Mal à l’aise, il se dandine, joue avec les pressions de son manteau, baisse le regard. Lucas, 30 ans, comparaît pour des faits de détention et de diffusion d’images pédopornographiques. C’est le portail officiel d’analyse de contenus illicites Pharos qui a fait le signalement en janvier 2023. Les services compétents ont ensuite pris leur temps, puisque la police nancéienne a procédé à une perquisition au domicile du prévenu à Malzéville en septembre dernier seulement. Ils ont mis la main sur plusieurs dizaines de vidéos et de photos mettant en scène des enfants âgés de 3 à 12 ans sur un disque dur externe, une clé USB et dans un téléphone. Des documents insoutenables téléchargés sur le darknet qu’il a lui-même partagés pour certains.
« C’était pour prévenir le gérant du site, mais il m’a répondu qu’il ne pouvait rien faire », bredouille Lucas. À voix basse et dans un discours assez incohérent, il explique avoir voulu jouer au justicier, à l’exemple de la Team Moore , soit un collectif de citoyens qui traque les pédocriminels sur internet. Bien pour ça aussi qu’il s’est fait passer pour un adolescent de 13 ans sur un site de chat où il a approché au moins un mineur avant de capter une photo de son anatomie… « Je ne lui ai rien demandé », balbutie-t-il à la barre.
« Un demi-aveu en garde à vue »
Car non décidément, il n’a aucun goût pour ce genre de chose promet-il. Bien incapable pourtant de qualifier de monstrueux les amateurs de ces contenus comme le président l’y invite. « Ce sont des gens bizarres… Ça ne se fait pas… Mais je ne me permettrais pas de les insulter », répond-il de façon ambiguë face à l’insistance de Célestin Schmitt.
La substitute Claire Marchon essaie à son tour de fendre la carapace du jeune homme, mal dans son corps. « C’est difficile, je comprends. Techniquement, c’est du recel de viols sur mineur. Alors comparaître pour ces faits, en audience publique, devant votre mère, c’est honteux… Mais en garde à vue, vous aviez émis un demi-aveu, en évoquant un passage de dépression ». Rien n’y fait. Lucas s’accroche à sa version. Il a voulu aider à démasquer les pédocriminels.
« Ce déni me fait peur quant à son évolution », reprend la représentante du parquet. Elle requiert 18 mois de prison dont 10 de sursis probatoire renforcé pendant 24 mois, assortis à des obligations de soins et de travail ; et à titre complémentaire d’une interdiction d’exercer une activité en lieu avec des mineurs pendant 10 ans. Y compris sur les réseaux où le jeune homme anime un site de streaming. « Une porte d’entrée vers les plus jeunes, peut-être une façon de chasser », analyse la magistrate.
Me Olivier Nunge, avocat de Lucas, marche sur des œufs. Il n’adhère pas totalement à la défense de son client, « immature, très isolé ». Mais le condamner à une peine ferme, « fut-elle aménageable » lui semble excessif au regard de sa personnalité, « à 30 ans, il est inconnu des services judiciaires et policiers ».
Lucas écope de 18 mois de sursis probatoire renforcé pendant 3 ans assortis aux obligations et interdictions requises par le parquet.