Le neuropédiatre rouennais Dominique Parain s’est éteint le 7 novembre dernier à l’âge de 79 ans, des suites d’un cancer du pancréas. Ce praticien avait, entre autres, mis au point un traitement qui a changé la vie de ses patients atteints de troubles neurologiques mais qui a été contesté par la CPAM.

La Quotidienne Société

De la vie quotidienne aux grands enjeux, recevez tous les jours les sujets qui font la société locale, comme la justice, l’éducation, la santé et la famille.

France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter « La Quotidienne Société ». Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

La paralysie, les migraines… Nombreuses sont les douleurs chroniques auxquelles les patients de l’éminent neuropédiatre Dominique Parain, décédé le 7 novembre dernier, ont dû faire face. Il était pourtant parvenu, avec ses séances de stimulation magnétique, à refaire marcher des malades, notamment atteints du syndrome Ehlers-Danlos, de fibromyalgie ou de troubles du spectre de l’hypermobilité.

Médecin engagé, Dominique Parain avait notamment créé un centre d’IVG clandestin au début des années 1970, sur l’Île Lacroix à Rouen, avant la loi Veil. Porté par la volonté d’aider les plus vulnérables, fidèle au serment d’Hippocrate, il y aidait des femmes à avorter avec la technique de l’aspiration, réalisée en toute sécurité et pour laquelle il s’était formé clandestinement à Paris.

J’étais avec un collègue médecin. On savait qu’on prenait des risques, mais quand je pensais qu’une chose était justifiée, j’avais tendance à le faire. C’était absolument indispensable qu’on ne laisse pas les femmes se faire des avortements clandestins par des personnes, hors de structure médicale ou médicalisée, sans sécurité. C’était important qu’on fasse ça.

Dr Dominique Parain

début 2025 à nos confrères d’Ici Normandie

Il avait également, relève sa fille Marie à nos confrères de Paris-Normandie, exercé la médecine au Burkina Faso pendant deux ans, soignant des gens « avec les moyens du bord ». Et plus tard, réalisé des voyages en Algérie et au Cameroun pour apporter son expertise sur l’épilepsie.

« Dominique Parain a été mon premier chef de clinique, j’ai travaillé 46 ans avec lui. Comment résumer ces 46 ans en quelques mots…, confie Jacques Senant, neurologue et associé du Dr Parain. C’était quelqu’un d’assez rebelle, passionné par ce qu’il faisait, extrêmement gentil, compétent et adoré des patients. Il a tenu la neuropédiatrie rouennaise et même normande pendant trente ans et a développé pas mal de choses. »

Auteur de nombreuses publications médicales, le Dr Parain avait obtenu un doctorat de sciences option physique, avait été membre du conseil scientifique de la Société de Neurophysiologie Clinique de Langue Française pendant huit ans puis exercé comme neuropédiatre au CHU de Rouen et à la Clinique de l’Europe entre 1980 et 2013.

Le Dr Senant détaille : « Il a fait de nombreuses explorations neurologiques, notamment dans le domaine de l’épilepsie. Il a développé les chirurgies de l’épilepsie avec des neurochirurgiens en Normandie, l’électromyographie [vouée à étudier la fonction des nerfs et des muscles, ndlr], maintenant pratiquée par nombre de neurologues, étudié les mouvements anormaux… Il a fait beaucoup pour la santé publique et la neurologie en général. »

En 1995, Dominique Parain avait acquis son premier appareil de stimulation magnétique transcrânienne et entamé une prise en charge de patients atteints de troubles neurologiques fonctionnels. Les années passant, le dispositif, innovant, avait fait ses preuves.

Depuis 2013, le médecin se consacrait uniquement à cette activité. « Quand je rentre dans l’hôpital, j’ai mal aux jambes. Mais quand je ressors, je n’ai plus de douleur, ni rien », s’était réjouie Ylona, une de ses jeunes patientes souffrant d’une paralysie du visage et du pied, rencontrée par nos équipes à l’occasion d’une consultation, en octobre 2023.

Si le traitement avait eu un effet immédiat sur Ylona, victime de harcèlement scolaire à cause de son handicap, le coût de ses séances avait été une source d’angoisse pour ses parents. Pas moins de 69 euros à leur charge pour faire bénéficier à leur fille, chaque jour, de cette machine.

Les séances n’étaient en effet plus remboursées par la CPAM. Cette méthode du Docteur Parain, critiquée par certains confrères, félicitée par d’autres, n’avait en effet pas été validée scientifiquement par la Haute Autorité de Santé. L’Assurance maladie avait donc contraint le praticien à payer une amende sur toutes les années d’application du traitement en 2023.

Cela fait 25 ans que j’utilise cette méthode. Je sais comment faire quand un pied ne bouge pas, quand une main ne bouge plus, ce qu’il faut faire pour réactiver la connexion avec le cerveau et que le cerveau puisse commander. Pour moi, il y a une maltraitance médicale, et aujourd’hui, une maltraitance administrative.

Dr Dominique Parain

en 2023 à France 3 Normandie

Deux ans après, le médecin s’était ainsi retrouvé avec plus de 2,5 millions d’euros de dettes. Passionné et proche de ses patients, il avait durant un an continué à les soigner gratuitement. « Des milliers de patients avaient signé une pétition pour le défendre. J’avais moi-même adressé un courrier pour le soutenir et dire que c’était une honte », se souvient Jacques Senant.

Le Conseil de l’ordre des médecins non plus n’a pas été très sympathique, Dominique Parain a quasiment été interdit d’exercice à la fin de sa carrière. Des milliers de patients ont pourtant bénéficié de ses soins et de sa technique.

Dr Jacques Senant, neurologue

à France 3 Normandie

De nombreux malades comptaient sur sa méthode… Les parents de la petite Ylona, par exemple, avaient été contraints de vendre leur maison à Évreux pour pouvoir s’acheter la machine révolutionnaire à 20 000 euros et apporter à leur fille la sérénité dont elle avait tant besoin. Aujourd’hui, la jeune fille marche toujours grâce à la technique du médecin.

Fragilisé par cette inextricable situation et finalement emporté par la maladie à 79 ans, Dominique Parain laisse derrière lui son épouse, ses deux enfants et quatre petits enfants et des milliers de patients désormais démunis. Ses obsèques seront célébrées religieusement ce vendredi 14 novembre 2025 à 10h45, à l’église de la Sainte-Trinité à Bois-Guillaume.

La famille du médecin précise que la cérémonie est ouverte à tous ceux qui souhaiteraient lui rendre hommage. Nombre de ses patients devraient d’ailleurs se rendre aux funérailles. « En lieu de fleurs, vous pouvez adresser un don à la Fondation Charles Nicolle, par chèque ou en ligne, en précisant : recherche contre le cancer du pancréas », notent ses proches.

Concluant : Dominique Parain était « un homme d’une gentillesse infinie, qui a consacré toute sa vie à ses patients, sans jamais prendre sa retraite. Nous l’aimons tendrement et pour toujours. »

Avec Julie Cudza.