Fini de tourner en rond dans les rues parisiennes. Un système guidé par l’intelligence artificielle permet désormais aux automobilistes du 17e arrondissement de localiser les places de stationnement disponibles, via l’application PayByPhone.
Dans le quartier parisien des Batignolles, l’intelligence artificielle change la donne du stationnement. Au lieu de tourner pendant trente minutes en fulminant derrière votre volant, il est possible maintenant d’ouvrir son smartphone et l’application PayByPhone, initialement dédiée au paiement du stationnement.
Sur l’écran, une carte du quartier s’affiche avec des zones colorées : bleu pour les rues où vous avez plus de 30% de chances de trouver une place, jaune pour des chances moyennes (10 à 30%), rouge quand c’est quasi impossible. «Franchement, c’est génial ! C’est une telle galère le soir, quand on arrive un peu tard, de trouver une place… Parfois, il m’est arrivé de tourner pendant plus d’une demi-heure», témoigne Sophie, une habituée du quartier, à nos confrères du Parisien.
Le secret de cette prouesse ? Près de 150 capteurs vidéo installés discrètement sur les lampadaires du quartier des Batignolles. Ces petits boîtiers, conçus par la start-up montreuilloise UpCiti, embarquent une technologie d’intelligence artificielle qui analyse en temps réel l’occupation des places de stationnement.
La technologie respecte la vie privée
La technologie se veut éthique, les images enregistrées par ces capteurs sont de très basses résolutions : impossible de lire une plaque d’immatriculation ou de reconnaître un individu passant par là. C’est ce qu’on appelle l’approche «privacy by design» (en français : protection de la vie privée dès la conception). Cela garantit également que toute l’analyse se fait directement dans le capteur, sans qu’aucune image ne soit envoyée vers un serveur.
Les deux seules informations envoyées à l’application PaybyPhone par ces capteurs : un espace de stationnement se libère-t-il ? Est-il suffisamment grand pour accueillir une voiture ? Au-delà du stationnement, ces capteurs multi-usages collectent également des données sur les flux piétons et les nuisances sonores, toutes disponibles en open data, toujours dans le respect de la vie privée.
Un projet pour rendre la ville intelligente
Cette innovation s’inscrit dans un projet plus ambitieux baptisé «OpenBatignolles». Lancé en 2021, ce programme vise à transformer le quartier en véritable terrain d’expérimentation urbaine. L’installation des capteurs a été réalisée en 2024, à l’occasion de la modernisation de l’éclairage public du secteur : 255 luminaires ont été remplacés par des LED, permettant d’économiser 96.000 kWh par an.
C’est un succès : en seulement quinze jours, 4300 conducteurs ont utilisé la fonctionnalité «TrouveMaPlace» de l’application PayByPhone dans le 17e arrondissement, indique Le Parisien. «Les automobilistes bénéficient d’une information fiable et actualisée directement dans leur application de stationnement habituelle. L’objectif est que les conducteurs gagnent du temps, réduisent les trajets inutiles et contribuent à diminuer la congestion, le bruit et la pollution», explique Sylvia Colloc, présidente de PayByPhone France au magazine SmartCity.
Une aubaine, alors que des données scientifiques américaines, analysées par le CNRS en 2023, démontraient que le trafic généré par la recherche d’une place de stationnement représente souvent plus de 10 % du trafic urbain dans les métropoles.
Les autres technologies existantes
L’expérience parisienne n’est pas la seule. À Chatou, dans les Yvelines, des capteurs intelligents ont été installés récemment dans plusieurs rues du quartier Europe. Contrairement au système parisien qui utilise une application mobile, Chatou a opté pour trois écrans d’affichage permettant de visualiser instantanément les places disponibles dans les rues concernées.
Mais la technologie du stationnement intelligent de Chatou est en réalité bien plus ancienne et largement déployée dans les grands équipements comme les aéroports et les centres commerciaux. À l’aéroport de Paris-Orly, par exemple, les parkings couverts sont équipés de systèmes structurés où des capteurs détectent en temps réel la présence ou l’absence de véhicules. Au-dessus de chaque place de stationnement, des indicateurs LED individuels affichent l’état de chaque emplacement : rouge pour «occupé», vert pour «libre».
Des gains collectifs mesurables ?
Au final, c’est bien le projet parisien disponible sur PayByPhone qui est novateur, attirant dans son sillage, les convoitises. «Le prochain déploiement devrait se faire à Monaco et plusieurs communes en France déjà clientes d’UpCiti nous ont aussi sollicités, comme la ville de Cahors», révèle Jean-Baptiste Poljak, PDG de UpCiti dans une interview au Parisien.
Au-delà de l’innovation technologique, le stationnement intelligent présenterait des bénéfices économiques mesurables. La preuve : à Ettelbruck, ville luxembourgeoise où les capteurs UpCiti ont été installés, il y a 6 ans. Une évaluation socio-économique (Citizong pour Upciti et Rms) y a été menée entre 2019 et 2024, démontrant que chaque euro d’argent public investi dans les capteurs UpCiti, rapporte 23 euros à la collectivité. Ce calcul provient de trois sources principales : la réduction du temps de recherche (le temps c’est de l’argent), les économies de carburant et les gains environnementaux dus à la moindre consommation carbone.
De quoi donner des arguments aux élus locaux tentés par l’aventure du stationnement connecté. Reste à savoir si cette technologie trouvera sa place dans d’autres villes françaises, ou si elle restera cantonnée aux quartiers denses et commerçants, seuls capables d’amortir l’investissement initial. Le pari des Batignolles, en tout cas, semble réussi.