Un nouveau meurtre en pleine rue, en plein jour à Marseille (Bouches-du-Rhône). Cette fois, il s’agit d’un jeune homme de 20 ans inconnu des services de police, mais petit frère d’Amine Kessaci, militant écologiste engagé dans la lutte contre le narcobanditisme. Qui était la victime ? Pourquoi a-t-elle été tuée ? On fait le point.

Que s’est-il passé ?

Ce jeudi 13 novembre, vers 14h30, un jeune homme de 20 ans a été tué par balle dans le IVe arrondissement de Marseille, à deux pas du Dôme, la plus grande salle de concert de la cité phocéenne.

Selon les premiers éléments de l’enquête, « une moto s’est portée à hauteur du véhicule de la victime qui venait de se garer » quand le passager arrière de la moto « a tiré à plusieurs reprises sur la victime, qui était toujours dans son véhicule », a expliqué le procureur de Marseille, Nicolas Bessone.

Selon les informations du Parisien, le tireur a tiré froidement quatre balles de 9 mm dans le thorax de la victime. Plusieurs étuis de ce calibre ont été retrouvés sur place, a confirmé Nicolas Bessone.

[4/4] L’assassinat du PDG de Renault : la sanglante épopée du groupe Action directe

Crime story raconte chaque semaine les grandes affaires criminelles.

ÉcouterQue sait-on de la victime ?

La victime, prénommée Mehdi, est le petit frère de l’écologiste Amine Kessaci. Selon nos informations, le jeune homme de 20 ans n’a jamais été impliqué dans une quelconque affaire de stupéfiants.

D’après les premiers éléments de l’enquête, la victime était « totalement extérieure à tout ce qui gangrène Marseille, le narcotrafic et la criminalité organisée », a précisé Nicolas Bessone. Il était « absolument inconnu » de la police et de la justice « avec un casier judiciaire vierge », a-t-il appuyé, précisant qu’il voulait d’ailleurs devenir policier.

« Il a passé une première fois son concours de gardien de la paix et il ne l’a pas réussi. Il était en train de le repasser », a expliqué Benoît Payan, le maire de Marseille, ce vendredi matin sur BFMTV.

Qui est Amine Kessaci ?

Âgé de 22 ans, Amine Kessaci est un militant associatif et écologiste, qui s’est présenté aux élections européennes de 2024 à Marseille sur la liste de Marie Toussaint pour porter la voix de la jeunesse et des quartiers populaires mais avait perdu de peu, face au Rassemblement national (RN). Il est notamment connu localement pour son combat auprès des proches victimes du narcobanditisme.

La vie d’Amine Kessaci, jeune passionné de politique, qui a grandi dans une cité des quartiers nord, a basculé dans la nuit du 28 au 29 décembre 2020, lors d’un triple assassinat barbare qui a notamment touché son demi-frère Brahim, victime de tirs par arme à feu et dont le corps a ensuite été retrouvé carbonisé dans un véhicule près de Marseille. Il crée alors l’association Conscience pour aider les familles, juridiquement et psychologiquement, et changer le regard sur ces morts qu’il considère comme des victimes.

Après d’ultimes recours d’un des mis en cause rejetés par la Cour de cassation début novembre, ce dossier devrait être jugé courant 2026. Brahim était le seul à être tombé dans la drogue parmi une fratrie de six, avait alors assuré Amine Kessaci.

Le 2 octobre dernier, le jeune militant a publié un ouvrage, intitulé « Marseille, essuie tes larmes, vivre et mourir en terre de narcotrafic », consacré au narcobanditisme et à la mort de son demi-frère. « La politique ne m’a jamais tendu la main, alors j’ai décidé de la prendre à la gorge (…). Brahim, c’est toi qui m’as jeté dans ses bras le jour où tu as brûlé dans une voiture », peut-on lire dans cet ouvrage publié par la maison d’édition marseillaise Le Bruit du monde.

Depuis la sortie de son livre, Amine Kessaci bénéficiait visiblement « d’une protection personnelle, compte tenu des menaces dont il aurait fait l’objet », selon le procureur de Marseille. Malgré cela, le militant est resté très actif sur Marseille. Fin octobre, il était sur le Vieux-Port pour une opération de tractage avec les écologistes.

« Assassinat en bande organisée »

Après les faits, une enquête a été ouverte par le parquet de Marseille pour « assassinat en bande organisée » et « association de malfaiteurs en vue de commettre un crime ». « C’est du travail de professionnel », a indiqué une source proche de l’enquête au Parisien, expliquant que les tireurs avaient attendu que la mère de Mehdi, qui l’accompagnait ce jeudi, entre dans une pharmacie pour le tuer. « Ils ont donc volontairement épargné la mère », souffle cette source.

Selon nos informations, l’une des pistes privilégiées est celle d’un avertissement donné à Amine Kessaci par la DZ Mafia, même si le mode opératoire ne correspond pas forcément avec celui de l’organisation criminelle qui emploie généralement des petites mains du trafic pour tirer aveuglément.

Récemment, Amine Kessaci avait pris une position ambiguë lors de la loi anti-trafic, se positionnant contre l’expulsion des dealers de leur logement, considérant que les petites mains étaient instrumentalisées et qu’expulser leur famille n’était pas une solution. À ce stade, les enquêteurs s’interrogent sur cette position, estimant qu’elle a pu être dictée par les dealers, selon une source proche du dossier.

Interrogé sur un potentiel assassinat d’avertissement adressé au militant Amine Kessaci, le procureur a indiqué que « cette hypothèse à ce stade n’est absolument pas exclue ». « Si tel devait être le cas, on aurait franchi une étape supplémentaire. Ça rappelle un certain nombre de périodes terribles connues dans notre pays, où vous allez assassiner des gens, simplement parce qu’ils sont membres d’une famille avec laquelle vous avez des problèmes », a-t-il estimé. « Là, ce serait peut-être parce que le jeune Amine Kessaci est très impliqué » contre le narcotrafic, a ajouté Nicolas Bessone, appelant « à ce stade » à rester « particulièrement prudent ».

Une piste avérée, selon un proche de l’enquête, qui craint « une dérive à l’italienne avec des narcotrafiquants qui cherchent désormais à s’en prendre aux journalistes, aux policiers, aux magistrats ».

« Faire taire ceux qui parlent », s’indigne Benoît Payan

Si la piste d’un avertissement est avérée, « nous aurions franchi un cap très grave. Il s’agit de faire taire celles et ceux qui parlent, qui n’ont pas peur et qui dénoncent », a réagi Benoît Payan, ce vendredi matin sur BFMTV. Le maire de Marseille s’est entretenu avec Amine Kessaci, qui est « dévasté ». « Vous pouvez imaginer ce que ressent Amine ce matin en termes de douleur (…), y compris en termes de culpabilité. C’est très dur pour lui, pour sa famille, ses parents, ses sœurs. C’est absolument terrible, c’est terrible pour Marseille, c’est terrible pour sa famille », a-t-il poursuivi.

Dans un message posté sur X, la cheffe des Écologistes Marine Tondelier a souligné les « circonstances atroces » de la perte de ce deuxième frère « qui voulait devenir policier ». « Nous serons là pour toi. Aujourd’hui et tous les jours qui suivront », a-t-elle également lancé à l’attention de son camarade qui s’était présenté aux européennes en 2024.