REPORTAGE – Une manifestation s’est tenue devant les locaux français de Take Two Interactive, la maison mère du studio Rockstar Games. Ce dernier est accusé d’avoir licencié des salariés en raison de leurs activités syndicales.

«Rockstar, t’es foutu, tous les pays sont dans la rue !», pouvait-on entendre ce jeudi 14 novembre en fin de journée, à deux pas de la Place Vendôme à Paris, devant les locaux de l’antenne française de Take Two Interactive, la maison mère de Rockstar Games, le créateur du très attendu jeu vidéo Grand Theft Auto 6 (GTA 6).

Une vingtaine de représentants syndicaux du secteur du jeu vidéo venus de plusieurs pays étaient réunis pour protester contre le licenciement polémique de salariés de Rockstar Games (31 au Royaume-Uni, trois au Canada), qui auraient été visés pour leurs activités syndicales. Une première manifestation avait déjà eu lieu la semaine dernière devant les studios de Rockstar, à Édimbourg.


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«Rockstar s’est justifié en affirmant qu’ils avaient été licenciés pour faute grave, et qu’ils avaient divulgué des informations confidentielles, mais il n’y a aucune preuve. C’est de la répression syndicale», déplore Pierre-Étienne Marx, du Syndicat des travailleurs du jeu vidéo (STJV), à l’initiative du rassemblement.

Le rassemblement face aux locaux français de l’éditeur de jeux vidéo Take Two
Romane Haquette

Une plainte déposée au Royaume-Uni

Il rappelle que les salariés semblent avoir été visés pour leur participation à un canal de discussion privé, sur Discord. D’après le média Gamekult, ils travaillaient à la création du Rockstar Games Workers Union, un nouveau syndicat visant à améliorer les conditions de travail au sein du studio, et ce avant la sortie de GTA 6. La commercialisation de ce titre a été repoussée de six mois, au 19 novembre 2026.

Des représentants du Syndicat des travailleurs indépendants de Grande-Bretagne (IWGB) étaient aussi présents. «Nous sommes venus en solidarité avec cinq autres syndicats européens, pour protester à l’extérieur de nos locaux, et rappeler que ces licenciements sont illégaux», a martelé Spring Mcparlin-Jones, membre de l’IWGB.

Le 13 novembre, le syndicat britannique a d’ailleurs porté plainte contre Rockstar pour «harcèlement syndical et mise à l’écart». Selon l’IWGB, le projet de nouveau syndicat avait rassemblé au moins 10 % des effectifs britanniques du studio, ce qui est le seuil minimum au Royaume-Uni pour pouvoir former une section syndicale officiellement reconnue par les pouvoirs publics, et avec laquelle l’entreprise est tenue de dialoguer.

«De très mauvaises habitudes ont été prises»

«C’est cela qui aurait motivé le licenciement de ces personnes. Le but de ce rassemblement aujourd’hui est de montrer notre solidarité à l’international et soutenir les personnes licenciées», ajoute Pierre-Etienne Marx, inquiet à l’idée que la répression syndicale puisse se généraliser. «Chez Microsoft, par exemple, un accord de neutralité a été signé en 2022 pour permettre aux syndicats de s’organiser librement. Vont-ils revenir sur leur parole, surtout sous l’ère Trump ?», ajoute-t-il, alors que cet accord arrive prochainement à expiration.


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Rockstar a plusieurs fois été mis en cause ces dernières années pour sa pratique du «crunch » : des nombreuses heures supplémentaires, souvent non payées, pour finir des projets à temps.

«C’est justement lié à l’absence de forme organisée de la défense des intérêts des travailleurs», souligne Vincent, représentant du STJV. «Le jeu vidéo est industrie jeune, et cela fait seulement 10 ans que les employés se structurent pour défendre leurs intérêts. Malheureusement, de très mauvaises habitudes ont été prises», déplore-t-il.