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Laura Felpin, Lyna Khoudri, Izïa Higelin et Mallory Wanecque, ici dans « Le Gang des Amazones ».
EN BREF • Le film « Le Gang des Amazones » de Melissa Drigeard retrace sans sensationnalisme l’histoire vraie d’un groupe de braqueuses des années 1990 dans le Vaucluse.
• Les protagonistes confrontées à des difficultés financières, ont réalisé plusieurs braquages avant d’être jugées puis de se réinsérer dans la société.
• Le film avec Izïa Higelin et Laura Felpin aborde la « misogynie incroyable » de la presse de l’époque.
CINÉMA – Le casse du siècle de Rihanna et Sandra Bullock dans Ocean’s 8 est sur le point de prendre un sacré un coup de vieux. Et pour cause, une trentaine d’années après les faits, un polar renoue au cinéma, depuis ce mercredi 12 novembre, avec l’histoire vraie, mais méconnue d’un groupe de braqueuses françaises hors pair, Le Gang des Amazones.
Retour en arrière. Nous sommes au tournant des années 1990 dans la petite commune de l’Isle-sur-la-Sorgue dans le Vaucluse, quand Hélène reçoit un courrier de la CAF. Une erreur a été commise. Elle aurait perçu « trop » d’allocations. Pour rembourser, seuls 31 francs lui seront désormais versés par mois, soit un peu moins de 5 euros.
Ce n’est pas grâce à sa maigre paye de vendeuse en boulangerie qu’Hélène va pouvoir continuer à nourrir ses trois enfants qu’elle élève seule en compagnie de sa mère, ni à payer le prêt de la maison. Il lui faut vite une solution. Impossible de demander de l’argent autour d’elle : ses trois meilleures copines sont tout aussi précaires. Katy émet une idée. Et si elles braquaient Le Crédit Agricole du coin. C’est une blague ? Non, elle est très sérieuse. Carole approuve. Hélène hésite, puis accepte. Seule Laurence se montre vraiment réticente, avant de les rejoindre.
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Le premier hold-up, où se trouvait par hasard Malika, la sœur de Katy venue faire un retrait, se passe sans heurt. Cagoulées, elles mettent la main sans se faire choper sur un butin de 116 000 francs. Elles récidivent donc non pas une, ni deux ou trois, mais bien six autres fois.
L’arrestation des « Amazones »
Leur mode opératoire est le même à chaque fois. Maquillées et coiffées de postiches, elles agissent par paire en plein jour. Une troisième complice les attend dans une voiture volée, dont la plaque d’immatriculation est toujours visible. L’argent qu’elles en tirent ? Elles le dépensent en sorties, pleins de course et jouets pour enfants.
Un beau jour, Hélène, partie avec sa mère chez Auchan, est arrêtée. On la retient une journée, puis la libère. Premier coup de chaud. Les quatre femmes tirent un trait sur les casses pendant un an jusqu’au jour où Katy, après s’être exilée en Corse, se fait prendre après un cambriolage raté. Les unes après les autres, elles se font coincer, et reconnaissent les faits.
Sans sensationnalisme, ni misérabilisme… Le Gang des Amazones revient sur le fait divers marquant avec sincérité et justesse. Pas question d’esthétiser la violence, ni de faire l’apologie du braquage : ses héroïnes ne sont pas érigées en figures de l’anticapitalisme, mais comme un groupe de copines dans le besoin, qui se sont laissées dépasser par les événements.
Les mots d’Hélène et Katy
« C’était beaucoup de souffrance, mais aussi beaucoup d’amour, témoigne la vraie Hélène Trinidad, interrogée en amont de la sortie du film par nos confrères d’Hérault Tribune. Katy, mes copines, je les ai beaucoup aimées. » Loin de ses comédies, la cinéaste Melissa Drigeard dit avoir voulu montrer, ici, « la complexité humaine, pas seulement la faute ».
C’est en tombant sur un numéro d’Affaires sensibles sur France Inter qu’est né le projet. « Elle nous a contactées, tout simplement. Et moi, j’ai tout de suite dit “oui”. Ma copine Hélène était un peu réticente. Mais ça s’est super bien passé. […] Elle nous a laissées nous exprimer, sans jamais nous couper », se souvient Katy chez Corse Net Infos.
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Izïa Higelin, Lyna Khoudri et Kenza Fortas, ici, dans « Le Gang des Amazones ».
La confiance s’est installée. Les langues se sont déliées, et les anecdotes ont fleuri. « Les gendarmes d’Avignon sont venus me chercher à Porto-Vecchio, poursuit, par exemple, la cheffe de file dans les colonnes du site d’infos corse. J’allais me cacher à la plage. À l’époque, j’étais jeune, belle et bronzée. Du coup, j’allais au milieu des touristes. »
La rencontre avec son interprète Lyna Khoudri n’a eu lieu que trois semaines après le début du tournage, pour la scène du procès. Pareil pour Izïa Higelin, Laura Felpin, Mallory Wanecque et Kenza Fortas, et celles qu’elles incarnent. Melissa Drigeard a refusé que cela se fasse plus tôt. « Elle m’a parlé des filles de façon si précise, presque intime, qu’avant même de faire leur connaissance, j’avais déjà l’impression d’être dans leur tête », concède toutefois Lyna Khoudri.
La presse de l’époque, « d’une misogynie incroyable »
Articles de journaux, documentaires, vidéos… La réalisatrice leur a fourni une somme importante de références. Il fallait non seulement rester au plus près de l’histoire vraie de ces femmes qui, pendant plus d’un an, ont berné les gendarmes qui pensaient qu’elles étaient des hommes, mais aussi comprendre le traitement qui leur a été réservé.
« Une fois démasquées, raconte Melissa Drigeard dans les notes de production, c’est pire. Les titres de presse sont d’une misogynie incroyable. » « Quand les ménagères se transforment en mégères », cite-t-elle, d’abord. « Elles ont troqué leur baguette de pain contre des fusils à canon scié », glisse-t-elle ensuite.
La suite, le film la raconte. Emprisonnées quatre mois par mesure préventive, les cinq accusées (Hélène, Katy, Carole, Laurence et Malika) ont été libérées à cause d’un vice de procédure avant la tenue de leur procès, prévu quatre ans plus tard. Pendant cette période, et sous l’impulsion de la juge d’instruction de l’époque, elles en toutes profité pour se racheter une conduite.
Elles ont été jugées en septembre 1996. Sur le banc des accusées, quatre d’entre elles ont reconnu les faits. La cinquième, non. Elle sera la seule à purger une peine d’un an de prison, les quatre autres écopant de peines avec sursis.
Une dette à vie
Pour certains, la plaidoirie d’un des avocats a joué un rôle clé. Dans celle-ci, Me. Guenoun faisait allusion à La société criminogène, un livre de Jean Pinatel paru en 1971 dans lequel le criminologue français pointe du doigt les inégalités dans la société et la violence de classe pour expliquer en partie la délinquance dans les milieux défavorisés.
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Laura Felpin, ici dans le personnage de Laurence.
D’autres ont une seconde hypothèse, absente du film. « Trois jours avant leur procès, les mêmes jurés avaient dû travailler sur une affaire absolument épouvantable de viol d’enfant », précise à son tour la réalisatrice, selon qui en comparaison les Amazones « paraissaient bien sympathiques et leurs fautes pas si graves que ça ».
Reste qu’elles ont été condamnées à rembourser ce qu’elles ont volé. Une dette à vie, que Laurence a, par exemple, fini de payer il y a seulement deux ans. Depuis, toutes se sont réinsérées dans la société, et personne n’a récidivé, même si Katy raconte avoir été contactée à bien des reprises pour commettre d’autres magouilles.
Aujourd’hui, les amies se sont éloignées. Seules Carole, Hélène et Katy sont toujours en contact, même cette dernière et sa sœur Malika ne se parlent plus. « Il faut dire que je ne me suis jamais très bien entendue avec elle. Et surtout, elle m’en veut parce qu’elle a morflé pour rien », estime-t-elle. Ce mercredi, la fiction les réunit.