Sans surprise, la suspension de la réforme des retraites votée par l’Assemblée nationale n’a pas passé le premier filtre au Sénat. Réunis depuis samedi, les sénateurs de la commission des Affaires sociales ont en effet proposé de revenir sur de nombreuses mesures adoptées par les députés, dont la très sensible « suspension » de la réforme Borne de 2023.

Le Sénat est entré dans le vif du sujet sur le budget, avec l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale en commission. Cette étape préliminaire a permis aux sénateurs de droite et du centre, largement majoritaires à la chambre haute, de donner le ton sur leurs intentions en vue de l’examen du texte en séance publique, prévu à partir de mercredi.

Une concession de Lecornu au PS

La majorité sénatoriale a voulu marquer son désaccord majeur sur la mesure phare du projet de loi : la « suspension » jusqu’à janvier 2028 de la réforme des retraites. Concédée par le Premier ministre Sébastien Lecornu au PS, elle a été supprimée très largement par les sénateurs en commission, selon plusieurs participants.

« C’est de la poudre de Perlimpinpin », a regretté en commission la sénatrice Les Républicains Pascale Gruny, relevant le fait que le financement de la mesure reposerait « sur les retraités eux-mêmes ». « Le Sénat ne peut pas se renier sur une réforme qu’il a soutenue depuis des années », a pour sa part assumé auprès de l’AFP la rapporteure générale centriste Élisabeth Doineau.

Amélie de Montchalin appelle « au compromis »

La gauche a vivement dénoncé cette décision. « La majorité sénatoriale se met dans une posture de refus de tout accord et de tout compromis », a regretté Bernard Jomier (groupe socialiste). Interrogée par Le Parisien, la ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin a de son côté appelé les sénateurs à « œuvrer au compromis » car « il y aura une suspension de cette réforme s’il y a un vote sur le budget ».

Notre dossier sur la Réforme des retraites 2023

Ce rétablissement ne préjuge en rien de l’issue des débats sur ce texte, qui poursuivra son parcours au Parlement jusqu’au début du mois de décembre. Les sénateurs repartiront d’ailleurs mercredi du texte qui leur a été transmis, c’est-à-dire de la version modifiée ces derniers jours par les députés avant l’interruption des débats. Tous les amendements adoptés en commission devront donc à nouveau être soumis au vote du Sénat dans son ensemble.

Et les divergences avec les députés s’annoncent nombreuses. Samedi, les sénateurs ont par exemple proposé en commission le gel, en 2026, des prestations sociales, habituellement indexées sur l’inflation. L’Assemblée avait largement supprimé la mesure durant son examen. Le gel des pensions de retraite, supprimé lui aussi par les députés, a également été rétabli en commission, même si les sénateurs ont choisi, à ce stade, de préserver les pensions de retraite inférieures à 1.400 euros, selon plusieurs participants.