AA / Istanbul / Serap Dogansoy
Les résultats Médiamétrie publiés jeudi montrent que France Inter reste la radio la plus écoutée sur la période septembre-octobre malgré un recul notable, tandis que RTL consolide sa deuxième place et que Franceinfo complète le trio de tête. Cette nouvelle vague confirme également la baisse générale du média radio, suivi chaque jour par 36,75 millions de personnes, soit plus d’un million d’auditeurs de moins en un an (65,1 % des Français).
Loin devant ses concurrentes, France Inter affiche 11,9 % d’audience cumulée (AC), avec 6,73 millions d’auditeurs, mais 458 000 de moins que l’an dernier. Sa directrice, Adèle Van Reeth, reconnaît que « cette vague n’est pas la meilleure de notre histoire, mais elle reste très haute », rappelant les « performances hors normes » de 2024.
Depuis la rentrée, Nicolas Demorand et Benjamin Duhamel animent la matinale de 7 h à 9 h, et la tranche jusqu’à 11 h rassemble encore 5 millions d’auditeurs, malgré une perte de 392 000 sur un an.
Cette baisse s’inscrit dans un contexte social particulièrement tendu à France Inter. Plusieurs instances représentatives des salariés ont adressé mercredi un courrier de trois pages à Adèle Van Reeth et à Sibyle Veil, PDG de Radio France, s’alarment d’un « mal-être profond » et estiment que la radio « perd son âme ».
Les signataires dénoncent une direction « en pilote automatique » et pointent des « risques psycho-sociaux », évoquant notamment un « grave incident de santé » survenu après un échange tendu avec la direction. Ils déplorent aussi l’absence de soutien public à Thomas Legrand, écarté de l’antenne à la rentrée après l’affaire dite « Legrand-Cohen », alimentée par plusieurs médias du groupe Bolloré. « Ce recul nourrit l’idée que le service public peut céder à la pression », alertent-ils.
La place de l’humour constitue également un motif d’inquiétude, plusieurs salariés estimant que les humoristes n’ont plus pour rôle de « bousculer les puissants », mais de traiter des sujets jugés sans risque.
Cette crispation intervient après le licenciement de Guillaume Meurice, humoriste emblématique de la station, congédié pour faute grave en juin 2024 après avoir réitéré une blague visant le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, qu’il avait qualifié de « sorte de nazi mais sans prépuce ».
Dans un message interne, Sibyle Veil avait justifié la décision par « son obstination et sa déloyauté répétée », affirmant que l’humoriste avait ignoré un avertissement, une mise en garde de l’Arcom et « envenimé la polémique des mois durant ». La suspension de Meurice avait provoqué une journée de grève, et plusieurs chroniqueurs du « Grand Dimanche soir » avaient quitté l’émission en soutien.
Pendant que France Inter se débat dans ces turbulences, RTL affiche de meilleures couleurs : avec 8,9 % d’AC et 5 millions d’auditeurs (+148 000), la station généraliste du groupe M6 signe un mercato réussi.
L’arrivée d’Anne-Sophie Lapix dans la tranche 18–20 h a attiré 16 000 nouveaux auditeurs. « Les nouveautés de la grille s’installent bien », s’est félicité Jonathan Curiel, directeur général des radios du groupe, pour qui RTL reste « la première radio privée de France ».
En troisième position, Franceinfo recule légèrement à 8,7 % (–76 000), malgré une actualité politique dense autour de la démission de l’ex-Premier ministre Sébastien Lecornu.
« La lassitude des Français à l’égard des responsables politiques est plus forte qu’après la dissolution », estime sa directrice Agnès Varhamian.
Plus bas dans le classement, NRJ signe sa pire rentrée avec 6,7 % (–0,7 pt), tandis que le réseau local Ici (ex-France Bleu) chute à 3,9 % (–0,7 pt), perdant 369 000 auditeurs. RMC, à 5 % (–0,2 pt), devance de peu Europe 1, qui enregistre au contraire un rebond : 4,9 % (+304 000), sa meilleure rentrée en six ans.
Selon Constance Benqué, patronne de Lagardère News, ce résultat reflète « un positionnement clair, celui de la liberté d’expression ». Elle affirme que le départ de Cyril Hanouna au profit de Pascal Praud n’a « pas eu d’effet négatif ».
Dans ce paysage morose pour l’ensemble du secteur, Fun Radio se félicite de « l’arrivée réussie » de Cyril Hanouna dans son créneau de l’après-midi.
Ces résultats confirment un mouvement de fond, la radio perd durablement des auditeurs, malgré les stratégies de renouvellement des stations, les changements de grille et les tentatives de repositionnement éditorial.