tout à faire…
Quand je regarde dans l’équipe, il y a certains coureurs qui sont frustrés parce qu’ils ne sont pas encore là où ils aimeraient être. Je dis attention, on est au premier tiers de la saison. Il n’a pas plu, il ne fait pas froid. Je pense qu’à partir de Namur, c’est là qu’il faudra être présent. Après Flamanville, on envoie les coureurs à Calpe pendant dix jours. On fera l’impasse sur la Sardaigne, pour après aller sur Namur. Il y aura Célia, Amandine, Loris, et David (Menut). On enverra les Espoirs et les Juniors filles à Ouistreham. Après on reprend notre logement à Overijse. La FDJ-Suez rentrera dans le jeu avec nous. On aura le Motorhome sur plusieurs manches de Coupe du Monde. Au Championnat de France, on aura le masseur, les chauffeurs. C’est un partenariat qui fonctionne avec la FDJ-Suez, on s’est rencontrés, on a un intérêt commun. À savoir que nos athlètes performent et obtiennent leurs propres objectifs.
Ces partenariats sont nécessaires ?
Il faut quand même se battre. Financièrement, c’est compliqué. On a la chance d’avoir un partenaire qui est France Literie qui nous suit depuis le premier jour, en augmentant d’année en année son aide. On a signé jusqu’à 2030. Avec les Jeux Olympiques comme objectif, on espère. Mais de l’autre côté, on perd des petits partenaires. La conjoncture est dure. Je suis déjà en train d’en chercher des nouveaux. Chacun a sa compétition. Les entreprises ont le genou par terre. Ça chiffre. On commence aussi à faire attention. On est bien, mais il faut gérer. L’opulence, ça ne marche pas.