La lutte pour le droits humains et contre le réchauffement climatique en Europe vient de perdre une bataille. L’alliance du PPE (droite) et des groupes d’extrême droite viennent de voter l’« Omnibus » de simplification de la Commission européenne et ainsi vider de leur substance les directives sur le devoir de vigilance européen (CSDDD) et sur le reporting de durabilité (CSRD).

Ces deux textes permettaient des avancées sur la responsabilité des entreprises en matière de climat, droits humains et environnement, ont été vidées de leurs substances. Un recul démocratique permis par le lobbying des industriels, mais aussi par des État, la France et l’Allemagne en tête.

Sous peine de sanctions, la loi (adoptée en 2024) prévoyait d’obliger les entreprises de plus de 1 000 salariés à prévenir et remédier aux violations de droits humains – travail des enfants, travail forcé, sécurité… – et aux dommages environnementaux tout au long de leurs chaînes de valeur, y compris chez leurs fournisseurs dans le monde.

Le texte a été sacrifié sur l’autel d’une Union européenne (UE) où la droite et l’extrême droite, majoritaire dans l’hémicycle à Strasbourg, on fait de la dérogation leur boussole et la destruction des acquis environnementaux et sociaux des textes à abattre.

La dérégulation en marche

L’entrée en vigueur de ce « devoir de vigilance » – une juridiction unique dans son domaine – avait déjà été reportée d’un an, fragilisant la survie du déjà contesté « Green Deal européen ». Bruxelles veut maintenant aller plus loin et souhaite utiliser la révision de ce texte comme l’un des actes fondateurs de sa politique de « simplification ». En allégeant les charges administratives des entreprises, l’UE ne permet rien d’autre que la prolongation de sa politique ultralibérale.

« Alors que le monde entier a les yeux rivés sur la COP30, le PPE s’est allié à l’extrême droite pour faire en sorte que les acteurs économiques ne soient plus tenus d’élaborer et de respecter des plans de transition climatique. Si cette dynamique se poursuit, l’alliance entre le centre et l’extrême droite sur les prochains paquets législatifs de dérégulation balayera les protections dont bénéficient les citoyens et l’environnement. », a déclaré Frances Verkamp, chargée de plaidoyer pour la responsabilité des entreprises chez Friends of the Earth Europe.

La députée insoumise Manon Aubry fustigeait quant à elle, en réaction à la présentation, fin février, du projet de loi « Omnibus », un « immense chantier de dérégulation, revenant sur les maigres avancées écologiques et sociales obtenues sous le mandat précédent ». Un renoncement réalisé « à la demande des lobbies européens, dont le gouvernement d’Emmanuel Macron s’est fait le porte-parole », critiquait-elle.

Jeudi, dans le sillage des États membres, le Parlement européen a relevé le seuil des entreprises concernées, à plus de 5 000 employés et plus d’1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires annuel. Surtout, les eurodéputés ont supprimé le régime de responsabilité civile européenne, qui servait à harmoniser les obligations des entreprises et leurs responsabilités en cas de manquements.

En commission, sous l’impulsion de la droite, les parlementaires ont préféré renvoyer aux législations de chaque pays. Le rapporteur du texte, l’élu PPE Jörgen Warborn, revendique cette « simplification » pour offrir davantage de « prévisibilité » et de « compétitivité » aux entreprises opérant en Europe.

La préparation du texte « a fait l’objet d’une large consultation des parties prenantes : entreprises, syndicats, ONG, mais aussi États membres et parlementaires », indiqueont affirmé les proches du commissaire européen, Stéphane Séjourné, à l’AFP. Mais cet omnibus a toutefois été voté sans effectuer d’étude d’impact préalable, un manquement à la procédure qui fragilise la base légale de cet « omnibus » et qui devrait être bientôt contestée devant les tribunaux par les ONG de défense des droits humains et des consommateurs européens.

La victoire des « lobbies industriels »

« L’UE déraille complètement », estime Swann Bommier, de l’ONG Bloom, qui s’en prend aux « lobbies industriels » et à la « machine de lobbying de l’administration Trump » aux États-Unis.

Si la responsabilité civile européenne est enterrée « ça pourrait introduire une concurrence entre les 27 États membres pour savoir qui a le régime le plus laxiste pour essayer d’attirer des entreprises », met-il en garde.

Si les élections européennes de juin 2024 ont renforcé la droite et l’extrême droite dans l’hémicycle. Au nom de la lutte contre la bureaucratie, le chancelier allemand, Friedrich Merz, et le président français, Emmanuel Macron, avaient appelé à supprimer purement et simplement cette loi.

Pour les partisans de ces réformes en faveur du climat et des droits humains, la pilule est difficile à avaler pour une partie des parlementaires qui avaient célébré son adoption « historique » en avril 2024 après plusieurs années de bras de fer au sein même des institutions européennes. Les superlatifs ne manquaient pas à l’époque – notamment chez les macronistes.

Les eurodéputés présentaient cette directive comme une réponse à la catastrophe de Rana Plaza, du nom de l’immeuble abritant un atelier de confection de prêt-à-porter au Bangladesh qui s’était effondré en avril 2013, faisant 1 130 morts. Les réflexes libéraux ont, semble-t-il, repris le dessus.

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