Tavite Veredamu est un joueur de rugby à part. Un Fidjien à part. Ce samedi soir, il ne regardera pas France-Fidji à la télévision, comme il n’a suivi aucun des autres tests de l’automne. Pour le bien de son petit garçon, qu’il veut protéger des écrans le plus longtemps possible.

Tavite Veredamu est bien content de voir arriver le week-end. Après une grosse semaine de travail, où il a assimilé les conseils et les prérogatives du nouveau staff de l’USAP, l’ailier fidjien va pouvoir reposer son corps en prévision des futurs combats à mener avec le club catalan. En regardant France-Fidji devant son téléviseur ? Pas du tout ! « Je ne suis peut-être pas le mieux placé pour évoquer ce match, propose-t-il gentiment. Parce que vous savez, à la maison, quand le petit est avec nous, nous n’allumons pas la télévision… »

Le petit, c’est Matéo, 2 ans, que ses parents veulent préserver au maximum des effets pervers des écrans, quels qu’ils soient. « On veut essayer de le préserver le plus longtemps possible, assure Tavite Veredamu. Et puis, samedi, la belle-famille arrive de Nîmes pour nous rendre visite. Alors la télévision restera éteinte ! » Il attendra la fin de soirée pour connaître le résultat d’une rencontre qui ne le passionne pas plus que cela. « Quand j’ai quitté les Fidji, à 18 ans, pour m’engager dans la Légion, le rugby n’était plus ma priorité. Gamin, comme tout petit Fidjien, je rêvais de porter un jour le maillot blanc des Fidji. Mais en débarquant en France, le rugby est passé au second plan. »

Lorsqu’il reprit le chemin des terrains, après trois ans de « retraite », il impressionna les observateurs par sa vitesse et sa puissance. C’est l’équipe de France à 7 qui toucha le gros lot, en 2017. 115 matchs plus tard, 53 essais inscrits, et une élection dans l’équipe type du Hong-Kong Sevens 2019, il put tenter l’aventure du professionnalisme. Le rugby reprit le dessus dans sa vie. S’il avait dû choisir entre le maillot frappé du cocotier ou celui arborant le coq tricolore, quel choix aurait-il fait ? « Bonne question, se marre-t-il. Mais elle ne s’est jamais posée. Ni de jouer pour la France. Ni de porter le maillot fidjien d’ailleurs. »

« Je n’ai pas vraiment d’équipe préférée… »

Son rêve d’obtenir un passeport français réalisé, il n’a jamais profité de ce sésame pour essayer de porter le maillot de l’équipe du XV de France, comme avaient pu le faire avant lui Vakatawa, Nakaitaci ou plus près de nous son coéquipier à l’USAP, Alivereti Duguivalu. « Je portais le maillot français du 7, je ne me suis jamais posé la question de savoir si je pouvais jouer avec le XV. Ce qui m’importait c’était de bien jouer avec le 7. »

Depuis qu’il est arrivé du côté de Nîmes, il a toujours affirmé que la France était « son pays, sa nation, son drapeau. » Des symboles plus importants à ses yeux qu’une « cape » de rugby, qu’il place bien au-dessus d’un simple résultat sportif. « Je les regarde, bien sûr, mais sans plus, poursuit-il. Je n’ai pas vu les matches du week-end dernier. Ni France-Afrique du Sud (17-32), ni Angleterre-Fidji (38-18). Je ne sais pas comment ont joué les Fidjiens… » Veredamu est vraiment un joueur à part. Atypique. Comme il l’est sur le terrain. De cette équipe fidjienne qui viendra défier les Bleus à Bordeaux, il sait peu de choses, connaît seulement deux joueurs, « Josua (Tuisova) et Temo (Mayanavanua) avec qui j’ai joué à Lyon… »

Il se souvient quand même que les Fidjiens se sont imposés au Stade de France (14-21), en 2018. « Ils avaient une grosse équipe et étaient certainement très motivés, dit-il sobrement. Peut-être qu’ils peuvent rééditer cette performance… » Un petit favori pour ce samedi soir ? « Je n’ai pas vraiment d’équipe préférée », répond-il.

De toute façon, il ne vibrera pas devant son téléviseur, éteint. Pour la santé du petit Matéo. Et afin de préserver la convivialité d’une soirée en famille bien plus importante à ses yeux qu’un match de rugby, fut-il un France-Fidji !